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être retrouvé. Le cabinet de Charles VIII mit plus d'activité à poursuivre le projet de rédaction générale, dont le premier président de la Vaquerie avait été l'un des plus constants promoteurs, et dont, après lui, le président Thibaut Baillet continua la poursuite avec une infatigable persévérance, en compagnie de plusieurs autres magistrats membres du parlement. M. Pardessus nous fournit, à cet égard, quelques renseignements nouveaux qui ont de l'intérêt et qui méritent d'être signalés. La mort de Charles VIII suspendit de nouveau cette œuvre considérable de rédaction et de révision, que Louis XII eut le mérite de conduire à heureuse fin, dans la plupart de nos provinces.

Je devrais mentionner aussi plusieurs Ordonnances de la fin du xv° siècle, omises par M. de Pastoret, et qui ont pour objet le régime des sels et gabelles, dans le midi de la France, mais je dois arriver aux Ordonnances de Louis XII, et tout d'abord je parlerai des lettres patentes, données le 13 avril 1497 pour la confirmation du parlement. On sait que Louis XI avait conféré aux officiers de justice, en 1467, le privilége de ne pouvoir être destitués que pour forfaiture jugée; disposition qui ne s'entendait cependant que des offices en titre et non des offices en commission, comme ceux du ministère public. Après cette collation de l'inamovibilité, le roi cessa de renouveler le parlement, tous les ans comme autrefois, mais on a cru à tort que l'inamovibilité conféréé par Louis XI était absolue et viagère pour les juges. Elle n'était viagère que pour le souverain, collateur du titre de magistrature. Les lettres de Louis XII, publiées par M. Pardessus, et données par le roi, six jours après son avénement à la couronne, confirment ce que pouvaient prouver déjà des lettres de Charles VIII, à savoir qu'à chaque changement de règne les magistrats de tout ordre perdaient, pour ainsi dire, de plein droit, les pouvoirs qui leur avaient été conférés par le roi défunt, qu'ils avaient besoin d'être confirmés dans leur charge par le nouveau roi, et qu'ils demandaient eux-mêmes cette confirmation. Et, en effet, nous voyons confirmer, à l'avénement de Louis XII, après le parlement de Paris, la chambre des monnaies et la chambre des comptes, le grand conseil, le parlement de Languedoc, etc., toujours sur leur demande. Il paraît même que la coutume avait prévalu de faire confirmer, à chaque changement de règne, les priviléges municipaux ou provinciaux accordés par le souverain aux villes ou aux provinces réunies à la couronne, ainsi que les priviléges accordés aux églises et aux ordres religieux. C'est un point fort important de notre ancien droit public français et qui désormais est acquis à l'histoire, avec toute certitude. Suivant l'exemple de Bréquigny, M. Pardessus a imprimé dans le

vingt-unième volume plusieurs traités relatifs à la piraterie et à la juridiction des amirautés, et qui, quoique conclus avec une puissance étrangère, prennent place cependant dans notre ancien droit maritime français. Cette insertion ne saurait qu'être approuvée; elle n'a pas les inconvénients signalés à l'occasion du vingtième volume de M. de Pastoret.

A propos de la confirmation des priviléges des ouvriers mineurs du Lyonnais, M. Pardessus a réuni aussi plusieurs anciennes Ordonnances relatives au même objet et omises par M. de Pastoret, ou par ses devanciers. C'est une page précieuse qui jette un jour inattendu sur l'histoire de l'exploitation de nos richesses minérales et des règlements qui gouvernaient, au XVe siècle, les associations d'ouvriers. Nous en dirons autant d'un mandement sur le cours et le poids des monnaies, règlement à la date du 4 juillet 1498, et à l'occasion duquel M. Pardessus a exhumé d'anciens documents inédits, d'une certaine importance pour notre histoire financière.

A la date du 14 juillet de la même année 1498, nous trouvons une autre Ordonnance, portant que le pays de Languedoc sera régi et gouverné selon et ensuivant disposition du droit escript, et que les gens de la cour du parlement de Tolose seront tenus juger et déterminer les causes civiles et criminelles selon la dite disposition du droit escript. Cette déclaration, qui se lie à des Ordonnances précédentes, prouve, ce que nous savions déjà, que la domination exclusive du droit romain dans les pays de langue d'Oc est plus récente qu'on ne l'a cru généralement, et que la prédominance du droit germanique et du droit coutumier avait fait son temps en ces contrées du midi, comme dans nos contrées du nord, où elle a persisté davantage et où même elle n'a jamais cessé de se faire plus ou moins sentir.

