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MARIANE. Il est vrai qu'il brille beaucoup.

CLEANTE, il l'ôte du doigt de son père et le donne à Mariane. Il faut que vous le voyiez de près.

MARIANE. Il est fort beau, sans doute, et jette quantité de feux.

CLEANTE, il se met au-devant de Mariane qui le veut rendre. Nenni, madame, il est en de trop belles mains. C'est un présent que mon père vous fait.

HARPAGON. Moi ?

5

CLEANTE. N'est-il pas vrai, mon père, que vous 10 voulez que madame le garde pour l'amour de vous ? HARPAGON, bas à son fils. Comment ?

CLEANTE, à Mariane. Belle demande! il me fait signe de vous le faire accepter.

MARIANE. Je ne veux point...

CLEANTE, à Mariane. Vous moquez-vous ?

garde de le reprendre.

HARPAGON, à part. J'enrage!

MARIANE. Ce serait...

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Il n'a

CLEANTE, en empêchant toujours Mariane de rendre la 20 bague. Non, vous dis-je, c'est l'offenser.

MARIANE. De grâce.

CLEANTE. Point du tout.

HARPAGON, à part. Peste soit...

CLEANTE. Le voilà qui se scandalise de votre refus. 25 HARPAGON, bas à son fils. Ah, traître !

CLEANTE, à Mariane. Vous voyez qu'il se désespère. HARPAGON, bas à son fils en le menaçant. Bourreau que tu es !

CLEANTE. Mon père, ce n'est pas ma faute. Je fais 30 ce que je puis pour l'obliger à le garder, mais elle est obstinée.

HARPAGON, bas à son fils, avec emportement. Pendard! CLEANTE. Vous êtes cause, madame, que mon père me querelle.

HARPAGON, bas à son fils, avec les mêmes gestes. Le coquin !

CLEANTE, à Mariane. Vous le ferez tomber malade. De grâce, madame, ne résistez point davantage.

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FROSINE, à Mariane. Mon Dieu, que de façons. Gardez la bague, puisque monsieur le veut.

MARIANE, à Harpagon. Pour ne vous point mettre en colère, je la garde maintenant; et je prendrai un autre temps pour vous la rendre.

Scène XIII.

HARPAGON, MARIANE, ÉLISE, CLÉANTE, VALÈRE, FROSINE,

BRINDAVOINE.

BRINDAVOINE. Monsieur, il y a là un homme qui veut vous parler.

HARPAGON. Dis-lui que je suis empêché, et qu'il re

vienne une autre fois.

BRINDAVOINE. Il dit qu'il vous apporte de l'argent. HARPAGON, à Mariane. Je vous demande pardon. Je reviens tout à l'heure.

Scène XIV.

HARPAGON, MARIANE, ÉLISE, CLÉANTE, VALÈRE, FROSINE,

LA MERLUCHE.

LA MERLUCHE, il vient en courant et fait tomber Harpagon. Monsieur...

HARPAGON. Ah, je suis mort!

CLEANTE. Qu'est-ce, mon père? vous êtes-vous fait mal?

HARPAGON. Le traître assurément a reçu de l'argent de mes débiteurs, pour me faire rompre le cou.

VALERE, à Harpagon. Cela ne sera rien.

LA MERLUCHE, à Harpagon. Monsieur, je vous demande pardon; je croyais bien faire d'accourir vite. HARPAGON. Que viens-tu faire ici, bourreau ?

LA MERLUCHE. Vous dire que vos deux chevaux sont déferrés.

HARPAGON. Qu'on les mène promptement chez le maréchal.

CLEANTE. En attendant qu'ils soient ferrés, je vais

faire pour vous, mon père, les honneurs de votre logis, et conduire madame dans le jardin, où je ferai porter la collation.

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HARPAGON. Valère, aie un peu l'œil à tout cela; et prends soin, je te prie, de m'en sauver le plus que tu s pourras, pour le renvoyer au marchand.

VALERE. C'est assez.

HARPAGON, seul. O fils impertinent, as-tu envie de me ruiner ?

ACT IV.

ARGUMENT.

Whilst Cléante, Mariane, and Frosine try to break off the match contemplated by Harpagon (Scene I.), the miser perceives his son kissing the girl's hand. He conceives, of course, suspicions which he is anxious to clear up (Scene II.). By a clever ruse he obliges Cléante to acknowledge that he loves Mariane, and is loved by her; he then orders his son to give up his pretensions, and Cléante, indignant at having been deceived, openly stands forward as his father's rival (Scene III.). Vainly does Maître Jacques, in an amusing scene, endeavour to reconcile the competitors (Scene IV.). The exasperations reach such a pitch on both sides that the son forgets the respect due to his father, and Harpagon, on the other hand, curses and disinherits Cléante (Scene V.). But lo! At this very moment, La Flèche rushes out of the garden; he has discovered Harpagon's treasure, and carries it off. Scarcely has he time to inform Cléante of this bold deed (Scene VI.). Harpagon has already found out that his money is gone. His frantic cries are heard; he entreats, threatens, supplicates; he is dying

. . He is dead. . . . He is buried! He wants to send everybody to the gallows, and if he does not recover his money, he means to hang himself as well (Scene VII.).

