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l'examen approfondi de l'œuf de la poule à ses divers degrés de développement jusqu'à l'éclosion du poussin, ce qui lui a permis de faire des rapprochements du plus haut intérêt. Chacun de ces deux traités est orné d'un grand nombre de figures. Le seul traité du fœtus en a trente-trois. Il en avait fait exécuter jusqu'à trois cents pour un grand ouvrage d'anatomie et de physiologie comparées qu'il méditait et auquel il voulait donner le titre de Théâtre complet de la structure animale, Totius fabricæ animalis Theatrum. Le temps lui a manqué, comme il a manqué à Eustachi dans une semblable entreprise, mais, au moins, nous conservons les planches de l'ouvrage projeté par Eustachi, tandis que celles de Fabrice ont été perdues, et avec elles toute trace de son travail sur ces matières.

Ses OEuvres chirurgicales, publiées à Padoue deux ans avant sa mort, 1617, en un volume in-folio, témoignent des progrès qu'il fit faire à cette branche de la science médicale et semblent donner raison à Boerhaave qui lui assigne, comme chirurgien, le premier rang sur tous ses contemporains: Superavit enim omnes, et nemo illi hanc disputat gloriam.

Dès l'année 1574, il avait reconnu et démontré à ses élèves l'existence des valvules des veines, mais ce n'est qu'en 1603 qu'il a exposé cette découverte dans un écrit très-succinct accompagné de huit tableaux.

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Au début de cet écrit, Fabrice exprime son étonnement de ce que personne avant lui n'a aperçu ces appendices organiques. Est-il fondé à parler de la sorte? Pour les valvules des orifices du cœur, elles sont connues depuis que l'œil de l'homme a plongé dans l'intérieur de l'organisation animale; Galien les décrit exactement, et Vésale plus exactement encore. Quant aux valvules des veines, un professeur d'anatomie à Ferrare, Cannani, fit voir en 1547 celles de la veine azygos à son ami Amatus Lusitanus qui en rend témoignage dans ses Centuries; et Sylvius, longtemps avant Fabrice, avait décrit aussi les valvules de cette même veine azygos et celles de la jugulaire et de la crurale; mais ces observations portaient uniquement sur les replis membraneux dont les veines sont pourvues à leur embouchure, tandis que Fabrice fit voir que de semblables replis existent dans l'intérieur même des tubes veineux, et là est la découverte, une découverte qui lui est propre et qui n'avait point été faite avant

lui.

Il décrit ces valvules, et il en donne le dessin, en faisant remarquer que leur surface concave est tournée du côté du cœur, ce qui empêche, dit-il, que le sang ne reflue vers les extrémités et ne s'y accumule.

Si le sang, porté des extrémités au cœur par les veines, ne peut pas refluer dans ces conduits, et

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qu'après avoir passé à travers le poumon, il soit chassé par le cœur dans les artères, lesquelles communiquent avec les veines, il est évident qu'il y a circuit. Cette déduction toute naturelle semblait devoir naître immédiatement de la connaissance des faits acquis à la science par Fabrice et ses prédécesseurs ; cependant, quarante-cinq ans se sont écoulés de 1574, époque à laquelle Fabrice compléta la découverte des valvules des veines, jusqu'en 1619 où Harvey démontra dans ses cours la circulation générale du sang; tant il est difficile à l'esprit humain de percer les ténèbres que les préjugés accumulent autour de lui!

Il n'est pourtant pas resté infécond durant ce long espace de temps, car, au milieu même des dissensions politiques et religieuses qui agitaient alors l'Europe, les savants poursuivaient leurs travaux et entretenaient entre eux d'actives relations. Aldrovande commençait la publication, qui n'a été terminée qu'après sa mort, de son grand ouvrage d'histoire naturelle. Les jardins botaniques, les cabinets de zoologie se multipliaient; et la première des sociétes savantes des temps modernes, la société des Lyncées prenait naissance sous les auspices du prince Cesi, en même temps que l'on voyait apparaître sur la scène du monde Bacon et Galilée, c'està-dire la théorie et l'application de la philosophie

expérimentale; mais le fait le plus considérable de la fin du seizième siècle, dans l'ordre d'idées qui nous occupe, est encore l'enseignement de l'anatomie par Fabrice d'Aquapendente, puisque la découverte de Harvey est véritablement sortie de cet enseignement, et que de cette découverte date toute la physiologie moderne.

§ IX

Guillaume Harvey naquit à Folkstone, dans le comté de Kent, le 1er avril 1578.

De fortes études dans l'université de Cambridge développèrent chez lui le goût des sciences, particulièrement celui des sciences médicales: c'est ce qui l'attira à Padoue dont l'école alors était sans rivale en Europe. Fabrice d'Aquapendente y enseignait l'anatomie et la chirurgie. Harvey suivit durant cinq années les leçons de ce grand homme; il reçut au bout de ce temps, en 1602, le grade de docteur, et rentra dans son pays avec d'amples munitions. Il avait vingt-quatre ans.

Six ans après, il fut incorporé au collége des médecins de Londres; et en 1615, ses collègues lui confièrent l'enseignement de l'anatomie et de la chirurgie.

Il y avait déjà dix ans que Bacon avait donné la

première édition de son ouvrage sur la dignité et l'accroissement des sciences (Londres, 1605), où il proclamait la supériorité de la méthode expérimentale sur toute autre, et la nécessité, pour perfectionner la médecine, de cultiver l'anatomie comparée et l'anatomie pathologique, et de soumettre l'animal vivant à des épreuves qui pourraient sembler cruelles si elles n'avaient pour effet de nous éclairer sur nos plus pressants besoins et d'épargner peut-être bien des douleurs aux générations futures. C'était précisément la marche qu'avaient suivie Fallope et Fabrice d'Aquapendente; ce fut celle que suivit Harvey. Il avait appris de Fabrice, son maître, à interroger la nature et à l'interroger patiemment, sous ses divers aspects, sur le vivant et sur le mort, et dans les différentes espèces animales, de manière à connaître ce qui fait loi, et de quelle sorte la loi peut être modifiée.

Les travaux de Fabrice sur les évolutions de l'œuf de la poule et sur la formation du fœtus chez les vivipares, et la découverte qu'il avait faite des valvules des veines avaient particulièrement fixé l'attention de Harvey. Il dirigea de ce côté toutes ses investigations; et après s'être assuré, par les dissections les plus minutieuses, de la structure du cœur et de celle des vaisseaux qui s'y rattachent, il étudia par la vue et le toucher, oculis atque tactu, sur des

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