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Imite mon exemple: & lors qu'une cabale,
Un flot de vains Auteurs follement te ravale ;.
Profite de leur haine, & de leur mauvais fens :
Ry du bruit paffager de leurs cris impuiffans.
Que peut contre tes vers une ignorance vaine?
Le Parnaffe François ennobli par ta veine
Contre tous ces complots fçaura te maintenir,,
Et foulever pour toy l'équitable Avenir.
Et qui voyant un jour la douleur vertueuse
De Phédre malgré foy perfide, inceftueuse,
D'un fi noble travail juftement étonné,
Ne benira d'abord le fiecle fortuné,

Qui rendu plus fameux par tes illuftres veilles,
Vid naiftre fous ta main ces pompeufes merveilles ?>>
Cependant laiffe ici gronder quelques Cenfeurs,
Qu'aigriffent de tes vers les charmantes douceurs.
Et qu'importe à nos vers que Perrin les admire ?
Que l'Auteur du Jonas s'empreffe pour les lire?
Pourvû qu'ils fçachent plaire au plus puiffant des Rois ::
Qu'à Chantilli Condé les fouffre quelquefois ;
Qu'Enguien en foit touché, que Colbert & Vivone,.
Que la Rochefoucaut, Marfillac & Pompone,..
Et mille autres qu'ici je ne puis faire entrer,
A leurs traits delicats fe laiffent penetrer.

Et plût au Ciel encor, pour couronner l'ouvrage,
Que Montauzier vouluft leur donner fon fuffrage..
C'eft à de tels Lecteurs que j'offre mes écrits..
Mais pour un tas groffier de frivoles Efprits,
Admirateurs zelez de toute œuvre infipide,
Que non loin de la place où Brioché pre fide...
Sans chercher dans les vers ni cadence ni fon,,
Il s'en aille admirer le fçavoir de Pradon..

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EPISTRE VIII.

AURO Y.

RAND ROY, ceffe de vaincre, ou je ceffe d'écrire: Tu fçais bien que mon ftile eft né pour la Satire : Mais mon efprit contraint de la defavoüer, Sous ton regne étonnant ne veut plus que loüer. Tantoft dans les ardeurs de ce zele incommode, Je fonge à mesurer les fyllabes d'une Ode: Tantoft d'une Eneide auteurambitieux, Je m'en forme déja le plan audacieux. Ainfi toûjours flatté d'une douce manie, Je fens de jour en jour déperir mon genie, Et mes vers en ce ftile; ennuyeux, fans appas, Deshonorent ma plume, & ne t'honorent pas. Encor, fi ta valeur à tout vaincre obstinée Nous laifoit pour le moins refpirer une année, Peut-eftre mon efprit prompt à reffufciter, Du temps qu'il a perdu fçauroit se r'aquiter. Le Parnaffe François non exempt de tous crimes, Offre encore à mes vers des fujets & des rimes. Mais à peine Dinan & Limbourg font forcez, Qu'il faut chanter Bouchain & Condé terraffez. Ton.courage affamé de peril & de gloire: Court d'exploits en exploits, de victoire en victoire, Souvent ce qu'un feul jour te voit executer, Nous laiffe pour un an d'actions à conter.

Que fi quelquefois las de forcer des murailles, Le foin de tes Sujets te rappelle à Versailles, Tu viens m'embaraffer de millé autres vertus, Te voyant de plus prés je t'admire encor plus. Dans les nobles douceurs d'un fejour plein de charmes, Tu n'es pas moins Heros qu'au milieu des alarmes. De ton throne agrandi portant feul tout le faix, Tu cultives les arts, tu répans les bienfaits,

Tu

Tu fçais recompenfer jufqu'aux Mufes critiques.
Ah! croy-moy, c'en eft trop. Nous autres Satiriques.
Propres à relever les fottifes du temps,

Nous fommes un peu nés pour eftre mécontens.
Noftre Muse fouvent pareffeufe & fterile
A befoin, pour marcher, de colere & de bile.
Noftre ftile languit dans un remerciment:

Mais, GRAND ROY, nous fçavons nous plaindre élegamment.