Sous le même mois de juillet 1498, nous rencontrons un monument curieux des misères du siècle et de la pitié touchante de ce roi qui fut nommé le Père du peuple. C'est une Ordonnance portant rémission en faveur des habitants de Saint-Aignan-sur-Mer et autres lieux. Laissons parler la chancellerie de Louis XII. «Nous avons reçu, y est«il dit, l'humble supplication de nos pauvres subgectz les manans et <«<habitans de Saint-Aignan-sur-la-Mer, de Brouaige et paroisse Saint«Sournain de Moustierneuf, contenant que les dicts poures supplians << sont residans et demourans sur la dicte mer, et, par ce, subgectz aux «< pilleries et descentes des pillates de mer, et pour y obvier, sont con<«<traincts faire continuellement le guect pour la seureté d'eux et de tout « le pays de Xainctongè. Aussi le plus de l'entretennement de leur vie <«<est besoing aux uns faire saler les mareils qui sont environ le dict

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« lieu...., ou ils gagnent leur poure vic, et les autres vont sur la mer « marchandamment, ou comme locatifs ou autrement; et sont les dicts « poures suppliants puis aucun temps en ça tombés en grande poureté, «tant pour les grandes pertes qu'ils ont eues et souffertes...., comme « aussi pour ce que, depuis deux ans en ça, le sel n'a comme rien valu « au pays, et le blé si très fort enchéry qu'il n'est de mémoire d'homme « d'avoir veu le temps si fort et mauvaiz à passer au pays qu'il a esté. Au « moyen de quoy les dicts poures suppliantz ont esté constitués en telle poureté qu'ils n'avoient et encores n'ont de present de quoy vivre; nonobstant laquelle poureté, ils ont esté et sont contribuables à nos « tailles, aides et impôts extraordinaires mis sus en nostre royaume..... a tellement que sept vingt feus qu'ils sont en tout, ou environ, portent «bien quatre cents livres tournois de taille, qui leur est une charge insupportable; mais pour la grande obeissance qu'ilz veulent et desirent « toujours avoir, l'ont libéralement jusques à présent porté et soutenu cau mieux qu'ils ont peu, jusques à vendre leurs biens, meubles, et après leurs héritaiges inclusivement, en telle maniere que tel d'eux qui avoit bien de quoy, est de present constitué en grant poureté et anecessité de querir et demander l'aumosne.....

Et voyant que ils n'avoient de quoy payer, esperans venir ou envoyer par devers nous pour nous remontrer leur poure cas, à ce qu'il nous plut de nostre grace en avoir pitié et leur faire misericorde, se sont «portés pour appelans, du receveur de nostre domaine de Xaintonge, • de ses gens et commis qui les vouloient contraindre à payer la dicte Somme, sans jamais avoir pensé au malheur de faire envers nous..... aucune rebellion ni désobeissance, mais seulement pour nous remontrer leur poureté et, ce que dit est, à ce qu'il nous pleut les cayder.

«Neanmoins est advenu que ung nommé Pierre Guibert, prevost fer«mier de nostre cité de Xaintes, homme fier et cruel,..... a trouvé moyen envers luy d'avoir la charge de contraindre les dicts poures sup«pliants à payer..............

«Et pour ce que, au payement, ung qui se disoit avoir charge du dict <<< receveur ordinaire, et Gazeau sergent y estoient alléz, et, nonobstant le «dict appel, avoient prins l'un des dicts poures suppliants et iceluy <«< trainé après eulx et menacé de pendre..... et de faict s'étoient efforcés luy mettre le liceol de l'un de leurs chevaux au col; quoy voyant le «poure homme, doubtant la mort, cria a haulte voix a l'ayde, auquel «cry certaines femmes qui l'oïrent, tirèrent celle part, et par leur << moyen trouva façon de eschapper de leurs mains; pour laquelle cause

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«le dit prevost et le dit sergent, qui estoient avec luy, dirent plusieurs «<parolles injurieuses aux dictes femmes qui sont très femmes de bien, « telles que paillardes, mastines; a l'occasion de quoy, l'une d'elles, qui << ne pust aucunement porter ces dictes injures, geta une pierre ou deux <«< contre l'un d'eulx, sans que la pierre lui fist mal. . . .

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<«<Un certain jour après, que le marché se tenait à Pont-l'Abbé, se «mict (le dict prevost) et des sergens avec luy au guect sur le chemin « qui va du dict Saint-Aignan au dict Pont-l'Abbé, et illec print et fist « prendre et conduire au dit Pont-l'Abbé par force, et nonobstant le dict « appel, deux des dits poures supplians, une femme et un prestre, lequel tantost après, de peur qu'il eust, est mort; au moyen de quoy, se << sourdit ung molet grand bruict, pource que c'estoit ung jour de mar«ché, et de faict se assemblèrent plusieurs des dits poures habitans, avec <«< armes, bastons, lesquels ne pensant faire mal, pour ce qu'ilz estoient appelans, et qu'ils avoient seu par leur conseil, que durant le dict appel il ne pouvoit, ne devoit estre attempté contr'eulx, firent en ma«nière que ils recouvrèrent leurs prisonniers, et peut être que ces au« cuns donnèrent plusieurs menaces au dict prevost et au substitut de << nostre procureur général... ., et de faict empechèrent, tant par voye <«<de faict que aultrement que les dictz sergens ne fissent aucuns exploiz « sur eulx. . . . .; en quoi fesant les dicts poures supplians ne pen« soient mal faire, et n'avoient intention de nous faire aucune rebel« lion. . . . .

