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« permis et non permis, banquier, spéculateur, usurier même au besoin, «Jean XXII fit de la papauté une banque1. »

Les courtes citations que nous avons pu faire donnent du moins une idée du style de l'auteur, style un peu travaillé, où l'on remarque peutêtre quelque amour du trait, et quelque recherche de l'effet, mais coloré, animé, rapide, où la pensée, souvent élevée, ne manque pas d'éclat, où le récit, bien disposé, est nourri de réflexions fines et pratiques, habilement mêlées dans le tissu de la narration.

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Sans doute nous pourrions, en cherchant bien, trouver çà et là quelques incorrections, quelques figures un peu forcées, des phrases où l'expression piquante coûte quelque chose à la justesse de la pensée; et, par exemple, le passage où l'auteur défend Ch. d'Anjou contre la fausse accusation d'avoir empoisonné saint Thomas d'Aquin se termine ainsi : «Celui qui, au grand jour, en plein soleil de Naples, osa faire déca«piter un roi par le bourreau, n'était pas homme à se cacher dans les << ténèbres pour empoisonner un moine 2. » Mais ce moine était le plus illustre d'un ordre puissant, l'objet de la vénération de la catholicité tout entière, passionnément admiré et nommé l'ange de l'école par tout ce qu'il y avait de plus savants clercs dans les grandes universités de l'Europe, l'ami de saint Louis, l'homme enfin dont, après sa mort, la France et l'Italie devaient se disputer la cendre, et la religion consacrer la mémoire. Un tel moine, au XIIIe siècle, était aussi considérable peut-être aux yeux des peuples qu'un pauvre fils de roi prisonnier, et n'était pas réduit, dans le monde catholique, à cette petite place que l'historien lui a faite dans sa phrase.

Mais combien quelques taches légères, et que notre désir de donner crédit à nos éloges nous a fait rechercher avec un soin trop curieux, sont largement rachetées par les qualités qui distinguent l'observateur philosophe, l'écrivain éloquent, l'habile historien, par la science des hommes qui éclaire celle des faits, par cette haute impartialité, la conscience de l'histoire. M. de Saint-Priest, que les éminentes qualités de Charles d'Anjou ont un peu séduit, l'apprécie néanmoins plus d'une fois avec une équitable sévérité et en trace une peinture où l'énergie du pinceau relève la sagacité de l'observation. Ce sont aussi des morceaux remarquables par la finesse et l'éclat que les portraits de Mainfroy et de Clément IV, la description de Messine, celle du palais d'Avignon. Nous nous arrêtons, nous en pourrions citer d'autres.

Nous ne finirons pas sans rappeler que plusieurs des documents ori

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1 Histoire de la conquête de Naples, t. IV, p. 186. — Ibid., t. III, p. 284.

ginaux sur lesquels l'auteur a travaillé ont été réunis en appendices à la fin de chaque volume 1; plusieurs étaient inédits, et nous citerons parmi les plus curieux ceux qui ont été fournis par les archives d'Aragon et qui se rapportent aux Vêpres siciliennes.

1

M. AVENEL.

D'autres documents ont été placés en notes. Ainsi, à la page 120 du troisième volume, M. de Saint-Priest transcrit une pièce latine, tirée des archives de Naples et datée de 1269, où nous trouvons, avec le titre de maréchal de France (marescallum Francia), Henri de Cousance, oublié dans nos listes de maréchaux, et que les chroniqueurs du temps (Ricord. Malesp., dans Murat., t. VIII, col. 1013) ne donnent que pour un simple commandant d'armée. Nous remarquerons, toutefois, que nos propres archives nous fournissent ce renseignement à une date un peu antérieure, et que, Henri, seigneur de Cousance, est qualifié maréchal de France dans un titre de l'abbaye du Jard, de 1255. (Histoire généalogique de France, du P. Anselme.)

NOTA. Nous rectifions ici une faute survenue dans l'impression du second article ; cahier de juin 1850, p. 379, lig. 21°, lisez « contes » au lieu de « contestations. »

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT NATIONAL DE FRANCE.
ACADÉMIE FRANÇAISE

ET ACADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.

M. Droz (Joseph), membre de l'Académie française et de l'Académie des sciences morales et politiques, est mort à Paris, le 9 novembre 1850.

