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turaliste de premier ordre, et l'on serait embarrassé de décider si la zoologie lui est plus redevable que la botanique. Il fut le premier à s'apercevoir que les plantes qui se ressemblent par leurs fleurs et leurs fruits se ressemblent aussi par d'autres côtés et ont ordinairement des propriétés analogues, d'où il tira cette conclusion que c'est dans les organes de la fructification qu'il faut chercher les caractères génériques des végétaux et la base de leur classification. Il le dit expressément; mais sa découverte se borne à une indication; il ne lui a pas été donné d'aller plus loin; tandis que, à la même époque, André Césalpin, qui a eu la même idée et une conception plus complète de l'organisation végétale, asu en faire l'application.

Césalpin, né à Arezzo en 1519, mort à Rome en 1603, remplit presque tout le siècle de son nom et de ses travaux. La philosophie, l'histoire naturelle, la médecine s'en honorent. Comme philosophe, il ajoute un nouveau lustre à l'école d'Averrhoës (1) comme médecin, nous lui devons une première vue de la circulation pulmonaire et une vue anticipée de la circulation générale; comme botaniste, il a sa place marquée parmi les fondateurs de la méthode naturelle.

(1) Voir la VI leçon de l'Histoire générale de la philosophie, par M. V. Cousin. Paris, 1863.

Jusqu'à lui, on classait les plantes d'après leurs usages, d'après les lieux d'où elles sont originaires, ou même selon l'ordre alphabétique de leurs noms. Césalpin, dans son ouvrage de Plantis, imprimé à Florence en 1583, traite de la structure des plantes, compare leurs graines à l'œuf des animaux, distingue les organes femelles, donne le nom de plantes mâles à celles qui n'ont que des étamines et celui de plantes femelles à celles qui portent la graine, et enfin il les classe d'après des caractères tirés de leur organisation même. Il admet d'abord deux grandes divisions, les arbres et les herbes, et il les subdivise par groupes selon que leurs semences sont apparentes ou cachées, solitaires ou multiples. De là à la méthode naturelle, il n'y a qu'un pas. Césalpin est le précurseur immédiat des Linnée et des de Jussieu.

SIV

Les progrès de la zoologie, au seizième siècle, ne furent pas moins sensibles que ceux de la botanique, mais nous ne pourrions les suivre sans trop nous écarter de notre sujet principal. Qu'il nous soit permis seulement de rappeler les noms de Belon, de Salviani, de Rondelet, de Gesner et d'Aldrovande.

Le premier d'entre les modernes, Belon a parlé des oiseaux d'après ses propres observations avec

une grâce naïve et une remarquable précision. Salviani et Rondelet nous ont appris à connaître la population des mers et celle des rivières en joignant à leurs descriptions des figures exactement dessinées sur nature. Quant à Gessner et à Aldrovande, ce sont des encyclopédistes qui nous confondent par l'étendue de leurs connaissances. L'Histoire des animaux de Gessner, dont le premier volume parut en 1551, est un ouvrage capital où l'on trouve une première tentative de classification zoologique. Les naturalistes qui ont suivi en ont tous profité, et plusieurs en ont tiré des notions curieuses dont ils n'indiquent pas même la source.

L'institut de Bologne conserve précieusement vingt volumes de figures d'animaux recueillies par Aldrovande, et une masse énorme de manuscrits d'où on a tiré les quatorze volumes in-folio qui composent ses œuvres.

En facilitant ainsi par leurs travaux l'étude comparative des êtres, ces grands naturalistes de la renaissance, tous médecins, ont puissamment contribué à la rénovation, au perfectionnement et aux progrès de l'anatomie qui doit particulièrement attirer notre attention comme base de la physiologie et de la médecine.

SV

Les Grecs, nos maîtres en tout, n'ont point négligé l'anatomie. La perfection à laquelle la statuaire est parvenue chez eux le ferait supposer, lors même que les écrits d'Hippocrate, ceux d'Aristote et de Galien ne l'attes teraient pas ; mais leurs artistes n'étudiaient que l'anatomie des formes, et les philosophes ou les médecins qui voulaient connaître plus profondément la structure de nos organes ne pouvaient guère en juger que par celle des autres animaux, le respect accordé à nos dépouilles mortelles et l'usage de l'incinération des corps s'opposant à une étude directe; et de là, d'inévitables erreurs et de fausses applications. Néanmoins, la science commençait à se constituer lorsqu'elle fut pour longtemps interrompue dans son cours progressif par la perturbation] que jeta dans le monde la chute de l'Empire romain.

Il faut arriver jusqu'au quatorzième siècle pour rencontrer chez les modernes un traité un peu complet d'anatomie. Ce traité est dû à Mondini, professeur à l'Université de Bologne. Il est en grande partie calqué sur les descriptions des anciens. Cependant, Mondini avait disséqué par lui-même deux cadavres humains, et cet avantage, tout à fait

exceptionnel à une époque où il fallait pour cela obtenir l'autorisation de la cour de Rome, lui permit de donner à son travail un certain air de nouveauté. Pendant plus de deux siècles, les médecins n'ont pas eu d'autre guide. Ce livre était obligatoire dans l'enseignement; il était défendu aux professeurs de s'en écarter, et on aurait ainsi perpétué indéfiniment les erreurs qu'il contenait, si l'esprit d'indépendance et de curiosité qui s'éveilla vers la fin du quinzième siècle n'eût été plus fort que les règle

ments.

L'innovation vint de l'Italie. Zerbis, professeur à Padoue; Achillini et Bérenger de Carpi, professeurs à Bologne, en donnèrent le signal et l'exemple, bien qu'ils n'aient été, surtout les deux premiers, que les libres commentateurs de Mondini.

Zerbis publia en 1502 un ouvrage, Liber anatomiæ corporis humani, qui marque déjà un progrès, et ce progrès devient plus sensible dans les écrits d'Achiliini parce qu'il a plus observé par lui-même. Nous devons à Achillini la découverte des nerfs de la quatrième paire et des notions nouvelles sur la structure du cerveau et sur celle de l'appareil auditif. Quant à Bérenger de Carpi, il est certainement le plus considérable des trois, et ce n'est pas sans raison que Descartes l'appelle le restaurateur de l'anatomie. S'il faut en croire ses biographes, il aurait

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