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Nous pouvons donc être satisfaits de la part qui nous est faite, et, sans crainte d'abdiquer notre dignité, reconnaître qu'il y a chez l'animal une étincelle de la flamme qui nous éclaire.

CHAPITRE XXV

DE QUELQUES APPLICATIONS PRATIQUES QUE DESCARTES A FAITES DE SES CONNAISSANCES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES A LA PATHOLOGIE, A LA THÉRAPEUTIQUE, A LA MÉDECINE LÉGALE ET A L'HYGIÈNE.

Descartes s'était trop occupé d'anatomie et de physiologie, il attachait trop d'importance à la conservation de la santé qu'il estime être le premier des biens et le fondement de tous les autres (1), pour n'être point tenté de pénétrer dans le domaine de la médecine proprement dite. « Celle qui est maintenant en usage, dit-il, contient peu de choses dont l'utilité soit si remarquable: mais, sans que j'aie aucun dessein de la mépriser, je m'assure qu'il n'y a personne, même de ceux qui en font profession, qui n'avoue que tout ce qu'on y sait n'est presque rien en comparaison de ce qui reste à savoir; et qu'on se pourrait exempter d'une infinité de maladies tant du corps que de l'esprit, et même aussi peut-être de l'affoiblissement de la vieillesse, si on

(1) Disc. de la Méth., VIe partie, t. I des OEuvres, p. 193.

avait assez de connoissance de leurs causes et de tous les remèdes dont la nature nous a pourvus (1). » I forma donc le dessein d'employer toute sa vie à la recherche d'une science si nécessaire (2); et il nous apprend par sa correspondance que, dès l'année 1638, c'est-à-dire un après la publication du Discours de la méthode et de la Dioptrique, il travaillait à composer un Abrégé de Médecine (3), non qu'il se crût encore en état d'y introduire des réformes fondées sur un assez grand nombre d'observations, mais uniquement pour fixer les connaissances qu'il avait acquises à cet égard, et se faire à lui-même un guide qui le mît sur la voie des découvertes et qui l'aidât à diriger sa santé. Le temps et l'expérience lui ont manqué pour conduire à bonne fin cette entreprise. L'Abrégé de Médecine n'a jamais vu le jour. Nous n'en connaissons point le plan; nous n'en avons pas même l'ébauche; en sorte que, pour nous faire une idée de ce que Descartes savait de la médecine proprement dite, nous en sommes réduits à recueillir dans l'ancienne édition de ses œuvres et dans les nouveaux opuscules que nous devons au zèle éclairé de M. Foucher de Careil, les trop courtes notions qui s'y rencontrent çà et là sur la pathologie, la

(1)Disc. de la Méth., VIe partie, t. I des OEuvres, p. 193. (2) Ibid.

(3) Corresp. OEuvres compl., t. VII, p. 413.

thérapeutique, la matière médicale, la médecine légale et l'hygiène. Descartes n'a traité dans son ensemble aucune de ces divisions de la science, mais nous trouvons sur chacune d'elles, dans ses œuvres, des aperçus que nous allons faire connaître.

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En pathologie, Descartes est humoriste : il attribue les maladies dont il fait mention à l'altération des fluides vitaux, le chyle, la lymphe, le sang, la bile. Comme la chaleur, condition première de la vie, résulte pour lui de la fermentation des humeurs, ce qui en change le caractère, ce qui l'augmente ou la diminue donne lieu à une foule de maladies; et comme aussi la circulation des humeurs, et leur transpiration à travers les pores des vaisseaux, sont les conditions de la nutrition, sans laquelle le corps dépérirait, les changements qui surviennent dans la composition de ces humeurs, en mettant obstacle à leur passage à travers les pores et par conséquent à la nutrition, sont encore une source de maladies nombreuses.

« Tout trésaillement et frisson dans le corps vient, dit-il, de ce que les parties fluides s'accumulent en un certain foyer unique où la chaleur est à son comble (au détriment des autres parties)... Ainsi

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dans les fièvres qui débutent par le frisson, on peut affirmer qu'elles ont pour point de départ quelque foyer où une humeur vitieuse est entrée en fermentation; cette humeurfinfecte le sang, lequel, arrivant au cœur, produit la fièvre (1). »

L'empoisonnement du sang provoque d'abord le malaise et la concentration de la chaleur, puis l'accélération des battements du cœur et celle de la circulation, l'élévation de la température du corps et la transpiration, en un mot, cet ensemble de phénomènes qui constitue la réaction fébrile à l'aide de laquelle la matière peccante est expul

sée.

Si les accès présentent entre eux des intervalles plus ou moins longs, sila fièvre est quotidienne, tierce ou quaternaire, cela vient, selon cette théorie, de ce que l'humeur corrompue qui en fournit la matière entre en fermentation avec plus ou moins de lenteur (2).

Chaque accès a pour effet de purger le corps et de le débarrasser de cette infection; mais la purgation est rarement complète; le levain qui reste reproduit la cause du mal, quelquefois même il la développe

(1) OEuvres inédites de Descartes, publiées par M. le comte Foucher de Careil, Ile part., p. 69.

(2) OEuvres compl., t. VII, p. 359; t. VIII, p. 553; t. IX, p. 332333.

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