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(excepté la faute évidente (are). Le sens est irréprochable, mais les manuscrits ne sont pas d'accord avec cette leçon :

Εἰ με γὰρ κνώσσων τοῦτο χωρία ταῦτα ματεύεις.

Le changement de TouTo en Tù Tà ne peut être l'objet d'aucun doute; mais il n'en est pas de même de εἰ με γὰρ change en εἰ δ ̓ ὕπαρ οὐ. M. Ameis s'en est donc tenu à la conjecture de Reiske :

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Nous ne pouvons que l'approuver; mais voyons le sens : «Nam si << sane (tantummodo) dormiens tu in istis regionibus investigas, (tum) spes << (est) talium somniorum. » Telle est la traduction qu'il donne de ce passage, et il ajoute dans la préface: «i. e. splendida hujus generis somnia « (τv üπvшv) piscium aureorum te fallunt. » Il fait donc dire au poëte : « Car, sans doute, si tu pêches seulement en songe, de pareils rêves peu«vent te faire illusion. » Mais il est impossible de tirer cette idée des mots ἐλπὶς (τούτων) τῶν ὕπνων, que tout lecteur grec ne pourra prendre dans un autre sens que «espoir de l'accomplissement de ces songes,» ou au moins « espoir que t'ont donné ces songes. » Il y a même plus : si, dans ce vers, le poëte avait voulu parler d'un songe, aurait-il pu dire τà xwpía Tauτa, c'est-à-dire leur assigner un lieu? Les rêves nous transportent en tout lieu; on dira simplement : « si tu ne pêches qu'en rêve, » et non, «si tu ne pêches ici qu'en rêve.» Voilà donc deux difficultés qui s'élèvent contre l'interprétation de M. Ameis, pour ne rien dire de la troisième, du mot tantummodo, qu'il ajoute sans que rien dans le grec puisse l'autoriser à y trouver ce mot si indispensable pour justifier son explication. Pour conserver el μèv yap, leçon non douteuse, et pour obtenir le sens excellent de la leçon très-hasardée des autres éditions, nous citerons ici une conjecture ingénieuse que M. Dubner a bien voulu nous communiquer et qui n'exige qu'un très-léger changement: ce savant propose ΚΛΩΣΤΩΙ au lieu de ΚΝΩΣΣΩΝ :

Εἰ μὲν γὰρ κλωστῷ τύ τὰ χωρία ταῦτα ματεύεις,

Tò xλwoldv, ce qui est filé, le filet. Eschyle, Euripide, Aristophane et même Plutarque emploient xλwolnp dans le sens de filet pourquoi nλwoldv n'aurait-il pas eu la même signification?

:

Cet examen rapide suffira, du moins nous le pensons, pour montrer au lecteur que le travail de M. Ameis présente des améliorations certaines à côté de certains changements contestables. Du reste, une

préface très-savante et remplie d'excellentes notices littéraires avertit le lecteur de chacun des changements que M. Ameis a cru devoir faire au texte de M. Meineke; le lecteur y trouvera toutes les pièces nécessaires pour juger en détail les procédés critiques du nouvel éditeur.

Dans son travail sur Bion et Moschus, on retrouve le même soin, les mêmes études, les mêmes recherches; on voit que M. Ameis, comme pour Théocrite, s'est entouré de tous les renseignements écrits ou imprimés qu'il a pu se procurer. Pour rendre son édition aussi parfaite que possible, il a compulsé plusieurs manuscrits de la bibliothèque nationale de Paris et de la bibliothèque impériale de Vienne qui n'avaient jamais été consultés. A part quelques morceaux conservés par Stobée, les poésies de Bion et de Moschus sont dans un état de corruption tout aussi déplorable que les idylles de Théocrite, et c'est au génie et à la sagacité des critiques qu'est due la plus grande partie des améliorations. Il nous serait facile d'en citer un bon nombre, mais ces citations ne feraient que confirmer le jugement que nous avons déjà porté sur le mérite et les qualités de ce travail savant et consciencieux.

Passons maintenant aux scholies de Théocrite qui se trouvent publiées dans un volume à part, circonstance qui en facilite singulièrement l'usage. Il est en effet bien plus commode d'avoir le poëte lui-même à côté du scholiaste, que de les trouver à la suite l'un de l'autre et dans le même volume, comme dans l'édition de M. Kiessling. M. Dubner, qui a déjà rendu tant et de si grands services à la collection grecque de M. Didot, s'est chargé de la rédaction et de la révision critique des scholies, assemblage composé d'éléments si divers, et il s'est acquitté de cette tâche avec le savoir et le soin consciencieux qu'il met dans tous ses travaux. Non-seulement l'édition qu'il vient de donner est plus complète que toutes les autres, mais elle est la seule complète, et on y trouve un commentaire critique très-détaillé où sont discutées toutes les questions que ces scholies peuvent soulever, soit pour la composition du recueil, soit pour les difficultés de détail.

