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Jésus-Christ devait établir y est marqué si expressément par ses propres caractères, qu'il n'y a pas moyen de le méconnaître. C'est l'empire des saints du Très-Haut, c'est l'empire du Fils de l'homme, empire qui doit subsister au milieu de la ruine de tous les autres, et auquel seal l'éternité est promise.

Les jugements de Dieu sur le plus grand de tous les empires de ce monde, c'est-à-dire sur l'empire romain, ne nous ont pas été cachés vous le venez d'apprendre de la bouche de saint Jean. Rome senti elle-même la main de Dieu, et a été comme les autres un exemple de sa justice. . . .

Ainsi tous les grands empires que nous avons vus sur la terré ont concouru par divers moyens au bien de la religion et à la gloire de Dieu, comme Dieu même l'a déclaré par ses prophètes.

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Dieu ne déclare pas tous les jours ses volontés par ses prophètes touchant les rois et les monarchies qu'il élève ou qu'il détruit; mais l'ayant fait tant de fois dans ces grands empires dont nous venons de parler, il nous montre par ces exemples fameux ce qu'il fait dans tous les autres, et il apprend aux rois ces deux vérités fondamentales premièrement, que c'est lui qui forme les royaumes pour les donner à qui il lui plaît; et secondement, qu'il sait les faire servir, dans les temps et dans l'ordre qu'il a résolus, aux desseins qu'il a sur son peuple.

Mais cette suite des empires, même à la considérer plus humainement, a de grandes utilités, principalement pour les princes, puisque l'arrogance, compagne ordinaire d'une condition si éminente, est si fortement rabattue par ce spectacle : car si les hommes apprennent à se modérer en voyant mourir les rois, combien plus seront-ils frappés en voyant mourir les royaumes mêmes! et où peut-on recevoir une plus belle leçon de la vanité des grandeurs humaines !

Ainsi quand vous voyez passer comme en un instant devant vos yeux, je ne dis pas les rois et les empereurs, mais ces grands empires qui ont fait trembler tout l'univers; quand vous voyez les Assyriens anciens et nouveaux, les Mèdes, les Perses, les Grecs, les Romains, se présenter devant vous successivement, et tomber, pour ainsi dire, les uns sur les autres; ce fracas épouvantable vous fait sentir qu'il n'y a rien de solide parmi les hommes, et que l'inconstance et l'agitation est le propre partage des choses humaines.

Mais, monseigneur, ce qui vous rendra ce spectacle plus utile et plus agréable, ce sera la réflexion que vous ferez non seulement sur l'élévation et sur la chute des empires, mais encore sur les causes de leurs progrès et celles de leur décadence.

Car ce même Dieu qui a fait l'enchaînement de l'univers, et qui, tout puissant par lui-même, a voulu, pour établir l'ordre, que les parties d'un si grand tout dépendissent les unes des autres, ce même Dieu a voulu aussi que le cours des choses humaines eût sa suite et ses proportions: je veux dire que les hommes et les nations ont eu des qualités proportionnées à l'élévation à laquelle ils étaient destinés, et qu'à la réserve de certains coups extraordinaires où Dieu voulait que sa main parût toute seule, il n'est point arrivé de grand changement qui n'ait eu ses causes dans les siècles précédents.

Et comme dans toutes les affaires il y a ce qui les prépare, ce qui détermine à les entreprendre, et ce qui les fait réussir, la vraie science de l'histoire est de remarquer dans chaque temps ces secrètes dispositions qui ont préparé les grands changements, et les conjonctures importantes qui les ont fait arriver.

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En effet, il ne suffit pas de regarder seulement devant ses yeux, c'est-à-dire de considérer ces grands événements qui décident tout coup de la fortune des empires: qui veut entendre à fond les choses humaines doit les reprendre de plus haut, et il lui faut obşerver les inclinations et les mœurs, ou, pour dire tout en un mot, le caractère, tant des peuples dominants en général, que des princes en particulier, et enfin de tous les hommes extraordinaires qui, par l'importance du personnage qu'ils ont eu à faire dans le monde, ont contribué en bien ou en mal au changement des états et à la fortune publique.

