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L'AVARE.

ACT I.

ARGUMENT.

By dint of flattery and of attentions Valère has completely managed to ingratiate himself with Harpagon; he tries to quiet the scruples of Elise who only reluctantly connives at a piece of deceit to which her father's severity reduces her ; he assures her of his love, and urges her to secure the support and countenance of her brother Cléante (Scene I.). At this very moment Cléante comes in for the purpose of contiding to Elise his own sentiments and plans. He has fallen in love with a young girl, Mariane, who lives in a state bordering upon penury with an aged mother. Deprived, through Harpagon's meanness, of the delight of coming to the assistance of this amiable and unfortunate person, he is determined to marry her, and entreats Elise to sound their father on the subject. If Harpagon refuses his consent, Cléante has quite made up his mind to leave his native country with his mistress, and for that purpose he is endeavouring to get some money advanced to him by way of a loan (Scene II.). The conversation of the two young people is interrupted by the voice of Harpagon; the suspicious old man turns out of doors Cléante's valet de chambre, La Flèche, a traitor, who, "straight and stiff as a post," observes what is going on, and ferrets about in every corner to see if there is anything to steal (Scene III.). The fact is, that Harpagon has buried in his garden a sum of ten thousand crowns in gold, and "it is no small anxiety to keep by one a large sum of money." Notwithstanding such serious cause for anxiety, he has other thoughts on his mind; he wants to see his children married, and to take unto himself a second wife. Reserving for his son a certain widow, he aims at nothing less but to secure as his own share the hand of Mariane. On hearing this resolution which dashes to the ground all his hopes, Cléante returns dismayed (Scenes IV. and V.). Elise is told that she must accept Anselme, "a staid and prudent man, who is not above fifty." The young girl declares plainly that she shall

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not accept such a husband; her father insists upon absolute obedience, but has not succeeded in overcoming Elise's obstinate resistance (Scene VI.), when Valère appears, and is forthwith taken as umpire. Informed of the subject of the dispute, Valere finds himself in a most awkward predicament; faithful to the part he has assumed, he does not wish to displease Harpagon; trembling, on the other hand, for the success of his love, he cannot give sentence to the effect that Elise should marry his rival. By means of a thousand artifices and precautions, he contrives to plead on behalf of the daughter, without at the same time condemning the father; but Harpagon has an unanswerable argument ready to oppose to the best reasons Anselme pledges himself to take Elise without a dowry. "Without dowry! that must of course decide everything... It must be granted that there is no reply to that!" (Scene VII.). Valère manages so well to chime in with all the father's opinions, that Harpagon, absolutely blinded by his passion for gold, delegates to him complete authority over the rebellious child. He insists upon Elise's doing whatever the wise steward shall prescribe, and Valère's direction will be flight as a last resource, if they cannot succeed in gaining time.

Scène Première.

VALÈRE, ÉLISE.

VALERE. Hé quoi! charmante Élise, vous devenez mélancolique, après les obligeantes assurances que vous avez eu la bonté de me donner de votre foi? Je vous voi soupirer, hélas! au milieu de ma joie! Est-ce du regret, dites-moi, de m'avoir fait heureux? et vous repentez-vous de cet engagement où mes feux ont pu vous contraindre ?

ÉLISE. Non, Valère, je ne puis pas me repentir de tout ce que je fais pour vous. Je m'y sens entraîner 10 par une trop douce puissance, et je n'ai pas même la force de souhaiter que les choses ne fussent pas. Mais, à vous dire vrai, le succès me donne de l'inquiétude ; et je crains fort de vous aimer un peu plus que je ne devrais.

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VALERE. Eh! que pouvez-vous craindre, Élise, dans les bontés que vous avez pour moi ?

ÉLISE. Hélas! cent choses à la fois: l'emportement d'un père, les reproches d'une famille, les censures du monde; mais plus que tout, Valère, le changement de votre cœur, et cette froideur criminelle dont ceux de votre sexe payent le plus souvent les témoignages trop ardents d'une innocente amour.

de

VALERE. Ah! ne me faites pas ce tort, de juge
moi, par les autres, Soupçonnez-moi de tout, Elise,
plutôt que de manquer à ce que je vous doi. Je vous
aime trop pour cela; et mon amour pour vous durera 10
autant que ma vie.

ÉLISE. Ah! Valère, chacun tient les mêmes dis-
cours. Tous les hommes sont semblables par les
paroles; et ce n'est que les actions qui les découvrent
différens.

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15

VALERE. Puisque les seules actions, font connaître
ce que nous sommes, attendez donc au moins à juger
de mon cœur par elles, et ne me cherchez point de
crimes dans les injustes éraintes d'une fâcheuse pré-
voyance. Ne m'assassinez point, je vous prie, par
les 20
sensibles coups d'un soupçon outrageux; et donnez-
moi le temps de vous convaincre, par mille et mille
preuves, de l'honnêteté de mes feux.

