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de contraction et d'élision, caractère distinctif des langues dérivées, se fait remarquer jusque dans les noms des localités. Aderl est la ville que nous connaissons sous la dénomination d'Atella; on lit AYHYEKA sur les plus anciennes médailles d'Asculum (Apulum); Buvaianud sur Boviano (à l'ablatif); Nuvla, Nola; Viteliu, Italia, nom que, pendant la guerre sociale, portait la ville de Corfinium. Enfin (pour terminer une énumération peut-être déjà trop longue), la cité osque Akudunniad paraît dans Tite-Live sous le nom d'Aquilonia. C'est la ville où expira l'indépendance des Samnites 2; et M. Mommsen fait observer avec raison (p. 246) que la dénomination actuelle de la même localité, Lacedogna ou plus exactement l'Acedogna, ressemble bien plus au nom indigène que cette cité portait il y a plus de deux mille ans, qu'au nom que l'administration romaine lui imposa. Tant il est vrai que la chaîne des temps et des traditions orales ne se laisse jamais rompre tout à fait, quelques violents que soient les coups qu'on lui porte.

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« Les Marses,» dit un historien aussi éloquent que judicieux, « les << Marses paraissent avoir adopté de bonne heure les caractères romains «<et la langue latine, ou du moins un dialecte qui s'en rapprochait <«<beaucoup; tandis que les Samnites conservèrent, jusque sous les << empereurs, l'idiome osque. » Les monuments recueillis par M. Mommsen confirment en tous points cette assertion. Malgré ses recherches multipliées il n'a pu découvrir que deux inscriptions volsques, gravées en caractères latins sur des plaques de bronze, trouvées l'une à Velletri, l'autre aux environs du lac Fucin; elles sont expliquées dans la quatrième section de l'ouvrage que nous examinons (p. 317-326). Une disette de monuments presque aussi grande s'observe relativement à la langue sabellique, dénomination générale sous laquelle, comme nous l'avons dit plus haut, l'auteur comprend le dialecte des Sabins, des Marrucins, des Marses, et celui des habitants du Picénum. It consacre à cet idiome, peut-être identique avec le volsque, mais différent de la langue samnite, la cinquième et dernière partie (p. 327

portée par Ciatti, Memorie annali e istoriche di Perugia, Perugia, 1638, in-4°, t. I, p. 406. Une troisième a été donnée par Gruter, t. I, p. cvi, n. 4:

LVMIIS

EX. VOTO
PRIMIGENIVS

où il faut écrire LVMFIS, correction, si je ne me trompe, aussi nécessaire que cer- 1 X, 38, 41, 44. - 2 V. plus haut, Essai sur la guerre soP. 721.

taine.

ciale,

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par M. Mérimée, Paris 1841, in-8°, p. 129, note 2.

359), dans laquelle on trouve six inscriptions. Les deux premières, tracées sur des pierres, de gauche à droite, puis de droite à gauche, alternativement (Boval pondóv), présentent des caractères qui ont de l'analogie avec l'écriture ombrienne et osque; l'une d'elles, d'après l'opinion problable de l'auteur, date au moins du commencement de la première guerre des Romains contre Carthage, si elle n'est pas plus ancienne. La sagesse que M. Mommsen sait mettre dans ses vues et dans ses conjectures ne lui a pas permis d'interpréter tous les mots dont se composent les quatre autres inscriptions; aussi les remarques dont il les accompagne ne sont-elles, pour ainsi dire, qu'un secours précieux mais provisoire, à l'aide duquel on pourra faire le premier pas dans l'étude de la langue sabellique, si jamais on en découvre d'autres monuments plus considérables. Ceux dont nous entretenons ici nos lecteurs sont en lettres latines, comme la table de Bantia; ils prouvent que, dans ces contrées, comme dans le Samnium, comme partout, quand des nations subjuguées s'éteignent, la langue populaire, animée d'un principe de vie difficile à détruire, subsiste encore pendant des siècles après la disparition de la littérature et de l'écriture nationales. Il semble même qu'à une certaine époque (du temps des guerres puniques?) il s'était formé, chez les Marses et les Sabins, comme un dialecte de transition, mélange bizarre de constructions, de désinences, de mots latins et indigènes; et nous regrettons que le défaut d'espace ne nous permette pas de transcrire ici quelques exemples de ce patois singulier qui paraît sur plusieurs monuments épigraphiques. L'auteur a réuni ceux-ci dans un appendice (p. 344-359); il y a joint une liste de mots provenant de l'ancien idiome national et conservés dans le latin tel qu'il était parlé plus tard, vers la fin de la république, et sous les empereurs, par les mêmes peuples. Ce sont des locutions que Varron, Festus, Pline, Servius, Macrobe et d'autres écrivains relèvent comme autant d'idiotismes d'un langage provincial moins pur que le latin de la capitale.