J'ai tâché, monseigneur, de vous préparer à ces importantes réflexions dans la première partie de ce discours : vous y aurez pu observer le génie des peuples, et celui des grands hommes qui les ont conduits. Les événements qui ont porté coup dans la suite ont été montrés, et afin de vous tenir attentif à l'enchaînement des grandes affaires du monde, que je voulais principalement vous faire entendre, j'ai omis beaucoup de faits particuliers, dont les suites n'ont pas été si considérables. Mais parce qu'en nous attachant à la suite nous avons passé trop vite sur beaucoup de choses pour pouvoir faire les réflexions qu'elles méritaient, vous devez maintenant vous y attacher avec une attention plus particulière, et

accoutumer votre esprit à chercher les effets dans leurs causes les plus éloignées.

Par là, monseigneur, vous apprendrez ce qu'il est si nécessaire que vous sachiez, qu'encore qu'à ne regarder que les rencontres particulières, la fortune semble seule décider de l'établissement et de la ruine des empires, à tout prendre il en arrive à peu près comme dans le jeu, où le plus habile l'emporte à la longue.

En effet, dans ce jeu sanglant où les peuples ont disputé de l'empire ou de la puissance, qui a prévu de plus loin, qui s'est le plus appliqué, qui a duré le plus longtemps dans les grands travaux, et enfin qui a su le mieux ou pousser ou se ménager suivant la rencontre, à la fin a eu l'avantage, et a fait servir la fortune même à ses desseins.

Ainsi ne vous lassez point d'examiner les causes des grands changements, puisque rien ne servira jamais tant à votre instruction; mais recherchez-les surtout dans la suite des empires, où la grandeur des événements les rend plus palpables.

BOSSUET.

DAVID ROI ET PROPHÈTE.

Le peuple de Dieu prend une forme plus auguste : la royauté est affermie dans la maison de David. Cette maison commence par deux rois de caractère différent, mais admirables tous deux : David, belliqueux et conquérant, subjugue les ennemis du peuple de Dieu, dont il fait craindre les armes par tout l'Orient; et Salomon, nommé par sa sagesse au dedans et au dehors, rend ce peuple heureux par une paix profonde.

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Mais la suite de la religion nous demande ici quelques remarques particulières sur la vie de ces deux grands rois.

David régna d'abord sur Juda, puissant et victorieux, et ensuite il fut reconnu par tout Israël. Il prit sur les Jébusiens la forteresse de Sion, qui était la citadelle de Jérusalem. Maître de cette ville, il y établit par ordre de Dieu le siége de la royauté et celui de la religion. Sion fut sa demeure; il bâtit autour, et la nomma la cité

1) C'est-à-dire l'histoire de la religion, l'enchaînement des faits qui ont amené l'accomplissement des desseins de Dieu sur son église.

de David. Joab, fils de sa sœur, bâtit le reste de la ville, et Jérusalem prit une nouvelle forme. Ceux de Juda occupèrent tout le pays; et Benjamin, petit en nombre, y demeura mêlé avec eux.

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L'arche d'alliance bâtie par Moïse, où Dieu reposait sur les chérubins, et où les deux tables du décalogue étaient gardées, n'avait point de place fixe. David la mena en triomphe dans Sion, qu'il avait conquise par le tout-puissant secours de Dieu, afin que Dieu régnât dans Sion, et qu'il y fût reconnu comme le protecteur de David, de Jérusalem et de tout le royaume. Mais le tabernacle où le peuple avait servi Dieu dans le désert était encore à Gabaon, et c'était là que s'offraient les sacrifices sur l'autel que Moïse avait élevé3. Ce n'était qu'en attendant qu'il y eût un temple où l'autel fût réuni avec l'arche, et où se fit tout le service.

Quand David eut défait tous ses ennemis, et qu'il eut poussé les conquêtes du peuple de Dieu jusqu'à l'Euphrate, paisible et victorieux, il tourna toutes ses pensées à l'établissement du culte divin; et sur la même montagne où Abraham, prêt à immoler son fils unique, fut retenu par la main d'un ange, il désigna par ordre de Dieu le lieu du temple. Il en fit tous les dessins; il en amassa les riches et précieux matériaux ; il y destina les dépouilles des peuples et des rois vaincus.

