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buées aux fils de Xénophon, que notre auteur place à l'abri sous les portiques, non-seulement sans aucune autorité, mais encore contre toute vraisemblance et contre le témoignage même de Pausanias 2; celle enfin qui concerne le grand piédestal d'Agrippa, dont M. Ém. Burnouf n'a rien dit, et dont il a même retranché la figure sur son plan des Propylées, bien qu'il soit impossible de ne pas tenir compte de cet élément dans un travail sur les Propylées. Mais je dois me borne énoncer ces questions, qui manquent ou qui ne sont qu'indiquées dans le Mémoire de M. Burnouf; sans compter qu'il en existe encore quelques autres qui devraient entrer dans un examen complet de ce grand monument de l'art attique, et dont je ne dis rien ici, parce que j'ai depuis longtemps l'intention, que j'ai annoncée dans mes Lettres archéologiques sur la peinture des Grecs, de faire un travail étendu sur les Propylées en général et sur la Pinacothèque en particulier.

Mais, en terminant ce compte rendu des Mémoires de M. Ém. Burnouf, où je crois avoir donné assez de témoignages de l'intérêt sincère que j'ai pris au travail de notre jeune antiquaire, qu'il me soit permis de lui adresser un conseil, qui pourra peut-être profiter aux autres savants qui lui succéderont dans notre école d'Athènes. L'étude de l'antiquité repose à la fois sur l'observation la plus attentive des monuments et sur l'intelligence la plus exacte des textes; tout ce que l'on cherche à joindre à ces deux éléments de travail, et que l'on puise dans un fond d'idées métaphysiques, de considérations morales, la plupart du temps étrangères à l'esprit des anciens, ne peut guère servir qu'à donner à cette étude une tendance systématique et une direction fausse, que je verrais avec beaucoup de peine, je l'avoue, s'établir dans notre école d'Athènes. Des faits bien étudiés, des textes bien compris, des monuments bien observés, voilà ce que l'on doit demander aux membres de cette école, plutôt que d'ingénieuses pages où l'imagination se joue dans les vapeurs de l'esthétique. Cette science nébuleuse, née dans les régions froides et sombres du nord de l'Europe, ne renferme pas le secret des œuvres produites sous le ciel pur et brillant de la Grèce. Si ce secret peut encore se découvrir, c'est seulement aux esprits qui, se tenant en 1 Archives, etc., p. 29. 2 • Pausan., I, XXII, 4 : Τὰς μὲν οὖν εἰκόνας τῶν ἱππέων οὐκ ἔχω σαφῶς εἰπεῖν εἴτε οἱ παῖδές εἰσιν οἱ Ξενοφῶντος, εἴτε ἄλλως ΕΣ ΕΥΠΡΕΠΕΙΑΝ πεποιημέναι. Ces derniers mots prouvent certainement que les statues équestres dont il est question contribuaient à la décoration, à l'effet des Propylées de l'Acropole; d'où il résulte qu'elles ne pouvaient être à l'abri sous les portiques; sans compter que leur présence en cet endroit, si peu favorable pour des statues équestres, aurait été un embarras dans la célébration des Panathénées et dans bien des circonstances. La place de ces statues était donc ailleurs; ce qui n'est pas difficile à déterminer.

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dehors des nuages de la métaphysique, sur le terrain réel de la Grèce antique, vivent dans la contemplation assidue des monuments de l'art, guidée par l'intelligence éclairée de ceux de la langue; et les élèves de notre école d'Athènes sont placés, sous ce double rapport, dans des conditions trop favorables, pour avoir rien à envier ni à prendre dans les écoles d'au delà du Rhin.

RAOUL-ROCHETTE.

OBSERVATIONS SUR LA VILLE DE NINIve.

TROISIÈME ARTICLE.

Il y a quelques mois, je publiai, dans le Journal des Savants, un mémoire assez étendu, qui contenait un examen approfondi de faits nombreux, dont l'ensemble devait contribuer à éclaircir la topographie de l'antique Ninive. Je croyais avoir répondu d'avance aux objections que pouvait soulever une question, sans contredit, fort difficile, puisque les détails qu'il s'agit de coordonner et de discuter remontent jusqu'aux périodes les plus anciennes de l'histoire. A peine mon mémoire avait-il vu le jour, qu'un savant d'un mérite distingué, le docteur Hofer, publia, de son côté, une dissertation, dont la suite vient de paraître, et dans laquelle il émet une hypothèse entièrement contraire à celle que j'avais proposée. Il est évident que l'auteur n'a pas eu connaissance de mon opinion sur cette matière, car il n'en a fait aucune mention. M. Hofer croit pouvoir admettre que les ruines découvertes à Khorsabad et à Nimroud n'appartiennent en aucune manière à l'antique capitale de l'empire assyrien; que Ninive n'a jamais été située sur la rive orientale du Tigre; que sa position doit être cherchée près des bords de l'Euphrate, et que nous ignorons encore complétement le point précis sur lequel avait été fondée cette immense capitale. J'ose me flatter que, si M. Hofer avait pu consulter mes observations, il y aurait trouvé la solution de quelques-unes des difficultés qui, dans l'hypothèse contraire à la sienne, lui ont paru insurmontables; mais, puisqu'il n'a pas cité mon travail, je dois revenir sur le même objet, et soumettre à un supplément de discussion les faits traités par moi dans la première partie de ce mémoire.