Dans sa séance du 28 novembre, l'Académie française a élu M. Nizard en remplacement de M. de Feletz.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.

Dans sa séance du 22 novembre, l'Académie des inscriptions et belles-lettres a élu M. Wallon, en remplacement de M. Quatremère de Quincy.

LIVRES NOUVEAUX.

FRANCE.

Recueil des monuments inédits de l'histoire da tiers 'état. Première série; Chartes, coutumes, actes municipaux, statuts des corporations d'arts et métiers des villes et communes de la France. Région du Nord. Tome premier, contenant les pièces relatives

à l'histoire de la ville d'Amiens depuis l'an 1057, date de la plus ancienne de ces pièces, jusqu'au xv° siècle; par Augustin Thierry, membre de l'Institut. Paris, imprimerie de Firmin Didot frères, 1850, in-4° de VIII-CCLXXII-911 pages, avec une planche. (Collection de documents inédits sur l'histoire de France publiés par les soins du ministre de l'Instruction publique; première série; histoire politique.) — La publication de ce volume est le commencement d'exécution d'une des plus vastes et des plus utiles entreprises historiques qui aient été conçues de nos jours. La pensée de réunir les documents inédits de l'histoire du tiers état appartient à M. Guizot, ministre de l'instruction publique, qui, en 1836, chargea M. Augustin Thierry de ce grand travail. Le savant éditeur avait d'abord conçu le projet de ranger sous quatre chefs les immenses matériaux qu'il avait à recueillir, selon qu'ils se rapportaient à la condition des personnes roturières: 1o Dans la famille; 2° dans la corporation; 3° dans la commune; 4° dans la province et dans l'État. Mais, ayant reconnu la nécessité de réduire ce plan pour le rendre plus aisément praticable, il s'est déterminé à diviser en deux séries seulement, au lieu de quatre, tous les documents de l'histoire du tiers état. La première série, comprenant les documents relatifs à l'histoire municipale et à celle des corporations d'arts et métiers des villes de France, s'ouvre par le volume que nous annonçons, dans lequel sont rassemblées les pièces relatives à l'histoire de la ville d'Amiens, depuis l'an 1057 jusqu'à la fin du xv siècle.

En tête de ce volume, M. A. Thierry a placé une introduction qui forme, à elle seule, un ouvrage considérable, digne, sous tous les rapports, du nom de l'auteur. C'est une histoire complète, quoique dans un cadre sommaire, de la formation et du progrès du tiers état jusqu'à la fin du règne de Louis XIV. Nous nous bornons a en indiquer ici le sujet : nous rendrons compte prochainement, dans le Journal des Savants, de ce remarquable travail en même temps que du volume qu'il précède. Les chartes, ordonnances, coutumes, statuts, règlements et autres actes concernant l'histoire d'Amiens sont au nombre de 320, dont 4 appartiennent au x1o siècle, 27 au x11o, 84 au x111o et 205 au xiv. Ils sont accompagnés de commentaires explicatifs qui en font ressortir le sens et la valeur historique, et suivis d'une notice des sources manuscrites de l'histoire municipale d'Amiens. Une table analytique des matières et un index général terminent le volume. Le tome second, en ce moment sous presse, contiendra: 1° une préface dans laquelle on trouvera un tableau de l'ancienne France divisée en cinq régions, l'exposé des motifs qui ont déterminé l'éditeur à commencer par la région du Nord, et, dans celle-ci, par la ville d'Amiens, les règles qu'il a suivies dans la composition du recueil et l'indication des moyens les plus capables de le conduire à son achèvement; 2° la suite de l'introduction, qui continuera l'histoire du tiers état depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu'en 1789; 3° les pièces relatives à l'histoire d'Amiens depuis le xvi° siècle jusqu'à la même époque, avec les chartes et autres actes des villes, bourgs et villages de l'Amiénois. Le tome troisième réunira les documents qui se rapportent à l'histoire municipale d'Abbeville et des communes du Ponthieu. L'éditeur annonce dans son avant-propos que la seconde série des documents de l'histoire du tiers état comprendra les pièces relatives à l'état des personnes et des familles roturières, c'est-à-dire les actes indiquant la réduction de l'esclavage antique au servage de la glèbe et la naissance de la propriété pour les familles serves, les affranchissements, les priviléges autres que ceux de noblesse, les concessions du titre de bourgeois du roi, les requêtes adressées aux cours souveraines pour la jouissance du droit de franchise de corps et de biens, les jugements readus