Les poésies de Théocrite, chefs-d'œuvre dans leur genre, sont devenues de bonne heure l'objet des études des grammairiens d'Alexandrie; Théon, Asclepiade, Nicanor de Cos, Amarante, et plusieurs autres moins célèbres, ont écrit des commentaires sur ces idylles. Mais rien n'a survécu de ces travaux de critique et d'érudition; dans les scholies que nous possédons aujourd'hui, il n'y a qu'une cinquantaine de notes environ dont on puisse, avec quelque certitude, placer l'origine dans les anciennes écoles de grammairiens, qui alors avaient à leur disposition

les documents nécessaires pour arriver à une explication certaine et authentique du poëte.

Il existe un très-grand nombre de manuscrits de Théocrite avec des scholies; la Bibliothèque nationale de Paris, à elle seule, en possède quinze; mais on n'en connaît pas un seul qui contienne exclusivement des scholies anciennes : tous offrent des traces de la manière et de la rédaction byzantines. Zacharias Calliergi1 est le premier qui ait réuni les notes marginales d'un grand nombre de manuscrits, et il en a formé un corps de scholies, publié à Rome en 1516. Cette collection a été souvent réimprimée; Casaubon y ajouta des scholies nouvelles, tirées. d'un manuscrit de Genève. Dans les premières années du siècle dernier, Saint-Amand se préparait à donner une édition complète du poëte et des scholies, en s'appuyant sur tous les manuscrits dont il pouvait avoir communication. Il collationna les principaux manuscrits de Paris, de Rome et de Florence; mais il ne put achever son travail, et ses papiers furent déposés dans la bibliothèque Bodléienne. A l'aide de ces papiers, Warton publia une édition des scholies, fort enrichie. Plus tard, M. Gaisford s'aperçut que Warton n'avait pas tiré de ces nouveaux matériaux tout le parti qu'on pouvait en tirer; il avait, de plus, à sa disposition de nombreuses variantes recueillies par Dorville et par Bast, et de précieuses notes d'Hemsterhuys. Il donna donc une nouvelle édition des scholies, préférable, de tout point, à celle de Warton. A la même époque, Gail, en France, fit copier toutes les scholies et toutes les gloses contenues dans les nombreux manuscrits de Paris, et il les publia en deux volumes, telles qu'il les trouvait, sans aucune espèce de choix, et sans exclure ce qui était entièrement inutile. Bien que dépourvue de critique, son édition ne laisse pas que de fournir un grand nombre de ponnes leçons et de scholies nouvelles. En 1843, M. Adert fit paraître les scholies inédites du manuscrit de Genève, déjà signalé par Casaubon. Par suite des deux publications de Gail et de M. Adert, l'édition de M. Gaisford, malgré sa valeur intrinsèque, n'était plus, comme auparavant, l'édition la plus complète. M. Dubner, ayant à classer les nouvelles scholies dans le recueil de M. Gaisford, a jugé à propos de recourir aux sourees mêmes toutes les fois qu'il le pouvait. Il a repris l'un après l'autre les manuscrits de Paris, et il a cherché, au moyen des indications éparses çà et là, à déterminer la valeur de ceux de SaintAmand.

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Σχόλια (dit-il), ἅτινα ἐν πολλοῖς διεσπαρμένα εὑρόντες ἀντιγράφοις, πόνῳ πολλῷ εἰς ἐν συνηγάγομεν.

Nous n'hésitons pas à dire que, par ses éclaircissements généraux sur les différentes sources de cette collection de scholies, et par la critique de détail, M. Dubner a, le premier, fixé le degré d'autorité que l'on peut attribuer à chacune de ces notes, de natures si diverses. Il a rectifié bien des erreurs provenant de scholies mal lues ou mal comprises, témoin la scholie 64 de l'idylle d'après laquelle on s'était cru autorisé à attribuer Η Aristote une διατριβὴ περὶ Ερμιόνης ἱερῶν, titre singulier, qui n'est autre chose, comme le fait voir M. Dubner, que le mot isrepov mal lu. Dans cet amas de notes écrites par les professeurs du Bas-Empire, afin de trouver plus facilement les passages épars des anciens grammairiens et les scholies empreintes de l'érudition antique, le savant éditeur a employé des astérisques, méthode que l'on devrait suivre dans tous les commentaires grecs qui ont passé par les mains des annotateurs byzantins, et qui se sont grossis, outre mesure, de leurs phrases verbeuses et de leurs interprétations souvent erronées.

E. MILLER.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT NATIONAL DE FRANCE.

ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS.

Dans sa séance du 13 avril, l'Académie des beaux-arts a élu M. Blouet à la place vacante, dans la section d'architecture, par la mort de M. Debret.