Il est, à vrai dire, extrêmement déplorable qu'une ville aussi impor

tante que Ninive ait laissé dans l'histoire si peu de traces de son existence. Les anciens ne l'ont connue et n'en ont parlé qu'à une époque où cette capitale était depuis longtemps ensevelie sous ses ruines. A coup sûr, si cette ville avait été debout et florissante dans ces siècles où vivaient Hécatée de Milet, Hérodote et les historiens grecs les plus célèbres; si ces hommes judicieux avaient pu eux-mêmes visiter et parcourir son enceinte, la description qu'ils en auraient transmise eût présenté tous les caractères d'une certitude complète; et les écrivains postérieurs se seraient contentés de transcrire ces détails, sans oser substituer, à des faits évidents, des assertions peu exactes, des hypothèses ou erronées ou douteuses.

Dans un second mémoire qui vient de paraître, M. Hofer, supposant que l'opinion émise par lui, relativement à la position de Ninive, a été démontrée d'une manière à ne plus offrir la matière d'un doute, s'attache à prouver que les monuments découverts au delà du Tigre, tant à Nimroud qu'à Khorsabad, ne remontent pas au temps où florissait l'empire assyrien; qu'ils appartiennent à une époque beaucoup moins ancienne, et qu'ils nous représentent le tableau de la civilisation et des mœurs de la Perse, tels qu'elles existaient sous la domination des monarques Achéménides, des Arsacides et même des Sassanides.

Comme, malheureusement, mon opinion sur la plupart de ces points ne saurait s'accorder avec les idées du savant auteur, je me vois contraint de revenir sur cette discussion, et de fortifier, par de nouvelles preuves, mes précédentes assertions.

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Si l'on en croit M. Hofer, «les historiens les plus anciens donnaient << exclusivement le nom d'Assyrie à un pays situé entre l'Euphrate et le « Tigre. Hérodote, d'accord avec la Bible, l'emploie comme synonyme « de Babylonie..... Les rois de Perse, ayant fait de Babylone leur principale résidence, s'appellent quelquefois, dans la Bible, rois d'Assyrie. « L'Assyrie ancienne a pu s'étendre en deçà de l'Euphrate et se con«fondre avec la Syrie, car les rois assyriens, si souvent en guerre avec « les Juifs, les Arabes et les Phéniciens, avaient leur sphère d'activité « bien plutôt en deçà de l'Euphrate qu'au delà du Tigre. Jamais aucun «< auteur antérieur au règne des Parthes n'a parlé d'une Assyrie située au« delà du Tigre. » L'auteur ajoute que, suivant Moïse, le Tigre coulait à l'est de l'Assyrie. Il se demande comment, d'après cela, on a pu chercher au delà du Tigre les ruines de l'antique capitale de l'Assyrie. Puis il ajoute : «Voici peut-être la cause de l'erreur. Les Parthes, dont les an«cêtres avait servi dans les armées de Xercès et de Darius, furent tou"jours hostiles à la dynastie gréco-macédonienne. Guerriers intrépides, ils