en faveur de ces réclamations ou contre elles. Obligé d'ajourner indéfiniment cette seconde série, M. Thierry exprime le désir que les matériaux dont elle doit se composer soient rassemblés et publiés par une autre personne. Il regarde aussi comme très-désirable qu'il soit formé une collection particulière de tous les documents relatifs aux Etats généraux.

Mémoires de l'Académie des sciences de l'Institut de France, tome XXII. Paris, imprimerie de Firmin Didot frères, 1850, in-4° de CLXIV-732 pages, avec planches.-Voici la liste des articles contenus dans ce volume: 1° Biographie de Lazare-Nicolas-Marguerite Carnot, membre de la première classe de l'Institut de France (section de mécanique), par M. Arago, secrétaire perpétuel; 2° éloge historique de Benjamin Delessert, académicien libre, par M. Flourens, secrétaire perpétuel; 3° mémoire sur la rectification des courbes et la quadrature des surfaces courbes, par M. Augustin Cauchy; 4° mémoire sur les conditions relatives aux limites des corps, et en particulier sur celles qui conduisent aux lois de la réflexion et de la réfraction de la lumière, par le même; 5° mémoire sur les rayons lumineux simples et sur les rayons évanescents, par le même; 6° mémoire sur le calcul intégral, par le même; 7° recherches chimiques sur plusieurs objets d'archéologie trouvés dans le département de la Vendée, par M. E. Chevreul; 8° résumé de chronologie astronomique, par M. Biot; 9° tables abrégées pour le calcul des équinoxes et des solstices, par M. C.-L. Largeleau; 10° tables pour le calcul des zyzygies écliptiques ou quelconques, par le même; 11° organographie et physiologie végétales. Mémoire sur la composition et la structure de plusieurs organismes des plantes, par MM. de Mirbel et Payen; 12° mémoire sur la structure et la composition chimique de la canne à sucre, par M. Payen; 13° mémoire sur les systèmes d'équations linéaires différentielles ou aux dérivées partielles à coefficients périodiques, et sur les intégrales élémentaires de ces mèmes équations, par M. Augustin Canchy; 14° mémoire sur les vibrations d'un double système de molécules, et de l'éther contenu dans un corps cristallisé, par le même; 15° mémoire sur les systèmes iso!ropes de points matériels, par le même; 16' recherches expérimentales sur la peinture à l'huile, par M. E. Chevreul. La surdi-mutité, traité philosophique et médical, par le docteur A. Blanchet, chirurgien de l'Institut national des Sourds-Muets, etc., tome I". Paris, imprimerie de Cosson, librairie de Labé, 1850, in-8° en deux parties, de xv1-227 et 126 pages, avec planches. M. le docteur Blanchet, connu depuis plusieurs années dans la science médicale par d'importants travaux, et voué en quelque sorte exclusivement, avec un zèle bien digne d'éloges, à la guérison des sourds-muets et à l'amélioration de leur sort, était mieux placé que tout autre pour publier un traité philosophique et médical de la surdi-mutité. Le premier volume de cet ouvrage vient de paraître; il est divisé en deux parties, dont la première comprend un exposé historique de l'éducation des sourds-muets, depuis les temps les plus reculés. La condition de ces infortunés dans l'antiquité et au moyen âge est le sujet d'un premier chapitre plein de faits intéressants; mais la partie la plus importante de ce travail est celle dans laquelle l'auteur, arrivé aux temps modernes, analyse et discute savamment les méthodes de l'abbé de l'Épée, de l'abbé Sicard et de leurs successeurs. En examinant les systèmes d'enseignement actuellement en usage, M. Blanchet est amené à exposer le résultat de sa propre expérience. Selon lui, on a trop longtemps négligé en France les deux moyens les plus efficaces pour développer l'état moral et intellectuel des sourds-mucts: on s'est trop peu occupé de cultiver chez eux la faculté d'articuler et celle de lire la parole sur les lèvres; on n'a presque jamais recouru à un troisième moyen plus précieux encore, qui consiste à rendre

