Page images
PDF
EPUB
[blocks in formation]

M. D'ORVILLE. Parbleu, cette médecine-là m'a bien fatigué. Je meurs de faim. Et mon poulet, La Brie? LA BRIE. Monsieur, vous allez l'avoir tout-à-l'heure. M. D'ORVILLE. Pourquoi Comtois n'y est-il pas allé ? COMTOIS. Monsieur, il fallait bien être auprès de vous pour vous habiller. Nous allons mettre le couvert.

M. D'ORVILLE. Ils n'en finiront pas! Est-ce qu'il ne peut pas faire tout cela seul? Allons, va-t'en.

COMTOIS. J'y vais, j'y vais.

M. D'ORVILLE. Je tombe d'inanition. Donne-moi un fauteuil. (Il s'assied.) Allons, finis donc.

LA BRIE. Je vais mettre la table devant vous. (Il l'ap proche). Je m'en vais chercher du pain.

M. D'ORVILLE. Je crois qu'ils me feront mourir d'impatience.

LA BRIE. Déployez toujours votre serviette, pour ne pas perdre de temps.

Je n'en puis plus.

(Il s'endort, et ronfle.)

SCÈNE II.

M. D'ORVILLE (seul).

Je m'endors de fatigue et de faiblesse.

SCÈNE III.

M. D'ORVILLE, LA BRIE, COMTOIS (portant le poulet).

LA BRIE. Apporte du pain.

COMTOIS. Il y en a là. J'apporte le poulet. Quoi! il dort déjà ?

LA BRIE. Je ne fais pourtant que de le quitter.

COMTOIS. Mais son poulet va refroidir. Réveille-le. LA BRIE. Moi je ne m'y joue pas; il crierait comme un aigle.

COMTOIS. Comment ferons-nous ?

LA BRIE. Je n'en sais rien; cela nous fera dîner à je ne sais quelle heure, et je meurs de faim.

COMTOIS. Et moi aussi; ma foi, je m'en vais l'éveiller. LA BRIE. Tu n'en viendras jamais à bout.

COMTOIS (criant). Monsieur?

LA BRIE. Oui, oui. Vois comme il remue; il n'er ronfle que plus fort.

COMTOIS. Quel diable d'homme! Coupe le poulet: en cas qu'il se réveille, ce sera toujours autant de fait.

LA BRIE. Qui; et il sera plus froid; je ne m'y joue pas. COMTOIS. Eh bien, je m'en vais le couper, moi. (Il coupe une cuisse.) Tiens, vois comme cela sent bon.

LA BRIE. Je n'ai pas besoin de sentir pour avoir encore plus de faim.

COMTOIS. Ma foi, j'ai envie de manger cette cuisse-là. M. Frémont lui a ordonné de ne manger qu'une aile; il n'y prendra peut-être pas garde. (Il mange la cuisse.) Ma foi, elle est bonne. Je m'en vais boire un coup. Donnemoi un verre. (Il se verse à boire, et boit.)

LA BRIE. Et s'il se réveille?

COMTOIS. Eh bien, il me chassera, et je m'en irai.

LA BRIE. Ah! tu le prends sur ce ton-là! Oh! j'en ferai bien autant que toi. Allons, allons, donne-moi l'autre cuisse. COMTOIS. Je le veux bien : nous serons deux contre lui; il ne saura lequel renvoyer. Tiens. (Il lui donne l'autre cuisse.)

LA BRIE. Donne-moi donc du pain.

COMTOIS. Tiens, en voilà.

LA BRIE. Ma foi, tu as raison, ce poulet est excellent. Mais je veux boire aussi.

COMTOIS. Eh bien, bois. Je songe à une chose: comme il ne doit manger qu'une aile, il ne m'en coûtera pas davantage de manger l'autre. Je m'en vais en mettre une

sur son assiette. (Il mange.) LA BRIE. C'est bien dit.

Donne-moi le corps.

COMTOIS. Ah! le corps! ner le croupion. (Ils mangent tous les deux.) LA BRIE. Cela ne vaut pas l'aile.

c'est trop ; je m'en vais te don

COMTOIS. Mange, mange toujours.

LA BRIE. Buvons aussi.

COMTOIS. Allons, à ta santé.

LA BRIE. A la tienne. (Ils boivent.)

COMTOIS. Ce vin-là est bon. Quoi! tu manges le haut du corps?

LA BRIE. Ma foi, oui.

COMTOIS. Oh! je m'en vais manger son aile.

LA BRIE. Attends donc.

COMTOIS. Je suis ton serviteur: je veux en avoir autant que toi.

LA BRIE. Tu es bien gourmand.

COMTOIS. Tu ne l'es pas, toi? Ah çà, buvons, buvons. LA BRIE. Prends ton verre. (Ils boivent.)

COMTOIS. A présent, que ferons-nous quand il s'éveillera ? LA BRIE. Je n'en sais rien. Buvons pour nous aviser. COMTOIS. Il ne reste plus rien dans la bouteille.

LA BRIE. Non? Et que dira dame Jeanne quand elle verra la bouteille vide?

COMTOIS. Et les restes du poulet?

LA BRIE. Ma foi, elle dira ce qu'elle voudra. Attends, le voilà qui remue.

COMTOIS. Comment ferons-nous? que dirons-nous ?

LA BRIE. Tiens, mets tous les os sur son assiette, et dis comme moi.

COMTOIS. Oui, oui; ne t'embarrasse pas.

LA BRIE. Paix donc !

M. D'ORVILLE (ce frottant les yeux). Eh bien, qu'est-ce que vous faites là, vous autres ?

« PreviousContinue »