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« Toutefoys, le dict prevost s'est tiré par devers nous, en nous faisant « un grand cry, et clamant des choses dessus dictes, et de nous a obtenu <«<lettres par vertu desquelles, et pour icelles mettre a exécution, le se« neschal de Xaintonge ou son intendant particulier s'est transporté sur « les lieux ou il n'a trouvé que les maisons toutes vuydes. .. ayans «les dits poures supplians, craignant et doubtant rigueur de justice, «habandonné cy peu de biens qu'ilz avoient, et leurs femmes et petitz « enfans, tous depourveus, en necessité de mendier leur vie; au moyen « de quoy le dict lieutenant n'a seu que exécuter, pour la grande pitié et « poureté qu'il a trouvée. . . . .

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<< Et nous ont humblement faict supplier et requerir que.. . . . il nous plaise leur abolir, quicter, remectre et pardonner lesdicts cas. . . . .

« Pour ce est-il, etc., aux dicts supplians, et a chacuns d'eulx, avons..... aboly, quicté, remis et pardonné. »

(La suite à un prochain cahier.)

CH GIRAUD.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT NATIONAL DE FRANCE.

La séance publique annuelle des cinq académies de l'Institut a eu lieu le vendredi 25 octobre, sous la présidence de M. Picot, président de l'Académie des beaux-arts, et de MM. Villemain, Magnin, Duperrey et Cousin, délégués des Académies française, des inscriptions et belles-lettres, des sciences et des sciences morales et politiques.

Après le discours d'ouverture du président, le rapporteur de la commission du prix de linguistique, fondé par M. de Volney, a lu son rapport sur le concours de 1850. Il a proclamé ensuite le prix décerné.

La commission avait annoncé qu'elle décernerait, cette année, une médaille d'or de la valeur de 1,200 francs à l'ouvrage de philologie comparée qui lui en paraîtrait le plus digne parmi ceux qui lui seraient adressés.

Cette médaille a été obtenue par M. Albin de Chevallet, auteur d'un mémoire manuscrit, intitulé: Études philologiques et historiques sur l'origine et la formation de la langue française.

La commission annonce qu'elle accordera, pour le concours de 1851, une médaille d'or de la valeur de 1,200 francs à l'ouvrage de philologie comparée qui lui en paraîtra le plus digne parmi les ouvrages, tant imprimés que manuscrits, qui lui seront adressés.

«Il faudra que les travaux dont il s'agit aient été entrepris à peu près dans les mêmes vues que ceux dont les langues romanes et germaniques ont été l'objet depuis quelques années. L'analyse comparée de deux idiomes, et celle d'une famille entière de langues, seront également admises au concours. Mais la commission ne peut trop recommander aux concurrents d'envisager, sous le point de vue comparatif et historique, les idiomes qu'ils auront choisis, et de ne pas se borner à l'analyse logique, ou à ce qu'on appelle la Grammaire générale. »

Les mémoires manuscrits et les ouvrages imprimés, pourvu qu'ils aient été publiés depuis le 1 janvier 1850, seront également admis au concours, et ne seront reçus que jusqu'au i" août 1851, terme de rigueur. Toute personne est admise à concourir, excepté les membres résidants de l'Institut.

Après l'annonce de ce prix, le reste de la séance a été rempli par la lecture de quatre mémoires dont voici les titres :

1° Recherches sur les premières rédactions du voyage de Marc-Pol, par M. Paulin Paris, membre de l'Académie des inscriptions et belles lettres;

2° Considérations sur la gravure en taille-douce et sur le graveur Gérard Audran, par M. Gatteaux, membre de l'Académie des beaux-arts;

3° Stilicon ou le Monde romain à la fin du iv° siècle, par M. Amédée Thierry, membre de l'Académie des sciences morales et politiques;

4° Souvenirs et visions; fragment poétique, composé à Rome en mars 1850, au milieu des ruines du Forum, par M. Ancelot, membre de l'Académie française;

L'heure avancée n'a pas permis d'entendre la lecture d'un mémoire de M. Duperrey, membre de l'Académie des sciences, sur les tentatives faites jusqu'à ce jour pour découvrir un passage au nord de l'Amérique septentrionale.

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