Il nous reste à dire quelques mots des planches lithographiées placées à la fin du volume. La première, d'un grand intérêt paléographique, offre le fac-simile comparé de dix-huit alphabets dont il a été question dans l'ouvrage; elle permet de voir comment le même caractère s'est modifié depuis les siècles les plus reculés, et par quels changements successifs la vieille écriture phénicienne, complétée et régularisée par les Ioniens et les Grecs de l'Attique, est devenue celle des Étrusques, des Osques et des Romains. Les copies figurécs des inscriptions les plus importantes, expliquées par l'auteur, remplissent seize autres planches suivies de deux cartes, dont la première comprend la partie de l'Italie

centrale qui s'étend de Pæstum jusqu'au Tibre; les cités anciennes qui ont frappé des monnaies à légendes osques 1, et celles où l'on a trouvé des inscriptions offrant le même dialecte, y sont indiquées par des signes particuliers. La deuxième carte, dressée, ainsi que la première, par un géographe habile, M. Kiepert, représente la péninsule italique depuis l'Etrurie jusqu'à son extrémité méridionale, y compris la Sicile; l'auteur y a marqué, par des couleurs différentes, les contrées où, vers l'an 650 de Rome, les dialectes indigènes étaient encore en usage. Sans doute, à cette époque, antérieure de treize ans au commencement de la guerre sociale, le latin était déjà la langue officielle de l'Italie; it devait être parlé, en outre, dans les Espagnes citérieure et ultérieure, dans la Gaule cisalpine, dans l'Afrique proconsulaire, provinces soumises depuis longtemps. Mais, comme on le voit souvent: tandis que des succès militaires, joints à une civilisation supérieure, portent au loin la langue des vainqueurs, des cantons peu éloignés de la capitale retiennent avec opiniâtreté leur idiome particulier. On parle français au Canada, à Alger, à Constantine; on ne le comprend point dans certains villages de la basse Bretagne. De même, la carte ethnographique dont il s'agit, et qu'on peut regarder, en quelque sorte, comme un résumé de l'ouvrage, fait voir, au premier coup d'œil, que si, au septième siècle de Rome, la victoire avait déjà introduit l'usage du latin dans des contrées lointaines, néanmoins le poëte Titinius pouvait dire avec raison, en parlant des populations qui habitaient les environs de Capoue, de Terracine et de Velletri, presque aux portes de Rome :

Qui Obsce et Volsce fabulantur, nam Latine nesciunt 2.

Nous terminons ici une analyse que nous aurions voulu renfermer dans des bornes plus étroites; la quantité des faits contenus dans l'ouvrage de M. Mommsen nous a empêché d'être plus concis. Du reste, nos lecteurs nous pardonneront sans doute de les avoir arrêtés si longtemps sur ce livre, s'ils considèrent qu'il s'agit d'un des travaux les

1 Ces monnaies ont été réunies et expliquées dans un ouvrage spécial qui vient de paraître Die oskischen Münzen, Leipzig, 1850, in-4°, avec dix planches en tailledouce. L'auteur de cet intéressant travail, M. Jules Friedländer, prouve par son exemple, que, pour ceux qui se livrent à des études patientes, fortes et bien dirigées, il y a sans cesse quelque chose de nouveau à découvrir, même dans l'histoire la plus ancienne. 2 Dans Festus, au mot Obscum, t. II, p. 191 du Corpus gramm. lat. veterum de Lindemann. Quelques savants ont supposé que Titinius était contemporain de Cicéron (voy. J.-A. Fabricius, Bibl. latina, t. III, p. 240), mais nous pensons avec M. Neukirch (De fab. tog, p. 100) qu'il vivait du temps de Caton l'ancien et de Paul Émile.

plus importants qui aient paru depuis plusieurs années sur les langues, nous pourrions dire sur l'histoire de l'Italie avant la domination romaine. Les recherches savantes et attentives de l'auteur ont jeté de vives lumières sur toutes les parties accessibles de cette histoire; et cependant son livre nous paraît plus remarquable encore sous le rapport de la méthode rigoureuse dont il offre les applications que sous celui des résultats nouveaux qu'il renferme. M. Mommsen est parvenu à ces résultats par un chemin sûr, et ce qu'il a trouvé, il l'avait cherché par des moyens véritablement propres à le conduire au but; car, parmi les savants qui se sont occupés de la connexité des langues primitives ou du déchiffrement d'écritures inconnues, peu nous semblent avoir porté à un si haut degré l'exclusion de ces systèmes dans lesquels il n'y a souvent d'autre mérite que la facilité de les faire, jointe à celle de les abandonner plus tard. L'auteur a été préservé de ces écarts par une universalité de connaissances très-rare, à laquelle il joint, ce qui l'est au moins autant, une critique forte sans être exagérée, et modérée sans être timide. Sans doute, quelques-unes des questions traitées par lui restent à résoudre parce que, dans l'état actuel de la science, elles ne sont pas susceptibles d'une solution complète; plusieurs de ses hypothèses ne seront peut-être pas adoptées par des érudits estimables, mais condamnés à ne jamais croire une vérité, si elle n'a point été une des opinions de leur jeunesse. Néanmoins, ceux mêmes qui ne seront pas toujours de l'avis de l'auteur1 remarqueront quelle inépuisable patience