Scène Première.

CLEANTE, MARIANE, ÉLISE, FROSINE.

CLEANTE. Rentrons ici; nous serons beaucoup mieux. Il n'y a plus autour de nous personne de suspect, et nous pouvons parler librement.

ÉLISE. Oui, madame, mon frère m'a fait confidence 5 de la passion qu'il a pour vous. Je sais les chagrins et les déplaisirs que sont capables de causer de pareilles traverses; et c'est, je vous assure, avec une tendresse extrême que je m'intéresse à votre aventure.

MARIANE. C'est une douce consolation, que de voir 10 dans ses intérêts une personne comme vous; et je vous conjure, madame, de me garder toujours cette généreuse amitié, si capable de m'adoucir les cruautés de la fortune.

FROSINE. Vous êtes, par ma foi, de malheureuses gens l'un et l'autre, de ne m'avoir point, avant tout ceci, 15 avertie de votre affaire. Je vous aurais, sans doute, détourné cette inquiétude, et n'aurais point amené les choses où l'on voit qu'elles sont.

CLEANTE. Que veux-tu ? c'est ma mauvaise destinée qui l'a voulu ainsi. Mais, belle Mariane, quelles ré20 solutions sont les vôtres ?

MARIANE. Hélas, suis-je en pouvoir de faire des résolutions! Et, dans la dépendance où je me voi, puis-je former que des souhaits?

CLEANTE. Point d'autre appui pour moi dans votre 25 cœur que de simples souhaits? Point de pitié officieuse ? Point de secourable bonté? Point d'affection agissante?

MARIANE. Que saurais-je vous dire? Mettez-vous en ma place, et voyez ce que je puis faire. Avisez, ordonnez vous-même; je m'en remets à vous, et je vous croi trop 30 raisonnable pour vouloir exiger de moi que ce qui peut m'être permis par l'honneur et la bienséance.

CLEANTE. Hélas! où me réduisez-vous, que de me renvoyer à ce que voudront me permettre les fâcheux sentiments d'un rigoureux honneur et d'une scrupuleuse bienséance?

MARIANE. Mais que voulez-vous que je fasse ? Quand je pourrais passer sur quantité d'égards où notre sexe est obligé, j'ai de la considération pour ma mère. Elle m'a toujours élevée avec une tendresse extrême, et je ne saurais me résoudre à lui donner du déplaisir. Faites, 5 agissez auprès d'elle. Employez tous vos soins à gagner son esprit; vous pouvez faire et dire tout ce que vous voudrez, je vous en donne la licence; et s'il ne tient qu'à me déclarer en votre faveur, je veux bien consentir à lui faire un aveu, moi-même, de tout ce que je sens 10 pour vous.

CLEANTE. Frosine, ma pauvre Frosine, voudrais-tu nous servir?

FROSINE. Par ma foi, faut-il le demander? je le voudrais de tout mon cœur. Vous savez que, de mon 15 naturel, je suis assez humaine. Le ciel ne m'a point fait l'âme de bronze; et je n'ai que trop de tendresse à rendre de petits services, quand je voi des gens qui s'entr'aiment en tout bien et en tout honneur. Que pourrions-nous faire à ceci ?

CLEANTE. Songe un peu, je te prie.

MARIANE. Ouvre-nous des lumières.

ÉLISE. Trouve quelque invention pour rompre ce que tu as fait.

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FROSINE. Ceci est assez difficile. (A Mariane.) Pour 25 votre mère, elle n'est pas tout à fait déraisonnable, et peutêtre pourrait-on la gagner, et la résoudre à transporter au fils le don qu'elle veut faire au père. (A Cléante.) Mais le mal que j'y trouve, c'est que votre père est votre père. CLEANTE. Cela s'entend.

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FROSINE. Je veux dire qu'il conservera du dépit, si l'on montre qu'on le refuse, et qu'il ne sera point d'humeur ensuite à donner son consentement à votre mariage. Il faudrait, pour bien faire, que le refus vînt de lui-même; et tâcher, par quelque moyen, de le dé- as goûter de votre personne.

CLEANTE. Tu as raison.

FROSINE. Oui, j'ai raison; je le sais bien. C'est là ce qu'il faudrait; mais le diantre est d'en pouvoir trouver les moyens. Attendez; si nous avions quelque c

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