Mais ce temple, qui devait être disposé par le conquérant, devait être construit par le pacifique. Salomon le bâtit sur le modèle du tabernacle. L'autel des holocaustes, l'autel des parfums, le chandelier d'or, les tables des pains de proposition, tout le reste des meubles sacrés du temple, fut pris sur des pièces semblables que Moïse avait fait faire dans le désert": Salomon n'y ajouta que la magnificence et la grandeur. L'arche que l'homme de Dieu avait construite fut posée dans le saint des saints, lieu inaccessible, symbole de l'impénétrable majesté de Dieu, et du ciel interdit aux hommes jusqu'à ce que Jésus-Christ leur en eût ouvert l'entrée par son sang. Au jour de la dédicace du temple, Dieu y parut dans sa majesté. Il choisit ce lieu pour y établir son nom et son culte. Il y eut défense de sacrifier ailleurs : l'unité de Dieu fut démontrée par l'unité de son temple. Jérusalem devint une cité sainte, image de l'Eglise, où Dieu devait habiter comme dans son véritable temple, et du ciel, où il nous rendra éternellement heureux par la manifestation de sa gloire.

1) 2 Sam. V, 6, 7, 8, 9. 2) 2 Sam. VI, 12.3) 1 Chr. XVI, 39; XXI, 29. VII, VIII,

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Après que Salomon eut bâti le temple, il bâtit encore le palais des rois, dont l'architecture était digne d'un si grand prince 1. Sa maison de plaisance, qu'on appela le bois du Liban, était également superbe et délicieuse. Le palais qu'il éleva pour la reine fut une nouvelle décoration à Jérusalem. Tout était grand dans ces édifices: les salles, les vestibules, les galeries, les promenoirs, le trône du roi, et le tribunal où il rendait la justice. Le cèdre fut le seul bois qu'il employa dans ces ouvrages; tout y reluisait d'or et de pierreries. Les citoyens et les étrangers admiraient la majesté des rois d'Israël. Le reste répondait à cette magnificence: les villes, les arsenaux, les chevaux, les chariots, la garde du prince. Le commerce, fa navigation et le bon ordre, avec une paix profonde, avaient rendu Jérusalem la plus riche ville de l'Orient 2. Le royaume était tranquille et abondant. Tout y représentait la gloire céleste dans les combats de David, on voyait les travaux par lesquels il la fallait mériter, et on voyait dans le règne de Salomon combien la jouissancé en était paisible.

Au reste, l'élévation de ces deux grands rois et de la famille royale fut l'effet d'une élection particulière. David célèbre lui-même la merveille de cette élection par ces paroles : « Dieu a choisi les princes » dans la tribu de Juda; dans la maison de Juda, il a choisi la >> maison de mon père; parmi les enfants de mon père, il lui a plu » de m'élire roi sur tout son peuple d'Israël; et parmi mes enfants » (car le Seigneur m'en a donné plusieurs) il a choisi Salomon pour >> être assis sur le trône du Seigneur et régner sur Israël 3. »

Cette élection divine avait un objet plus haut que celui qui paraît d'abord. Ce Messie, tant de fois promis comme le fils d'Abraham, devait aussi être le fils de David et de tous les rois de Juda. Ce fut en vue du Messie et de son règne éternel que Dieu promit à David que son trône subsisterait éternellement. Salomon, choisi pour lui succéder, était destiné à représenter la personne du Messie; c'est pourquoi Dieu dit de lui : « Je serai son père, et il sera mon fils chose qu'il n'a jamais dite avec cette force d'aucun roi ni d'aucun homme.

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Aussi, du temps de David et sous les rois ses enfants, le mystère du Messie se déclare-t-il plus que jamais par des prophéties magnifiques et plus claires que le soleil.

David l'a vu de loin, et l'a chanté dans ses psaumes avec une

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