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pour leur religion. C'était dicter des lois, mais des lois bien refpectables.

Enfin la reine Anne facrifiant à fa patrie les droits de fon fang et les fecrètes inclinations de fon cœur, fefait affurer et garantir fa fucceffion à la maifon d'Hanovre.

Quant aux électeurs de Bavière et de Cologne, le duc de Bavière devait retenir le duché de Luxembourg et le comté de Namur jusqu'à ce que fon frère et lui fuffent rétablis dans leurs électorats; car l'Espagne avait cédé ces deux fouverainetés au bavarois en dédommagement de fes pertes, et les alliés n'avaient pris ni Namur ni Luxembourg.

Pour la France, qui démoliffait Dunkerque et qui abandonnait tant de places en Flandre, autrefois conquifes par fes armes, et affurées par les traités de Nimègue et de Ryfvick, on lui rendait Lille, Aire, Béthune et Saint-Venant.

Ainfi il paraiffait que le miniftère anglais rendait juftice à toutes les puiffances. Mais les Wighs ne la lui rendirent pas ; et la moitié de la nation perfécuta bientôt la mémoire de la reine Anne, pour avoir fait le plus grand bien qu'un fouverain puiffe jamais faire, pour avoir donné le repos à tant de nations. On lui reprocha d'avoir pu démembrer la France, et de ne l'avoir pas fait. (y)

(y) La reine Anne envoya, au mois d'augufte, fon fecrétaire d'Etat, le vicomte de Bolingbroke, confommer la negociation. Le marquis de Torci fait un trèsgrand eloge de ce miniftre, et dit que Louis XIV lui fit l'accueil qu'il lui devait. En effet, il fut reçu à la cour comme un homme qui venait donner la paix ; et lorfqu'il vint à l'opéra, tout le monde fe leva pour lui faire honneur : c'eft donc une grande calomnie dans les mémoires de Maintenon

Tous ces traités furent fignés, l'un après l'autre, dans le cours de l'année 17 13. Soit opiniâtreté du prince Eugène, foit mauvaise politique du confeil de l'empereur, ce monarque n'entra dans aucune de ces négociations. Il aurait eu certainement Landau et peut-être Strasbourg, s'il s'était prêté d'abord aux vues de la reine Anne. Il s'obftina à la guerre, et il n'eut rien. Le maréchal de Villars, ayant mis 20 augufte. ce qui reftait de la Flandre française en fureté, alla vers le Rhin; et après s'être rendu maître de Spire, 20 septemb. de Vorms, de tous les pays d'alentour, il prend

1713.

ce même Landau que l'empereur eût pu conferver par la paix ; il force les lignes que le prince Eugène avait fait tirer dans le Brifgau; défait dans ces lignes 30 octobre. le maréchal l'aubonne; affiége et prend Fribourg, la capitale de l'Autriche antérieure.

maréchal

Le confeil de Vienne preffait de tous côtés les fecours qu'avaient promis les cercles de l'Empire, et ces fecours ne venaient point. Il comprit alors que l'empereur, fans l'Angleterre et la Hollande, ne pouvait prévaloir contre la France, et il fe réfolut trop tard à la paix.

Le prince Le maréchal de Villars, après avoir ainfi terminé Engine et le la guerre, eut encore la gloire de conclure cette paix de Villars fi- à Raftadt avec le prince Eugène. C'était peut-être gnent lapaix. la première fois qu'on avait vu deux généraux oppofés, au fortir d'une campagne, traiter au nom de leurs maîtres. Ils y portèrent tous deux la franchife de leur caractère. J'ai ouï conter au maréchal

de dire, page 115 du tome V: Le mépris que Louis XIV témoigna pour milord Bolingbroke, ne prouve point qu'il l'ait eu au nombre de fes penfionnaires. Il est plaifant de voir un tel homme parler ainfi des plus grands hommes.

de Villars, qu'un des premiers difcours qu'il tint au prince Eugène, fut celui-ci : Monfieur, nous ne fommes point ennemis; vos ennemis font à Vienne, et les miens à Verfailles. En effet, l'un et l'autre eurent toujours dans leurs cours des cabales à combattre.

Il ne fut point queftion dans ce traité des droits. que l'empereur réclamait toujours fur la monarchie d'Espagne, ni du vain titre de roi catholique que Charles VI prit toujours, tandis que le royaume reftait assuré à Philippe V. Louis XIV garda Strasbourg et Landau qu'il avait offert de céder auparavant, Huningue et le nouveau Brisach qu'il avait propose lui-même de rafer, la fouveraineté de l'Alface à laquelle il avait offert de renoncer. Mais ce qu'il y eut de plus honorable, il fit rétablir dans leurs Etats et dans leurs rangs les électeurs de Bavière et de Cologne.