LIVRES NOUVEAUX.

FRANCE.

Littérature, voyages et poésies, par J. J. Ampère, de l'Académie française et de l'Académie des inscriptions. Paris, imprimerie de Crapelet, librairie de Didier, 1850, 2 volumes in-18 de 504 et 336 pages. Le premier de ces deux volumes est consacré aux morceaux de littérature et de voyages dont voici l'énumération : 1o Esquisses du Nord, comprenant le voyage de Berlin à Copenhague, la Norwége, la Suede, les Lapons, Stockholm et Upsal; 2° Littérature danoise; OElenschlager, Holberg; 3° Littérature allemande : Gathe, Tieck, Hoffman, Chamisso; 4° lit

tératures slaves, Bohème histoire et poésies nationales; 5° Discours sur l'ancienne littérature scandinave; 6° Quelques principes pour l'histoire comparée des langues: 7° Spécimens de l'Edda et des Sagas; 8° Sigurd, tradition épique des peuples germaniques; 9° Saga d'Egill, Kristni Saga; 10° Considérations sur la mythologie scandinave; 11° Des Scaldes; 12° Chants populaires danois; 13° Quelques pensées de Kellgren; 14° L'origine de la poésie suivant Baggesen. Dans le second volume sont réunies les poésies, pour la plupart inédites, de M. Ampère. Nous rendrons compte prochainement de cette publication.

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Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d'Arc dite la Pucelle, publiés pous la première fois d'après les manuscrits de la Bibliothèque nationale, suivis de tous les documents historiques que l'on a pu réunir, et accompagnés de notes et d'éclaircissements, par Jules Quicherat. Tome V; Paris, imprimerie de Crapelet, librairie de Renouard, 1849 (1850), in-8° de 11-575 pages. Ce volume, qui termine une des publications les plus intéressantes qu'ait entreprises la Société de l'histoire de France, renferme le complément des témoignages contemporains sur Jeanne d'Arc, compléments fournis tant par les poëtes du xv siècle, que par les chroniqueurs et par les pièces détachées existant dans les recueils imprimés ou dans les dépôts d'archives. Ces pièces sont distribuées sous plusieurs chefs selon leur espèce ou leur objet; elles sont suivies d'un supplément contenant ce qui avait échappé à l'éditeur lors de ses premières recherches. Pour faciliter les études qui se rattachent au sujet de l'ouvrage, M. Quicherat a compris dans son recueil de pièces celles qui constatent les honneurs publics rendus à la mémoire de la Pucelle, il a aussi réuni, dans une section à part, de nouveaux renseignements sur une aventurière qui parvint à se faire passer pour Jeanne d'Arc plusieurs années après la mort de celle-ci. On trouve en tête de chaque pièce ou fragment les indications nécessaires pour en faire connaître l'origine et la valeur. L'éditeur donne, à la suite des pièces et du supplément, des notices littéraires très-amples et très-instructives sur les deux procès de condamnation et de réhabilitation et sur leurs annexes. Une table analytique des matières termine l'ouvrage.

Mémoire sur les tablettes de cire conservées au Trésor des Chartes, par M. Natalis de Wailly. Paris, Imprimerie nationale, in-4° de 27 pages (extrait du tome XVIII, 2 partic, des Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres). Les tablettes de cire, conservées au Trésor des Charles, avaient été signalées depuis longtemps aux érudits par l'abbé Lebeuf et par les auteurs du Nouveau Traité de Diplomatique; mais le premier ne donne qu'une idée très-vague de ce curieux monument dont il déclare n'avoir pu rien tirer. On entrevoit seulement, ajoute-t-il, que ces tablettes sont du temps de Philippe le Hardi ou de Philippe le Bel. Les bénédictins ne les ont pas non plus examinées suffisamment; ils pensent, comme Lebeuf, qu'on ne saurait les faire remonter au delà du règne de Philippe le Bel. Le Mémoire de M. de Wailly démontre qu'elles se rapportent au temps de saint Louis. Mais, avant d'exposer les preuves de ce fait, l'auteur donne une description matérielle des tablettes du Trésor des Chartes: elles se composent de quatorze feuilles en bois de platane, enduites de cire sur le recto et le verso, excepté la première et la dernière. Ces feuilles, arrondies par le haut, ont 20 centimètres et demi de largeur sur 47 centimètres et demi de hauteur, y compris la partie cintrée. L'espace réservé à la cire est entouré d'une marge; il a été légèrement creusé, et avec tant de précision, que la couche de cire, qui n'est guère que de 1 millimètre, se trouve parfaitement de niveau avec la marge qui l'entoure. M. de Wailly explique ensuite le procédé à l'aide duquel on avait réuni ces quatorze feuilles de bois, de

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