l'ouïe à ceux qui peuvent la recouvrer. «Nous avons prouvé, par des faits nombreux, ajoute l'auteur, qu'il n'était pas impossible d'arriver à ce résultat chez un assez grand nombre. Quant au sujet hors d'état de profiter de ce bienfait, nous avons démontré qu'on peut, dans certaines limites, lui donner la notion du son. » L'auteur renvoie ici à un mémoire spécial qu'il a adressé à l'Académie de médecine en 1849, et réserve de plus longs développements pour la partie médicale de son ouvrage. Dans l'exposé historique dont nous nous occupons, il se borne à apprécier les méthodes suivies jusqu'à ce jour, et à poser les principes qu'il voudrait voir adopter. Indépendamment de ses observations critiques sur les méthodes d'enseignement, il signale, comme un fait très-regrettable, qu'il y ait un si petit nombre de sourdsmuets admis à prendre part aux bienfaits de l'éducation. D'après ses calculs, il existe en France environ 22,000 sourds-muets, sur lesquels on peut compter près de 5,000 enfants en état de recevoir l'instruction; cependant les institutions nationales en renferment seulement 260, et les écoles privées 1300. L'admission dans les établissements du gouvernement est soumise, en outre, à des conditions que l'auteur considère comme abusives par exemple, on n'y reçoit pas d'élève au-dessous de dix à douze ans, et on oblige les indigents à fournir un trousseau de 320 francs. M. Blanchet exprime le vœu que l'instruction des enfants sourds-muets devienne plus générale; à cet effet, il propose d'annexer, aux institutions, des externats, dans lesquels ils recevront l'éducation primaire, depuis l'âge de quatre à cinq ans, et apprendront à parler. C'est à l'Allemagne que l'auteur a emprunté ce système des externats, qu'il a lui-même appliqué en fondant à Paris un établissement de ce genre. En attendant les perfectionnements qu'il croit possible d'introduire, M. Blanchet a cherché à populariser la mimique et la dactylologie, à l'aide desquelles on peut correspondre avec les sourds-muets; tel est l'objet de la seconde partie de son premier volume, laquelle a pour titre; Exposé des moyens de communication entre le parlant et le sourd-muet, le parlant, le sourd-muet et le sourd-muet-aveugle, suivi d'un questionnaire destiné aux médecins et d'un petit dictionnaire usuel de mimique et de ductylologie, à l'usage des médecins et des gens du monde. Le second volume traitera de l'état moral et social du sourd-muet; le troisième volume, de la législation du sourd-muet; et le quatrième, des causes, du diagnostic et du traitement de la surdimutilé.

Bibliographie des Mazarinades, publiée pour la Société de l'Histoire de France, par C. Moreau, tome I". A.-F. Paris, imprimerie de Crapelet, librairie de J. Renouard, 1850, in-8° de LXIV - 426 pages. Des listes plus ou moins étendues de Mazarinades ont été publiées dans divers ouvrages de bibliographie, notamment dans le catalogue de La Vallière et dans la Bibliothèque historique de la France; mais, jusqu'ici, on n'avait pas étudié dans leur ensemble les curieux pamphlets de la Fronde. M. Moreau a entrepris, pour la Société de l'Histoire de France, cette tâche laborieuse. I ne s'est pas contenté de donner, par ordre alphabétique de titres, une liste aussi complète que possible des Mazarinades; il a extrait des meilleurs et des plus singuliers de ces pamphlets tous les passages qui lui ont paru de nature à éclairer le lecteur sur le caractère des principaux personnages de la Fronde, sur les opinions, les intérêts, les desseins des partis, sur les mouvements de l'esprit public; il a recueilli les anecdotes, les traits de mœurs perdus, en quelque sorte, dans ce fatras des pièces oubliées; il a donné les notes biographiques sur les auteurs. Le premier volumne de cet ouvrage comprenant les lettres A.-F. contient l'indication bibliographique et la notice descriptive de 1461 pièces. Il est précédé d'une introduction intéressante, dans laquelle l'auteur caractérise d'une manière générale les Mazari

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