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répond nullement à la simplicité de nos pensées; et d'ailleurs la physiologie expérimentale nous apprend que la destruction des lobes cérébraux, bien avant que cette glande soit atteinte, suffit à l'abolition de la perception et de la volonté. Mais acceptons l'hypothèse de Descartes pour le suivre dans ses explications.

La glande pinéale étant le siége propre de l'âme, comment les impressions venues du dehors parviennent-elles à cette glande, et de quelle manière l'âme fait-elle sentir aux organes sa présence et son action? Tout cela, dit Descartes, s'opère par l'entremise des nerfs, et leur structure nous fait comprendre comment cela s'opère.

« Il faut distinguer trois choses en ces nerfs, à savoir, premièrement, les peaux qui les enveloppent et qui, prenant leur origine de celles qui enveloppent le cerveau, sont comme de petits tuyaux divisés en plusieurs branches qui se vont épandre çà et là par tous les membres en même façon que les veines et les artères; puis, leur substance intérieure qui s'étend en forme de petits filets tout le long de ces tuyaux depuis le cerveau, d'où elle prend son origine, jusqu'aux extrémités des autres membres où elle s'attache, en sorte qu'on peut imaginer en chacun de ces petits tuyaux plusieurs de ces petits filets indépendants les uns des autres; puis, enfin,

les esprits animaux qui sont comme un air ou un vent très-subtil, qui, venant des chambres ou concavités qui sont dans le cerveau, s'écoule par ces mêmes tuyaux dans les muscles (1). »

Après cette exposition de la structure des nerfs, Descartes, pour faire ressortir l'excellence de sa théorie, propose le problème suivant :

D'où vient qu'un même nerf est à la fois un organe de sentiment et un organe de mouvement, et que néanmoins, dans certains cas de paralysie, le mouvement est aboli, tandis que le sentiment persiste?

Certains anatomistes, dit-il, ont cru lever cette difficulté en admettant des nerfs moteurs et des nerfs sensitifs, mais l'expérience ne vient point à l'appui de leur distinction. D'autres ont prétendu que la faculté sensitive était attachée aux enveloppes du nerf, tandis que la faculté motrice tenait au nerf lui-même ; autre hypothèse qui n'est pas plus soutenable.

Tout s'explique, au contraire, si l'on admet que les esprits, dont les nerfs sont les conducteurs, déterminent les contractions des muscles, et par ces contractions le jeu de toute la machine, et si l'on reconnaît que les petits filets contenus dans la gaîne des nerfs sont les organes du sentiment. Par là, on comprendra très-bien comment un même nerf

(1) OEuvr. de Descartes, la Diopt., t. V, p. 35.

transmet à la fois le sentiment et le mouvement, el comment le mouvement peut être aboli, si le cours des esprits est interrompu, sans que le sentiment soit pareillement aboli, le sentiment étant lié à l'intégrité des filets nerveux.

« Ces petits filets enfermés, comme j'ai dit, en des tuyaux qui sont toujours enflés et tenus ouverts par les esprits qu'ils contiennent, ne se pressent ni empêchent aucunement les uns les autres, et sont étendus depuis le cerveau jusqu'aux extrémités de tous les membres qui sont capables de quelque sentiment, en telle sorte que, pour peu qu'on touche et fasse mouvoir l'endroit de ces membres où quelqu'un d'eux est attaché, on fait aussi mouvoir au même instant l'endroit du cerveau d'où il vient, ainsi que, tirant l'un des bouts d'une corde qui est toute tendue, on fait mouvoir au même instant l'autre bout (1). »

Descartes était sur la voie de la véritable explication de cette double faculté que possèdent les nerfs de transmettre le mouvement et le sentiment, lorsqu'il reconnaissait que chaque faisceau nerveux est composé de filets distincts et indépendants, mais il n'a pas suivi cette idée; il n'a pas cherché par l'expérimentation à quoi pouvaient servir les doubles racines des nerfs dont Galien et Vésale avaient cons(1) La Diopt., disc. IV.

taté l'existence; il ne semble même pas s'en être aperçu, du moins il n'en parle pas.

Au point de vue des connaissances anatomiques, Descartes le cède à plusieurs de ses contemporains et de ses devanciers; mais dès qu'il s'agit d'établir l'existence de cette force particulière qui est unie aux organes et qui les domine, il n'a plus d'égal; et la page que nous avons citée, dans laquelle il démontre que c'est l'âme qui sent et non le

cette page,

corps, celte à elle seule, rachète toutes ses erreurs.

CHAPITRE IX

LES SENS.

Les organes qui, sous l'influence du système nerveux, nous mettent en communication avec le monde extérieur sont les organes des sens : ils nous donnent le sentiment des qualités distinctives des corps, de leur température, de leur consistance et de l'état de leurs surfaces, de leur saveur, de leur odeur, de leur sonorité et de leur couleur.

A toutes ces qualités répondent les cinq sens.

<< Le premier, dit Descartes, est l'attouchement, qui a pour objet tous les corps qui peuvent mouvoir quelque partie de la chair ou de la peau de notre corps, et pour organe tous les nerfs qui, se trouvant en cette partie de notre corps, participent à son mouvement. Ainsi, les divers corps qui touchent notre peau meuvent les nerfs qui se terminent en elle, d'une façon par leur dureté, d'une autre par leur pesanteur, d'une autre par leur chaleur, d'une autre par leur humidité, etc. ; et ces nerfs excitent autant de divers sentiments en l'âme qu'il y a de diverses façons dont ils sont mus, ou dont leur

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