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se sert plusieurs fois M. Pardessus. Ainsi, parlant des actes du règne de Clovis «La nouvelle édition, dit-il, contient quarante-deux documents « appartenant à cette époque, tandis que les premiers éditeurs n'en << avaient publié que huit. » Mais, d'après le plan définitif, il eût fallu se contenter d'annoncer un seul document réuni aux huit du premier éditeur, car, si je passe aux textes, je n'y trouve de nouveau que les chapitres de la loi salique, que M. Pertz y avait ajoutés le premier. Les trente-trois autres documents ne sont mentionnés que sous forme d'inventaire raisonné, avec l'indication exacte des ouvrages dans lesquels on peut être assuré de les trouver, si l'on prend la peine de les y aller chercher.

Nous aurions micux aimé suivre M. Pardessus sur les traces de Bréquigny dans la troisième partie des Prolégoniènes, et le choisir pour guide dans l'application qu'on pouvait faire des nouveaux documents mérovingiens à l'étude des anciennes incurs et des anciens usages. Personne, aussi bien que l'auteur des excellentes dissertations sur la loi salique, n'était préparé à continuer et fortifier les investigations de son prédécesseur. Par malheur, c'est dans le texte des lois barbares qu'il aurait trouvé surtout l'occasion de précieux rapprochements philosophiques, et ces textes il lui était interdit de les donner. Hatons-nous d'ajouter que, dans les notes qui accompagnent les actes nouveaux, le savant éditeur a constamment fait preuve de la plus judicieuse critique, et, puisqu'il n'a rien fait de mieux, nous devons croire qu'il n'y avait rien de mieux à faire,

Arrêtons-nous maintenant sur les nouveaux textes de cette édition. Le premier est l'édit d'Honorius et de Théodose, qui semble, en 418, doter les provinces méridionales de la Gaule d'une sorte d'assemblée nationale: «Indicamus ut servata posthac annis singulis consuetu«<dine, constituto tempore, in metropolitana, id est Arelatensi urbe, <«< incipiant septem provinciæ habere consilium. » Peu de monuments anciens avaient été plus souvent imprimés; mais les commentaires de. M. Pardessus et les nombreuses variantes qu'il a recueillies et groupées autour du texte en font une des parties les plus intéressantes du volume.

Au no XXIV est la fameuse charte de Guerric, duc de Bretagne, donnée, sous la date de 458, en faveur du monastère de Saint-Vinoc. Dom Morice l'avait seul publiée sans élever le moindre doute sur sa sincérité. Elle était alléguée plus d'une. fois dans l'Art de vérifier les date. Des garants aussi respectables n'ont pas empêché M. Pardessus d'y reconnaître l'œuvre d'un faussaire du xir siècle. Ce Guerric, qui s'in

titule duc de la petite Bretagne, par la grâce de Dieu, et qui statue pour le remède de son âme, de celles de ses ancêtres et de ses successeurs, en présence des évêques, des comtes et des grands de la province, ce Guerric, disons-nous, semble le contemporain de PhilippeAuguste, non celui de Childéric ou de Mérovée. Il faut donc que les Bretons se résignent à supprimer ce premier monument de leurs glorieuses annales.

Les douze capitula, réunis au texte de la loi salique, sont ici accompagnés de nouvelles variantes fournies par deux manuscrits, l'un de Lyon, l'autre de Paris. Le chapitre III punit de 45 sous d'amende celui qui aura tondu un enfant chevelu, puerum crinitum, sans l'aveu des parents, et de 100 sous celui qui aura exercé le même délit sur une jeune fille. Pourquoi cette amende et cette distinction? Voulait-on ôter ainsi la qualité de noble ou d'ingénu? Cela n'expliquerait pas la différence de la peine. Il me semble qu'on pourrait scutenir qu'il s'agit ici d'enfants qu'on aurait jetés dans un monastère et rasés, à cet effet, sans le consentement de leurs parents; on concevrait alors qu'on eût puni plus gravement les auteurs d'une parcille violence quand la victime. était une jeune fille, qu'on pouvait empêcher ainsi de contracter un mariage projeté; et, si cette interprétation était admise, il faudrait en conclure que le chapitre n'appartenait pas au texte le plus ancien de la loi salique.

Du cinquième chapitre, qui met hors la loi toute femme qui épouse un de ses esclaves, qui confisque ses biens et absout d'avance ceux de ses parents qui la tueront, qui punit l'esclave de la roue, on peut conclure que jamais de telles unions n'étaient contractées chez les Francs; les deux partis y auraient trop perdu.