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'J'avoue que, parmi les nombreux passages d'auteurs anciens, heureusement rétablis ou expliqués par M. Mommsen (je me reproche de ne pas en avoir cité plusieurs exemples), il y en a cependant un que je n'entends pas tout à fait de la même manière. Selon lui (p. 118), Strabon aurait dit que l'osque n'était autre chose qu'un dialecte du latin. Mais, si le passage en question est celui qui se trouve au livre VI, 1, § 6, le sens me paraît être celui-ci : « Quelques-uns pensent que le nom de la ville de Rhegium ne vient pas du grec, et que les Samnites l'ont appelée ainsi du nom «qui, en latin, signifie royale (oppidum Regium), parce que leurs chefs participaient « au droit de bourgeoisie romaine, et se servaient le plus communément de la lan«gue latine:» Διὰ τὴν ἐπιφάνειαν τῆς πόλεως, ὡς ἂν βασίλειον, τῇ Λατίνη φωνῇ, προσαγορευσάντων τῶν Σαυνιτῶν, διὰ τὸ τοὺς ἀρχηγέτας αὐτῶν κοινωνῆσαι Ρωμαίοις τῆς πολιτείας, καὶ ἐπὶ πολὺ χρήσασθαι τῇ Λατίνη διαλέκτῳ. Ces mots ne doivent-ils pas s'entendre d'une époque comparativement assez récente, où quelques chefs samnites, devenus citoyens romains, avaient appris le latin, sans avoir néanmoins oublié l'osque? et le géographe grec, qu'un vers d'Homère consolait de tout, même de l'asservissement de sa patrie, exprime-t-il réellement, dans les lignes que nous venons de transcrire, une opinion quelconque sur l'affinité ou l'identité de deux langues dont probablement il s'occupait fort peu? Nous soumettons notre doute aut savant auteur lui-même; et nous pensons aussi que Mira, p. 130, 1. 29, est une faute typographique, la seule, au reste, que nous ayons trouvée dans tout le volume,

il a fallu pour rassembler tant de matériaux divers, pour vérifier sur les lieux tant d'inscriptions à peine lisibles; quelle sagacité, pour ne pas s'égarer au milieu de ce déluge de mots d'un aspect sauvage, pour les distinguer les uns des autres, les comparer entre eux, les expliquer; et les véritables amis de la science sauront apprécier ces interprétations, devenues le principal élément d'un ouvrage bien ordonné, rempli de faits ou positifs et nouveaux, ou éclaircis et mieux prouvés ; ils consulteront souvent ce livre, qui doit exciter le plus vif intérêt de tous ceux qui attachent du prix à des recherches profondes, consciencieuses et productives, appliquées à l'un des sujets les plus dignes d'occuper les esprits éclairés et méditatifs.

HASE.

HISTOIRE DE LA CHIMIE depuis les temps les plus reculés jusqu'à notre époque, par le docteur Ferd. Hoëfer. T. II; Paris, au bureau de la Revue scientifique, rue Jacob, n° 30, 1843.

ONZIÈME ARTICLE1.

Le docteur Hoëfer, ainsi que nous l'avons vu, a commencé la seconde section de la troisième époque de son histoire par l'examen des travaux de Van Helmont, de R. Boyle, de R. Fludd et de Glauber; il nous reste à exposer la distribution des matières qui la terminent. De Glauber, il passe à Kunckel, J. Becher, Angelus Sala, François Sylvius, Otto Tachenius, Frédéric Hoffmann, Guillaume Davissone, J. Vigani; il traite de la pharmacie au XVII° siècle, de Jean Rey. Sous le titre de Chimie des gaz, il parle de J. Mayow et de ses successeurs; puis de la fondation des sociétés savantes, des chimistes compilateurs, de Nicolas Lefebvre, de Christophe Glaser, de Nicolas Lemery, de Michel Ettmuller, de la chimie technique, des chimistes de Suède, de Guillaume Homberg, de la chimie métallurgique d'Alonso Barba, et enfin de l'alchimie au XVIIe siècle.

Ce simple énoncé montre suffisamment que cette partie de l'ouvrage, imprimé avec une correction remarquable. Il s'agit de Myra, ville de la Lycie, dont les vastes ruines ont été décrites par MM. Leake, Fellow et Texier, et dont saint Nicolas fut évêque. Voir, pour le dixième article, le cahier de mai.

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