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mination spartiate, sont situés dans une vallée qui s'étend jusqu'à la mer, à peu de distance de Marathonisi, ville moderne, presque entièrement bâtie aux dépens des édifices de Gythium. A l'exception d'un théâtre, construit d'une sorte de marbre demi-transparent, dont la plupart des siéges sont déplacés, et que nos artistes n'essayèrent pas de mesurer1, ils ne virent, sur l'emplacement de Gythium, que des ruines romaines ou du Bas-Empire, dans un état qui ne leur permit pas sans doute d'en rechercher la forme et d'en lever le plan. La petite quantité de fragments de sculpture, qu'ils eurent l'occasion d'examiner, leur parut aussi de très-mauvais style. Je dois dire pourtant que la description des ruines de Gythium, faite par M. L. Ross2, serait propre à en donner une idée plus favorable. Le savant antiquaire allemand y signale plusieurs édifices, publics ou privés, de formes variées, et des tombeaux, tous monuments d'époque romaine, à la vérité, qui mériteraient pourtant d'être fouillés, et qui pourraient offrir plus d'une sorte d'intérêt à la science. On a trouvé à plusieurs reprises des statues dans les ruines du théâtre, une entre autres de Léonidas, que citent nos architectes, et dont un anglais, disent-ils, se rendit acquéreur. Je présume que c'est celle dont M. L. Ross fait aussi mention, comme d'une statue héroïque, c'est-à-dire presque entièrement nue, d'une intégrité parfaite, sur la base de laquelle se voyait encore un A, première lettre du nom de Léonidas; elle avait été trouvée dans l'orchestre, et elle fut achetée par un Anglais. Sur la route de Gythium, à quelques minutes de la ville moderne et près du rivage de la mer, nos artistes signalent encore un rocher portant une inscription, sans indiquer les circonstances qui purent les empêcher de la copier. Le colonel Leake fait aussi mention de cette inscription, en observant de plus qu'elle est gravée en petits et trèsanciens caractères3, et il en a donné une copie, qui a été reproduite par M. Boeckh5; mais sans qu'il soit possible de rien tirer de cette inscription, malheureusement trop mutilée.

En quittant Gythium pour se rendre à Sparte, par une route qu'ils n'avaient pas encore parcourue, la première station de nos artistes fut sur l'emplacement d'Amycles, qu'on appelle aujourd'hui Sklavochori 6, et qui ne leur offrit que quelques débris antiques et quelques églises rui

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IT. III, P. 52. Le colonel Leake évalue son diamètre à 150 pieds, Travels, etc., t. I, p. 244. Griechisch. Königsreise, t. II, p. 232-235. — Travels, etc., t. I. p. 248. T. III, Inscriptions, n° 28. Corp. inscrip. græc. t. I, n° 1469, Le colonel Leake conteste cette assimilation sur le motif le site que de Sklavochori est plus éloigné de l'Eurotas et de Sparte que ne l'était celui d'Amycles, Travels, etc., t. I, p. 134.

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nées. Quant aux inscriptions de Fourmont, je ne suis pas surpris qu'ils n'en aient pas entrepris une recherche qui n'entrait pas dans le plan de leur voyage, et qui d'ailleurs eût été sans résultat. Il est trop certain qu'il n'en subsiste pas aujourd'hui le moindre fragment', ce qui, de l'aveu de M. L. Ross, serait loin de constituer une objection contre l'authenticité de ces inscriptions, s'il n'y avait d'autres raisons tirées de ces monuments mêmes pour la mettre en doute; et, à cet égard encore, je dois dire que le savant antiquaire que je viens de citer se range ouvertement du nombre de ceux que les raisons dont il s'agit n'ont pu convaincre de la justice des reproches adressés à Fourmont. Quoi qu'il en soit de cette question, dont la discussion ne saurait trouver place ici, et que je réserve pour un autre temps, je me borne à dire que nos artistes ne cherchaient, dans le voisinage d'Amycles, qu'un sarcophage qui leur avait été indiqué, mais auprès duquel personne ne put les conduire. Ce fut seulement à Misthra qu'ils obtinrent des renseignements à ce sujet; mais il se trouva qu'à leur arrivée sur le lieu où gisait ce sarcophage ils ne purent s'applaudir de la peine qu'ils avaient prise de le rechercher, au point qu'ils crurent pouvoir s'épargner celle de le dessiner. Il est sculpté sur ses quatre côtés; la sculpture, dont toute la partie supérieure est détruite, représentait un combat, qui se continuait sur trois côtés, mais dans un travail grossier, et, sur la face postérieure, était figuré un sacrifice. Tout en admettant, sur la foi de nos architectes, que ce monument fût sans mérite sous le rapport de l'art, il se pourrait cependant que, sous celui du sujet, il ne fût pas dépourvu d'intérêt. La circonstance que, sur la gauche de la face principale, sont sculptées quelques sirènes nageant à la surface de l'eau2, est propre à justifier cette idée, si cette indication est exacte, et si nos artistes se sont bien rendu compte de ce qu'étaient les sirènes. En tout cas, cette localité de la Laconie possède, à ce qu'il paraît, plus d'un marbre antique digne d'attention, bien que ces monuments appartiennent à une époque romaine. Nos architectes ont manqué l'occasion d'en voir un qui se trouvait près d'eux, à peu de distance de Sklavochori, sur le site de l'antique Brysee, et qui formait un fragment considérable de la frise