O! que fije vivois fous les regnes finiftres
De ces Rois nés valets de leurs propres Miniftres,
Et qui jamais en main ne prenant le timon,

Aux exploits de leurs temps ne prestoient que leur nom.
Que, fans les fatiguer d'une loüange vaine,
Aifément les bons mots couleroient de ma veine,
Mais toûjours fouston regne il faut fe récrier.
Toûjours, les yeux au Ciel, il faut remercier.
Sans ceffe à t'admirer ma critique forcée,
N'a plus, en écrivant, de maligne pensée,
Et mes chagrins fans fiel & prefque évanouis,
Font grace à tout le fiecle en faveur de LOUIS
En tous lieux cependant la Pharfale * approuvée
Sans crainte de mes vers va la tefte levée.
La licence par tout regne dans les écrits.
Déja le mauvais Sens reprenant fes efprits
Songe à nous redonner des Poëmes Epiques,
S'empare des difcours mefmes Academiques.
Perrin a de fes vers obtenu le pardon:
Et la Scene Françoife eft en proye à Pradon.
Et moy, furce fujet, loin d'exercer ma plume,
J'amaffe de tes faits le penible volume,
Et ma Mufe occupée à cet unique employ,
Ne regarde, n'entend, ne connoift plus que toy:
Tule fçais bien pourtant, cette ardeur empreffée
N'eft point en moy l'effet d'une ame intereffée.

La Pharfale de Brebauf.

Avant

Avant que tes bienfaits couruffent me chercher,
Mon zele impatient ne'fe pouvoit cacher.
Je n'admirois que toy. Le plaifir de le dire
Vint m'apprendre à louer au fein de la Satire..
Et depuis que tes dons font venus m'accabler,
Loin de fentir mes vers avec eux redoubler,
Quelquefois, le diray-je, un remords legitime
Au fort de mon ardeur, vient refroidir ma rime.
Il me femble, GRAND ROY, dans mes nouveaux écrits,,
Que mon encens payé n'eft plus du mefme prix.
J'ay peur que l'Univers, qui fçait marecompenfe,
N'impute mes tranfports à ma reconnoiffance,
Et que par tes prefens mon vers decredité
N'ayt moins de poids pour toy dans la pofterité.
Toutefois je fçay vaincre un remords qui te bleffe.-
Si tout ce qui reçoit des fruits de ta largeffe,
A peindretes exploits ne doit point s'engager,.
Qui d'un fi jufte foin fe pourra donc charger?
Ah! plûtoft de nos fons redoublons l'harmonie.
Le zele à mon efprit tiendra lieu de genie.
Horace tant de fois dans mes vers imité,

De vapeurs en fon temps, comme moy, tourmenté,
Pour amortir le feu de fa rate indocile,.
Dans l'encre quelquefois fceut égayer fa bile..
Mais de la mefme main qui peignit Tullius,
Qui d'affronts immortels couvrit Tigellius, t
Il fceut fléchir Glycere, ilfceut vanter Augufte,,
Et marquer fur la lyre une cadence jufte.
Suivons les pas fameux d'un fi noble Ecrivain.
A ces mots quelquefois prenant la lyre en main,
Au recit que pour toy je fuis preft d'entreprendre,
Je croy voir les rochers accourir pour m'entendre,,
Et déja mon vers coule à flots précipitez ¿
Quand j'entens le Lecteur qui me crie, Arrestez:
Horace eut cent talens: mais la Nature avare
Ne vous a rien donné qu'un peu d'humeur bizare.

Vous

* Senateur Romain. † Fameux Muficien, le plus eftimédé son. zamps, & fort-cheri d' Augufte,

Vous paffez en audace & Perfe & Juvenal:

Mais fur le ton flateur Pinchesne eft vostre égal.
A ce difcours, GRAND ROY, que pourrois je ré-
pondre ?

Je me fens fur ce point trop facile à confondre,
Et fans trop relever des reproches fi vrais,

Je m'arrefte à l'inftant, j'admire, & je me tais.

EPL

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