«finirent parentamer l'empire des successeurs du lieutenant d'Alexandre, <<< et bientôt la dynastie des Arsacides remplaça celle des Séleucides. Ja«<loux d'évoquer en toutes circonstances le glorieux souvenir des Mèdes et <«< des Perses, ils donnèrent, en face de l'étranger, qui occupait encore la Mé«sopotamie, des noms célèbres à des contrées et à des villes situées au delà « du Tigre, où étaient leurs principaux campements. » L'auteur ajoute que l'Assyrie telle qu'elle est circonscrite par Strabon et par Ptolémée, n'est mentionnée chez aucun écrivain antérieur à la dynastie des Séleucides, même à l'ère chrétienne. «Mais, dit-il, ce n'est pas seulement une nou«< velle Assyrie qu'on rencontrait au delà du Tigre, il y avait aussi une <«< Chaldée, une Babylonie; toutes les contrées transtigriques n'avaient << donc de commun que les noms avec l'Assyrie, la Chaldée et la Babylo« nie mésopotamiques. Malheureusement, la ressemblance des noms amène «facilement la confusion des choses; c'est ce qui est arrivé pour les « deux Assyries; la Ninive des Parthes et des Sassanides, prise par l'em«pereur Héraclius, a été confondue avec la Ninive de Sardanapale. » J'ai cité les propres paroles de M. Hofer, afin de n'affaiblir en rien la force de ses preuves; il me reste maintenant à répondre à ses assertions. Pour commencer par la dernière, je dois dire que, si les idées qu'il a émises présentent un ensemble ingénieux, et par suite séduisant, elles sont loin d'être appuyées sur des arguments décisifs. D'abord, rien n'atteste ce zèle, que, suivant l'auteur, les Parthes auraient montré pour détruire dans leurs Etats les vestiges de la domination grecque, ressusciter les anciennes dénominations des contrées qui existaient sous les monarques de la Perse, et transporter ces noms dans des pays. au delà du Tigre; aucun passage d'un auteur ancien ne saurait être allégué à l'appui de cette hypothèse. Les Parthes, ces farouches dominateurs d'une bonne partie de l'Orient, qui étaient plutôt campés qu'établis dans ces vastes et fertiles régions, ne paraissent pas avoir jamais attaché beaucoup d'importance à réhabiliter le souvenir des anciens rois, des anciennes monarchies de l'Asie. Nous ne voyons nulle part qu'ils aient songé sérieusement à remettre en vigueur les lois, les institutions des Perses et des Assyriens. Ennemis des Séleucides, ils ne l'étaient pas des Grecs en général. Dans leur empire, on voyait un grand nombre de villes qui portaient des noms grecs; les unes avaient été fondées par les Séleucides, d'autres avaient seulement reçu des vainqueurs de nouvelles dénominations. Mais ces dernières dénominations, ainsi que je l'ai dit ailleurs, n'avaient jamais été admises par les habitants primitifs, qui avaient obstinément conservé les noms antiques, par lesquels, de temps immémorial, étaient désignées leurs villes natales. Aussi, à la chute de la domination

des successeurs d'Alexandre, les noms grecs avaient cessé d'être en usage, et les noms anciens avaient conservé exclusivement leur forme primitive. Quant aux villes fondées par les Séleucides, elles retinrent sous la domination arsacide, et plus tard sous celle des Sassanides, les noms qu'elles avaient reçus de leurs fondateurs. Vis-à-vis la capitale de l'empire des Parthes, il existait, sur la rive droite du Tigre, une vaste cité, celle de Séleucie, qui renfermait une immense population, toute grecque de langage, d'origine, de mœurs, et qui supportait assez impatiemment le joug de ses maîtres. Or les princes Arsacides ne cherchaient point à disperser ou à transporter ailleurs cette agglomération d'hommes étrangers et turbulents. Nous ne voyons nulle part que les mêmes monarques aient songé à relever les ruines de l'antique Babylone et à l'opposer à Séleucie, tandis que cette dernière ville avait, en grande partie, causé la dépopulation de l'ancienne capitale de la Babylonie. Les Arsacides, comme je l'ai dit, n'étaient nullement ennemis des Grecs: leurs médailles, frappées en langue grecque, les titres qu'il prennent sur les monuments, confirment ce que j'avance. Et nous lisons dans la vie de Crassus, par Plutarque, que le roi des Parthes, Orode, aimait beaucoup la littérature grecque. Or, je le demande, peut-on supposer que ces conquérants, sans aucun motif sérieux, sans aucune utilité réelle, aient voulu relever une nouvelle Ninive, loin des lieux qu'avait occupés l'antique cité de ce nom, et transporter au delà du Tigre les noms d'Assyrie, de Chaldée et de Babylonie, tandis qu'une tradition constante, appuyée sur un si grand nombre de faits guerriers, soit réels, soit fabuleux, avait si bien fixé les limites de ces contrées célèbres? Une pareille supposition est, il faut le dire, complétement gratuite.

D'ailleurs, quand on connaît les peuples de l'Orient, on sait avec quelle ténacité scrupuleuse ils ont toujours conservé leurs anciens noms, l'indication des limites qui circonscrivaient leur pays. Combien de pays, de villes, portent encore aujourd'hui les dénominations qui les désignaient dès le temps de Moïse. Il est donc tout à fait probable que la Babylonie, l'Assyrie, telles qu'elles se trouvent décrites par Strabon et Ptolémée, correspondaient parfaitement, sous le rapport de la position et de l'étendue, à celles qu'elles avaient eues, sous le règne de leurs anciens rois. M. Hofer objecte qu'aucun écrivain antérieur au règne des Sassanides ou à Jésus-Christ, ne fait mention d'une Assyrie et d'une Babylonic situées au delà du Tigre. Mais, d'abord, je répondrai que les historiens de l'antiquité grecque n'avaient guère parcouru ces parties reculées de l'Orient; qu'Hérodote, suivant toute apparence, et malgré des assertions contraires, n'avait jamais poussé ses voyages jusqu'à Baby

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