Dans le onzième chapitre, il y a une expression singulière: «Si quis « mulierem excapillaverit, ut ei abonnis ad terra cadat, sol. xv culp. «judic. » Est-ce qu'abonnis ou obonnis ne répond pas à notre bonnet? Le .mot n'a pas été relevé dans le nouveau du Cange ni même dans les tables de M. Pardessus.

Il faut ajouter à ces douze chapitres trente autres, dont M. Pardessus rapporte la rédaction à la fin du vro siècle (no ccxvr). Le vingt-troisième offre une expression demeurée française: «Si quis messe aliena glennare « presumpserit... » M. Pardessus, dans son Index rerum, l'a écrit glanare et le nouveau du Cange n'enregistre ni l'une ni l'autre forme. L'amende est de 15 sous; c'est la seule que renferme la loi salique contre ce genre de délit.

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L'édit de Sigismond, roi des Bourguignons, en faveur de ceux qui

recueillent des enfants exposés, n'avait pas encore été publié, si ce n'est par M. Pardessus lui-même dans le Journal des Savants de 1839. Il porte ici le n° xcvit. Le n° cxxi ne l'avait été que dans les feuilles volantes du Bulletin de la Société de l'histoire de France, juillet 1839. C'est le fragment des actes d'un' synode de Marseille, tenu en 533, relatif à la condamnation de Contumeliosus, évêque de Riez. Les actes du concile de Bordeaux, tenu vers 662, étaient également restés jusqu'à présent inconnus. On les trouve ici sous le n° CCCXLVIII. Parmi les souscripteurs de ces deux instruments, on remarque plusieurs noms d'évêques qui avaient échappé aux auteurs de la Gallia christiana.

Au n° CLXV et sous la date de 560 est le fameux édit de Clotaire, un des plus précieux monuments de l'ancienne législation franque. Il consacre le principe, que nul ne peut être condamné sans avoir été entendu, et que les juges ne peuvent faire exécuter leurs sentences, si elles ne sont conformes à la loi. Sirmond, Baluze et tous ceux qui l'avaient déjà publié, le rapportent à Clotaire I, fils de Clovis, et M. Pardessus, sans en donner de nouvelles raisons particulières, a conservé la même attribution. Cependant une autre autorité, celle de Montesquicu, en faisait honneur à Clotaire II; et certainement on ne peut s'empêcher d'avouer que le passage dans lequel l'auteur de l'édit rappelle les bienfaits de son père et de son aïeul envers les églises ne s'applique plus naturellement au petit-fils de Clotaire I qu'à celui du païen Childéric : « Ecclesiæ vel clericis nullam requirant agentes publici « functionem, qui avi vel genitoris aut germani nostri immunitatem <«< meruerunt.» Ces mots germani nostri semblent désigner un cousin aussi bien qu'un frère, et pourraient se rapporter à Childebert II, cousin germain de Clotaire II, comme à Childebert Ier, fils de Clovis. Un peu plus loin, le roi défend de revenir sur les donations ecclésiastiques consacrées par une possession de trente ans, et il ajoute : «Nec actio « tantis ævi spatiis sepulta ulterius contra legum ordinem... consur<< gat. >> Cela convient bien mieux encore au fils de Chilpéric qu'à celui de Clovis. M. Pardessus pense toutefois que l'idolâtre Childéric a bien pu favoriser les églises, afin de mieux se concilier les bonnes dispositions de ses nouveaux sujets. Une faute d'impression fâcheuse s'est ici glissée dans la phrase que nous rappelons: Chilpéric est mis pour Childéric, et vingt fois, ailleurs, ces deux noms de rois sont substitués l'un à l'autre. L'errata nous met heureusement en garde, à la fin du tome II, contre cette méprise du tome I.

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Citons encore dans le tome I (n° CLXXXIV) l'édit de Chilpéric I", que M. Pardessus date de l'année 574. M. Pertz l'avait seul jusqu'à

présent donné, d'après un manuscrit de Leyde. C'est un document de haute importance législative.