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'L.Ross, Griechisch. Königsreis., t. II, p. 244 : « Von den Amykläischen Inschriften Fourmonts ist es bei der grossten Aufmerksamkeit nie gelungen, auch nur das kleinste Fragment wieder aufzufinden, was um derentwillem zubeklagen ist, die sich durch innere Gründe nicht zu überzeugen vermögen, dass solche Monumente nicht haben erdichtet werden können, am wenigsten in jener Zeit, bei dem damaligen Stande der Kenntniss der Griechischen Palãographie und von einem Manne wie Fourmont. T. III, p. 54.

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d'un édifice ionique; c'était un bas-relief représentant la mort de Penthésilée, dans un combat de Grecs et d'Amazones. Le colonel Leake, en la possession duquel se trouve aujourd'hui ce marbre antique, dit que le dessin en est bon, mais que l'exécution est grossière, en partie, parce qu'elle n'a pas été achevée 1; et c'est peut-être aussi là le cas du sarcophage dont la sculpture a paru si défectueuse à nos artistes.

La suite de leur excursion jusqu'à Monembasie, ville du moyen âge, toute de construction vénitienne, ne leur offrit rien de particulier, si ce n'est des cavernes pratiquées sous des rochers et encore habitées, à une heure de marche du cap d'Epidaurus-Liméra 2. Mais les environs de Monembasie, dont le site répond à celui de la Minoa de Pausanias 3, auraient pu leur offrir le sujet de plus d'une observation intéressante, s'ils avaient visité ces localités sans quitter la terre, au lieu de s'embarquer, comme ils le firent, à Monembasie, pour aller débarquer dans un petit port situé près de l'emplacement d'Epidaurus-Liméra. Par là ils se privèrent de l'occasion d'observer les ruines de cette ville antique, qui fut assez considérable, lesquelles ruines existent à une lieue de Monembasie, au nord, près du rivage, au lieu nommé l'ancienne Monembasie, παλαιὰ Μονεμβασία. Elles consistent dans l'enceinte de murailles de l'acropole et de la ville même, qui est conservée à peu près tout entière, quelquefois jusqu'à la moitié de sa hauteur primitive, en murs de terrasse, du plus parfait appareil, d'une construction hellénique du second ordre, formant des plates-formes où l'on retrouve encore l'emplacement des temples antiques indiqués par Pausanias. Nos artistes n'ont reconnu, en fait d'objets signalés par le voyageur ancien dans cette localité, que le lac d'Ino, qui leur apparut sous la forme d'une excavation, remplie d'eau, à une grande profondeur 5. Cette excavation, qui semble bien répondre en effet aux indications données par Pausanias, se trouve, selon le colonel Leake', à un tiers de mille au sud des ruines d'Epidaurus-Liméra. Je signalerai enfin, dans cette excursion de nos architectes, une autre lacune produite par la même circonstance, celle des ruines d'une antique cité de la Laconic, Asôpos, qui se trouvent au lieu appelé aujourd'hui Blitra, Mapa, sur le rivage, à un demi-mille de la péninsule formée par le cap Xyli 9.La visite de nos artistes au couvent de Loukou termine

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Travels, etc., t. I, p. 187-188. Voyez, sur ces ruines de Brysee, M. L. Ross, Griech. Königsreise, t. II, p. 244-245.-T. III, p. 55. — Pausan., III, xxIII, 7. Voy. Leake, Travels, etc., t. I, p. 210, b). Voyez la description des ruines d'Épidaurus-Liméra, donnée par le colonel Leake, Travels, etc., t. I, p. 211-212. 'T. III, p. Pausan., III, xxiii, 5. 56. Travels, etc., t. I, p. 217. Strab., 1. VIII, p. 363; Pausan., III, xxII, 7. t. I, p. 225-227.

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Voy. Leake, Travels, etc.,

le récit de cette excursion, qui est accompagné de plusieurs monuments, statues et bas-reliefs, récemment découverts à l'époque de cette visite, et déposés alors dans ce monastère 1. Le couvent de Loukou représente le site de l'antique Thyrea d'Argolide, ville beaucoup plus importante qu'on ne pourrait le croire d'après la description de Pausanias 2, à en juger par les ruines mêmes, décrites avec soin par le colonel Leake, et plus récemment encore par par M. L. Ross, dont la relation rectifie et complète celle de nos architectes, qui ne paraissent pas avoir soupçonné que les monuments du couvent de Loukou appartenaient à l'antique Thyrea 5.

