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l'église autrement que pour l'insulter, ne l'eût point laissé sans réponse, s'il eût été possible d'y répondre. On ne répondra pas davantage au troisième, qui vient de paroître et qui traite spécialement du pape dans ses rapports avec l'Eglise gallicane. Il ne convaincra pas sans doute des esprits passionnés et vieillis dans les habitudes d'une doctrine absurde et dangereuse; mais les passions les plus irascibles seront elles-mêmes réduites au silence.

Nous ne dirons point que les SOIRÉES DE SAINT-PÉTERSBOURG, que nous publions aujourd'hui, dernière production de cet homme illustre, soient un ouvrage supérieur au livre du PAPE. Tous les deux sont l'œuvre du génie; tous les deux nous semblent également beaux: cependant quelque admiré qu'ait été celui-ci, nous ne doutons point que les SOIRÉES ne trouvent encore un plus

grand nombre d'admirateurs. Dans le livre du PAPE, M. de Maistre ne développe qu'une seule vérité : c'est à mettre cette vérité unique dans tout son jour qu'il consacre toutes les ressources de son talent, qu'il prodigue tous les trésors de son savoir; ici le champ est plus vaste ou pour mieux dire sans limites : c'est l'homme qu'il considère dans tous ses rapports avec Dieu; c'est le libre arbitre et la puissance divine qu'il entreprend de concilier; c'est la grande énigme du bien et du mal qu'il veut expliquer; ce sont d'innombrables vérités, ou plutôt ce sont toutes les grandes et utiles vérités dont il s'empare comme de son propre bien, pour les défendre en possesseur légitime contre l'orgueil et l'impiété qui les ont toutes attaquées. Au milieu d'une route semée de tant d'écueils, il marche d'un pas assuré, le flambeau des traditions à la main; et sa raison en reçoit

des lumières qu'elle fait rejaillir sur tous les objets dont elle sonde les profondeurs. Jamais la philosophie abjecte du dix-huitième siècle ne rencontra d'adversaire plus redoutable : ni la science, ni le génie, ni les renommées ne lui imposent : il avance sans cesse, abattant devant lui tous ces colosses aux pieds d'argile; il a des armes de toute espèce pour les combattre : c'est le cri de l'indignation; c'est le rire amer du mépris; c'est le trait acéré du sarc'est une dialectique qui atterre; ce sont des traits d'éloquence qui foudroient. Jamais on ne pénétra avec plus de sagacité dans les replis les plus tortueux d'un sophisme pour le mettre au grand jour et le montrer tel qu'il est, absurde ou ridicule; jamais une érudition plus étendue et plus variée ne fut employée avec plus d'art et de jugement, pour fortifier le raisonnement de toute la puissance du témoignage. Puis ensuite

casme;

quand il pénètre jusqu'au fond du cœur de l'homme, quand il visite, pour ainsi parler, les parties les plus secrètes de son intelligence, soit qu'il en explique la force, soit qu'il en dévoile la foiblesse, quelle foule d'aperçus ingénieux, de traits inattendus, de vérités profondes et nouvelles! Que de sentimens tendres, délicats et généreux ! quelle foi pieuse et inébranlable! quel esprit que celui qui a pụ concevoir des pensées si grandes, si étonnantes sur la GUERRE! quel cœur que celui d'où semblent s'écouler comme d'une source pure et vivifiante des paroles si animées et si touchantes sur la PRIÈRE!

Dans tous les ouvrages qu'il avoit publiés jusqu'à celui-ci, la manière d'écrire de M. de Maistre a été jugée claire, nerveuse, animée, abondante en expressions brillantes et en tournures originales: ce sont là ses principaux caractères. Dans les SOIRÉES, où des sujets variés et innom

brables semblent en quelque sorte se presser sous sa plume, l'illustre auteur s'abandonne davantage et prend tous les tons. A la force et à l'éclat il sait unir au besoin, la grâce et la douceur; il sait étendre ou resserrer son style avec autant de charme que de flexibilité, et ce style est toujours animé de toute la vie de cette âme où il y avoit comme une surabondance de vie. Ce n'est point un style académique, à Dieu ne plaise! c'est celui des grands écrivains, qui ne prennent des écrivains classiques que ce qu'il en faut prendre, et qui reçoivent le reste de leurs propres inspirations. Nous ne dirons donc point de M. de Maistre, qu'il est le dernier héritier des écrivains du siècle de Louis XIV; qu'il emporte avec lui les traditions de ce beau siècle (1), parce que nous voulons,

(1) Tel est l'éloge que les journaux ont fait ou répété, les uns après les autres, d'un membre de l'académie

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