Deux autres pièces précieuses avaient été reconnues et communiquées au nouvel éditeur, par M. Champollion, alors conservateur de la Bibliothèque nationale. C'est une charte de la religieuse Engelwara en faveur de l'abbaye de Blandenberg, en 700; et une autre charte de l'année 706, souscrite par Léodoan, évêque de Liége en faveur de l'abbaye de Saint-Euchaire. La charte précaire de Vademarus et d'Éramberte, sa femme, en l'année 730, n'avait encore été publiée que par M. Guérard dans les pièces justificatives du Polyptyque d'Irminon. Parmi les huit pièces qui figurent dans le supplément à côté de celles que M. Pertz avait tirées du Cartulaire de Weissembourg, nous. avons encore remarqué un acte d'échange de l'année 697, entre Adalric et l'abbé de Saint-Germain, Valdromarus. Il a été trouvé dans le riche dépôt des archives nationales. Dans cet acte, le pays de Pincerai est écrit pagus Penesciacensis, et Bougival, où la charte a été souscrite, Beudechisilovallis.

Nous avons mentionné la plupart des actes inédits dont on trouvera le texte dans la nouvelle édition des Diplomata. Malgré les regrets que nous a fait éprouver la disposition de certaines parties de ce grand ouvrage, on a cependant le droit de le désigner comme le véritable code de l'époque mérovingienne. Lois, édits, diplômes, bulles, actes des conciles, chartes, lettres particulières, tout y est classé dans un excellent ordre chronologique. Les textes publiés sont accompagnés de precieuses variantes et d'éclaircissements de tous les genres. La critique de M. Pardessus, constamment bienveillante pour les savants qui l'ont devancé dans la carrière, laisse échapper peu d'occasions de nous guider au milieu des innombrables difficultés que les documents présentaient. Quand le souffle d'une érudition forte et judicieuse ne glisse pas au travers de ces vénérables lambeaux épargnés par le temps, en si petit nombre, quand il n'en adoucit pas les aspérités rebutantes, leur publication est d'un faible avantage. On n'ose employer un temps considérable à déchiffrer des mots que les scribes ont pu trop souvent défigurer. D'ailleurs la moitié de ces chartes sont le résultat d'une fraude plus ou moins habile: qui viendra nous apprendre à la reconnaître? D'autres ont été surchargées d'additions mensongères; comment saisirons-nous le faussaire en flagrant délit, comment purifierons-nous la source que sa main a troublée? Désormais, grâce aux veilles de Bréquigny et de M. Pardessus, notre droit public sous la première race est assis sur des bases solides, inébranlables, et tous ceux qui voudront

étudier les commencements de la glorieuse monarchie française seront tenus de consacrer au recueil des Diplomata leurs plus sérieuses études. Nous n'avons plus qu'à faire des vœux pour que le troisième volume des Diplomata, en éclairant bientôt de la même lumière les temps Carlovingiens, fasse un nouvel honneur à l'érudition française et au célèbre jurisconsulte qui seul aujourd'hui pouvait être chargé d'un travail aussi difficile.

PAULIN PARIS.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT NATIONAL DE FRANCE.

ACADÉMIE FRANÇAISE.

L'Académie française a tenu, le jeudi 17 janvier, une séance publique pour la réception de M. de Saint-Priest. M. Dupaty, directeur de l'Académie, a répondu au récipiendaire.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.

Nous avons annoncé, dans notre dernier cahier, la mort de M. Quatremère de Quincy, doyen des membres de l'Académie des inscriptions, ancien secrétaire perpétuel de l'Académie des beaux-arts et l'un des assistants du Journal des Savants. A ses funérailles, qui ont eu lieu le 30 décembre, M. Magnin, président de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, a prononcé un discours dont nous extrairons quelques détails sur la vie et les ouvrages de notre illustre confrère. « Né en 1755, d'une ancienne et honorable famille parisienne, Antoine-Chrysostome Quatremère s'adonna, dès sa jeunesse, à l'étude de l'antiquité, à l'histoire, et même à la pratique des arts. Une question féconde, proposée par l'Académie des inscriptions et belles-lettres, fournit au futur émule de Winckelmann l'occasion d'un mémoire. que l'Académie couronna en 1785. Ce premier travail fut le prélude et comme le point de départ du grand et mémorable ouvrage dont M. Quatremère commença la publication l'année suivante, et qui l'a occupé toute sa vie, le Dictionnaire d'architecture. En 1790, associant ses juvéniles idées de réformes politiques à sa passion pour les beaux-arts, M. Quatremère de Quincy prononça, devant les représentants de la commune, un discours où il plaidait chaudement la cause de la liberté des théâtres, cause à laquelle il a donné un plus noble gage encore, trente ans plus tard, en refusant les fonctions de censeur théâtral, que lui offrait un gouvernement qu'il aimait d'ailleurs, et qu'il appuyait. Député de Paris à l'Assemblée législative en

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