Ici se termine, avec le troisième volume de l'Expédition scientifique, le compte que nous nous étions proposé de rendre à nos lecteurs des explorations de nos architectes en Morée. Nous avons maintenant à nous occuper des monuments qui forment l'objet principal de leur travail, et qui sont les temples d'Olympie, de Phigalie et d'Égine. Mais, avant d'aborder cette partie de notre tâche, nous avons à faire quelques observations sur la seconde moitié de l'Introduction, qui concerne l'histoire de l'art, et au sujet de laquelle nous avons fait, dans notre premier article, une réserve, engagement que nous tenons à acquitter; ce sera l'objet de notre prochain article.

(La suite au prochain cahier.)

RAOUL-ROCHETTE.

'T. III, pl. 88, 89, 90, 91. La statue, qui est celle d'une Amazone, en forme de Cariatide, et qui fut décrite par le colonel Leake, au moment de sa découverte, Travels, etc., t. II, p. 488, est maintenant placée dans le Musée d'Athènes, ainsi que les deux bas-reliefs, dont l'un a été publié d'abord dans les Annal. dell' Institut. archeol., t. I (1829), tav. agg. C, p. 132-134. Le beau bas-relief héroïque sépulcral, pl. 91, a été l'objet d'une explication ingénieuse et savante de la part de M. Lebas, dans son travail sur les Monuments figurés de la Morée, P. 184190.- Pausan., II, xxxvIII, 5.—3 Travels, etc., t. II, p. 486, suiv. — L. Ross, Reis. im Pelopon., t. I, p. 169, suiv. - Les nombreuses médailles en argent et ent bronze que nous possédons de Thyrea, Mionnet, Description, t. I, p. 241, et Supplément, t. IV, p. 265-6, attestent suffisamment l'importance de cette ville et son goût pour les arts.

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POETE BUCOLICI ET DIDACTICI. Theocritus, Bion, Moschus, recognovit et præfatione critica instruxit C. Fr. Ameis.-Nicander, Oppianus, Marcellus Sideta De piscibus, poeta De herbis, recognovit F. S. Lehrs. Præfatus est K. Lehrs. Phile iambi De proprietate animalium, ex codicibus emendarunt F. S. Lehrs et Fr. Dübner. Græce et latine cum scholiis et indice locupletissimo. Paris, Didot, 1846; grand in-8°, de xxxII et 86, xiv et 174, III et 48 pages.

Scholia in Theocritum, auctiora edidit et annotatione critica instruxit Fr. Dübner. Scholia et paraphrases in Nicandrum et Oppianum, partimnunc primum edidit, partim collatis codd. mss. emendavit, annotatione critica instruxit et indices confecit U. Cats Bussemaker. Paris, Didot, 1849; grand in-8°, de xiv et x, et 671 pages.

TROISIÈME ARTICLE1.

Les trois poëmes qui portent le nom d'Oppien, mais dont un seul lui appartient en réalité, comme nous l'avons démontré plus haut, sont suivis de ce qui nous reste des nombreuses poésies de Nicandre de Colophon. On ne peut parler de ce poëte grammairien sans éprouver les sentiments d'un profond regret. Si, dans le tableau qui contient les titres de ses ouvrages, il nous avait été permis de choisir ceux dont nous aurions volontiers supporté la perte, nous aurions, sans aucun doute, désigné de préférence ces deux seuls poemes qui nous ont été conservés, les Thériaques (Onpiaxà) et les Alexipharmaques (ÅλežiÇáppana), science versifiée des contre-poisons et des remèdes contre la morsure des bêtes venimeuses. Nul doute qu'à ces poemes didactiques on cût préféré même les Gloses (wooα), ouvrage grammatical de Nicandre, dont Athénée cite souvent des explications fort utiles 2. Mais ce sont surtout les poésies ethnographiques et historiques de Nicandre dont la perte est à jamais regrettable: tel est, entre autres, un ouvrage étendu sur l'Étolie, où il avait séjourné longtemps; l'histoire de l'établissement des villes, les mythes, les croyances, les anciennes coutumes qui s'y rattachaient, y étaient traités dans le plus grand détail. Cet écrivain avait fait de même pour la Béotie, pour Thèbes, pour la Sicile, et pour sa patrie Colophon; un autre poëme, intitulé Evpánea, en trois

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Voy. le cahier d'août, p. 478-485.

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M. Bernhardy, dans son Précis de l'histoire de la littérature grecque, croyait que cet ouvrage avait pour auteur un autre Nicandre, celui de Thyatire. Cette opinion a été réfutée par M. Bussemaker, Schol., p. 651, note 1.

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