ÉLISE. Hélas! qu'avec facilité on se laisse persuader par les personnes que l'on aime! Oui, Valère, je tiens 25 votre cœur incapable de m'abuser. Je crois que vous m'aimez d'un véritable amour, et que vous me serez faithful fidèle: je n'en veux point du tout douter, et je re

cipation

tranche mon chagrin aux appréhensions du bláme Cinsures qu'on pourra me donner.

VALERE. Mais pourquoi cette inquiétude ?

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ÉLISE. Je n'aurais rien à craindre si tout le monde vous voyait des yeux dont je vous voi; et je trouve en votre personne de quoi avoir raison aux choses que je fais pour vous. Mon cœur, pour sa défense, a tout 35 votre mérite, appuyé du secours d'une reconnaissance où le ciel m'engage envers vous. Je me représente à toute heure ce péril étonnant, qui commença de nous offrir aux regards l'un de l'autre; cette générosité surprenante qui vous fit risquer votre vie, pour dérober la 40

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mienne à la fureur des ondes; ces soins pleins de tendresse, que vous me fîtes éclater après m'avoir tirée de l'eau ; et les hommages assidus de cet ardent amour, que ni le temps ni les et qui, 5 vous faisant négliger et parens et arrête vos pas en ces lieux, y tient en ma faveur votre fortune déguisée, et vous a réduit, pour me voir, à vous revêtir de l'emploi de domestique de mon père. Tout cela fait chez moi sans doute un merveilleux effet; et c'en est 10 assez à mes yeux, pour me justifier l'engagement où j'ai pu consentir; mais ce n'est pas assez, peut-être, pour le justifier aux autres ; et je ne suis pas sûre qu'on entre dans mes sentiments.

VALÈRE. De tout ce que vous avez dit, ce n'est que 15 par mon seul amour que je prétends,

de vous, mériter quelque chose; et, quant aux scrupules que vous avez, votre père lui-même ne prend que trop soin de vous justifier à tout le monde; et l'excès de son avarice, et la manière austère dont il vit avec ses enfans, 20 pourraient autoriser des choses plus étranges. Pardonnez-moi, charmante Élise, spj'en parle ainsi devant vous. Vous savez que sur ce chapitre on n'en peut pas dire de bien. Mais enfin, si je puis, comme je l'espère, retrouver mes parens, nous n'aurons pas beaucoup de 25 peine à nous le rendre favorable. J'en attends des nouvelles avec impatience, et j'en irai chercher moimême, si elles tardent à venir.

ELISE. Ah! Valère, ne bougez d'ici, je vous prie, et songez seulement à vous bien mettre dans l'esprit de 30 mon père.

井 VALÈRE. Vous voyez comme je m'y prends, et les adroites complaisances qu'il m'a fallu mettre en usage pour m'introduire à son service; sous quel masque de sympathie et de rapports de sentimens je me déguise 35 pour lui plaire, et quel personnage je joue tous les jours avec lui, afin d'acquérir sa tendresse. J'y fais des progrès admirables; et j'éprouve que, pour gagner les hommes, il n'est point de meilleure voie que de se parer à leurs yeux de leurs

40 donner dans leurs maximesnations, que de

encenser leurs défauts, et faults

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applaudir à ce qu'ils font. On n'a que faire d'avoir peur de trop charger la complaisance; et la manière dont on les joue a beau être visible, les plus fins toujours sont de grandes dupes du côté de la flatterie ; et il n'y a rien de si impertinent et de si vidicule qu'on ne fasse avaler, lorsqu'on l'assaisonne en louanges. La sincérité souffre un peu au métier que je fais: mais, quand on a besoin des hommes, il faut bien s'ajuster à eux; et puisqu'on ne saurait les gagner que par là, ce n'est pas la faute de ceux qui flattent, mais de ceux qui 10 veulent être flattés.

ÉLISE. Mais que ne tâchez-vous aussi à gagner l'appui de mon frère, en cas que la servante s'avisât de révéler notre secret?

VALERE. On ne peut pas ménager l'un et l'autre ; et 15 l'esprit du père et celui du fils sont des choses si opposées, qu'il est difficile d'accommoder ces deux confidences ensemble. Mais vous, de votre part, agissez auprès de votre frère, et servez-vous de l'amitié qui est entre vous deux, pour le jeter dans nos intérêts. Il 20 vient. Je me retire. Prenez ce temps pour lui parler, et ne lui découvrez de notre affaire que ce que vous jugerez à propos.

ÉLISE. Je ne sais si j'aurai la force de lui faire cette confidence.

Scène II.

CLÉANTE ÉLISE.

CLEANTE. Je suis bien aise de vous trouver seule, ma sœur; et je brûlais de vous parler, pour m'ouvrir à vous d'un secret.

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ÉLISE. Me voilà prête à vous ouïr, mon frère. Qu'avez-vous à me dire?

CLEANTE. Bien des choses, ma sœur, enveloppées dans un mot. J'aime.

ÉLISE. Vous aimez ?

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CLEANTE. Oui, j'aime. Mais, avant que d'aller plus loin, je sais que je dépends d'un père, et que le nom de 35 fils me soumet à ses volontés; que nous ne devons point engager notre foi sans le consentement de ceux dont

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