La France

affure les

droits des

C'est une chose très-remarquable que la France, dans tous les traités avec les empereurs, a toujours protégé les droits des princes et des Etats de l'Empire. princes d'Allemagne. Elle pofa les fondemens de la liberté germanique à Munfter, et fit ériger un huitième électorat pour cette même maifon de Bavière. Le traité de Nimègue confirma celui de Veftphalie. Elle fit rendre, par le traité de Ryfvick, tous les biens du cardinal de Furftemberg. Enfin, par la paix d'Utrecht, elle rétablit deux électeurs. Il faut avouer que dans toute la négociation qui termina cette longue querelle, la France reçut la loi de l'Angleterre, et la fit à l'Empire.

Les mémoires hiftoriques du temps, fur lefquels on a formé les compilations de tant d'hiftoires de Louis XIV, difent que le prince Eugène, en finiffant

les conférences, pria le duc de Villars d'embraffer pour lui les genoux de Louis XIV, et de préfenter à ce monarque les affurances du plus profond refpect Terme de d'un fujet envers fon fouverain. Premièrement, il n'est Jujet employé mala propos. Pas vrai qu'un prince, petit-fils d'un fouverain, demeure le fujet d'un autre prince pour être né dans fes Etats. Secondement, il eft encore moins vrai que le prince Eugène, vicaire-général de l'Empire, pût fe dire sujet du roi de France.

Cependant chaque Etat fe mit en poffeffion de fes nouveaux droits. Le duc de Savoie fe fit reconnaître en Sicile, fans confulter l'empereur, qui s'en plaignit en vain. Louis XIV fit recevoir ses troupes dans Lille. Les Hollandais fe faifirent des villes de leur barrière; et la Flandre leur a payé toujours douze cents cinquante mille florins par an, pour être maîtres chez elle. (8) Louis XIV fit combler le port de Dunkerque, rafer la citadelle, et démolir toutes les fortifications du côté de la mer, fous les yeux d'un commiffaire anglais. Les Dunkerquois, qui voyaient par-là tout leur commerce périr, députèrent à Londres pour implorer la clémence de la reine Anne. Il était trifte pour Louis XIV que fes fujets allaffent demander grâce à une reine d'Angleterre ; mais il fut encore plus trifte pour eux que la reine Anne fût obligée de les refufer.

Le roi, quelque temps après, fit élargir le canal de Mardick; et, au moyen des éclufes, on fit un port qu'on difait déjà égaler celui de Dunkerque.

(8) L'empereur Jofeph II vient de s'affranchir de ce ridicule tribut, et de faire démolir les fortifications de prefque toutes les places de la

barrière.

ridicule autri

buce mal à

Le comte de Stair, ambaffadeur d'Angleterre, s'en plaignit vivement à ce monarque. Il eft dit, dans un des meilleurs livres que nous ayons, (*) que Louis XIV répondit au lord Stair: Monfieur l'ambaf- Réponse Jadeur, j'ai toujours été le maître chez moi, quelquefois chez les autres; ne m'en faites pas fouvenir. Je fais de propos à fcience certaine, que jamais Louis XIV ne fit une réponse fi peu convenable. Il n'avait jamais été le maître chez les Anglais il s'en fallait beaucoup. Il l'était chez lui; mais il s'agiffait de favoir s'il était le maître d'éluder un traité auquel il devait fon repos, et peut-être une grande partie de fon royaume. (z)

La clause du traité, qui portait la démolition du port de Dunkerque et de fes éclufes, ne ftipulait pas qu'on ne ferait point de port à Mardick : on a ofé imprimer que le lord Bolingbroke, qui rédigea le traité, fit cette omiffion, gagné par un préfent d'un million. On trouve cette lâche calomnie dans l'hiftoire de Louis XIV, fous le nom de la Martinière; et ce n'eft pas la feule qui déshonore cet ouvrage. Louis XIV paraiffait être en droit de profiter de la négligence des miniftres anglais, et de s'en tenir à la lettre du traité; mais il aima mieux en remplir l'efprit, uniquement pour le bien de la paix ; et loin de dire au lord Stair qu'il ne le fit pas fouvenir qu'il avait été autrefois le maître chez les autres, il voulut bien

(*) L'abrégé chronologique de Hénault.

(z) Jamais le lord Stair ne parla au roi qu'en présence du fecrétaire d'Etat Torci, qui a dit n'avoir jamais entendu un difcours fi déplacé. Ce difcours aurait été bien humiliant pour Louis XIV, quand il fit ceffer les ouvrages de Mardick.

Louis XIV.

Traités

accomplis.

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