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CHAPITRE XXI

REMÈDES CONTRE LES PASSIONS.

« Nous devons nous servir de l'expérience et de la raison pour distinguer le bien d'avec le mal, et connaître leur juste valeur, afin de ne prendre pas l'un pour l'autre, et de ne nous porter à rien avec excès (1). »

Cette connaissance est la première condition pour arriver à bien régler notre âme, et elle n'est pas d'une acquisition aussi difficile qu'on pourrait le croire on peut même dire qu'elle est à la portée du commun des hommes, puisque la conscience, cette révélation intérieure qui éclaire tout homme venant au monde, parle à tous le même langage, et que les lois religieuses et civiles suppléent à notre inattention et à la paresse de notre esprit. Quel est l'homme qui ne sent pas intérieurement qu'il doit soumettre sa volonté à celle qui régit l'univers; que le corps doit obéir à l'esprit; que la nature nous interdit tout excès; que nous ne devons pas faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qu'on nous fit à nous

(1) Les Passions de l'âme, Ile part., art. 138.

mêmes, et que nous ne pouvons séparer notre bien particulier du bien général auquel chacun doit concourir selon la mesure de ses forces.

Ces avertissements de la conscience suffiraient peut-être à la bonne direction de notre conduite, si les impressions des sens ne venaient perpétuellement nous en distraire, et n'entraînaient notre volonté ; aussi Descartes nous recommande-t-il avec instance de nous appliquer de bonne heure à provoquer en nous des pensées qui soient de nature à corriger les mouvements des sens et les impressions venues du dehors, nous tenant pour avertis que les sens et l'imagination égarent presque toujours la raison (1); il veut en outre que lorsque la passion nous sollicite, nous suspendions notre détermination, jusqu'à ce que le temps et le repos aient entièrement apaisé l'émotion qui est dans le sang (2).

Telle est la discipline par laquelle Descartes espère contenir les passions dans de justes limites, tels sont les remèdes qu'il leur oppose :

L'attention à discerner le bien d'avec le mal ; La surveillance des sens et de l'imagination; L'application à faire naître en nous des pensées propres à réprimer les mouvements des sens;

(1) Les Passions de l'âme, Ire partie, art. 47-48; Ile partie, art. 147; III partie, art. 211.

(2) Les Passions de l'âme, Ire partie, art. 46; IIIe partie, article 211.

Et enfin, quand nous sommes sollicités par passions, l'étroite obligation de suspendre toute détermination jusqu'à ce que l'émotion soit calmée.

On peut, comme l'ont fait les maîtres de la vie spirituelle que la théologie chrétienne a produits, entrer dans de plus grands détails pour la direction des âmes; on peut tracer des règles plus minutieuses et plus pratiques pour la répression des passions; mais il est difficile, sans sortir de la sphère de la pure philosophie, d'élargir le cadre tracé par Descartes.

CHAPITRE XXII

DE LA GÉNÉRATION ET DE L'EMBRYOLOGIE.

L'animal, parvenu à son complet développement, est sollicité à l'expansion. Il éprouve le besoin de communiquer la vie qui surabonde en lui; et par l'addition de ses forces à celles d'un être qui lui est semblable, mais non égal, il donne naissance à un autre être de même nature; et, de la sorte, l'espèce s'accroît et se perpétue.

La génération est, pour ainsi dire, la nutrition de l'espèce, comme la nutrition proprement dite est la génération de l'individu.

Dans l'un et l'autre cas, il y a deux éléments en jeu l'un actif, l'autre passif.

L'animal qui concourt activement à la nutrition de l'espèce est appelé mále; celui dont le rôle est passif est appelé femelle.

La femelle fournit pour sa part la matière première de l'être nouveau ; le mâle fournit l'élément actif qui anime cette matière et qui donne lieu au développement du nouvel être.

Comment l'élément actif agit-il sur la matière de

la fécondation? Est-ce à la manière des ferments, comme simple stimulant, ou en s'incorporant au germe et en venant se greffer sur lui ? C'est ce qui est encore dans l'obscurité.

Ce qui est certain, c'est que l'être nouveau qui résulte du rapprochement du mâle et de la femelle tient visiblement de l'un et de l'autre, quelquefois de l'un plus que de l'autre, mais toujours de l'un et de l'autre ; ce qui prouve que tous deux ont eu part à sa formation.

Ces questions ont de tous temps préoccupé les philosophes et les médecins. Dès que la curiosité humaine s'est éveillée, on s'est demandé comment s'accomplit la fécondation, et dans quel ordre se développe, au sein de la mère, le germe fécondé.

En cela, comme en tout le reste, l'hypothèse a précédé la science. La seule observation des faits a conduit, par degrés, les modernes à des résultats positifs. On a su quand on a vu. Cette étude expérimentale des lois de la génération date du seizième siècle. Elle a pour fondateurs le grand anatomiste Fallope, et Fabrice d'Aquapendente, le maître de Harvey. Jusque-là, nous ne rencontrons guère dans les écrits des naturalistes, des philosophes et des médecins que des conjectures plus ou moins fondées, peu ou point d'observations directes. Il faut pourtant en excepter les écrits d'Aristote. Aristote

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