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Colbert, le Mécène de tous les arts, forma unè académie d'architecture, en 1671. C'est peu d'avoir des Vitruves, il faut que les Augufles les emploient.

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Il faut auffi que les magiftrats municipaux foient animés par le zèle et éclairés par le goût. S'il y avait eu deux ou trois prévôts des marchands, comme le préfident Turgot, on ne reprocherait pas à la ville de Paris cet hôtel-de-ville mal conftruit et mal fitué; cette place fi petite et fi irrégulière, qui n'eft célèbre que par des gibets et de petits feux de joie; ces rues étroites dans les quartiers les plus fréquentés, et enfin un refte de barbarie, au milieu de la grandeur et dans le fein de tous les arts.

La peinture commença fous Louis XIII avec le Peinture. Pouffin. Il ne faut point compter les peintres médiocres qui l'ont précédé. Nous avons eu toujours depuis lui de grands peintres; non pas dans cette profufion qui fait une des richeffes de l'Italie; mais, fans nous arrêter à un le Sueur qui n'eut d'autre maître que lui-même, à un le Brun qui égala les Italiens dans le deffin et dans la compofition, nous avons eu plus de trente peintres qui ont laiffé des morceaux très - dignes de recherche. Les étrangers commencent à nous les enlever. J'ai vu chez un grand roi des galeries et des appartemens qui ne font ornés que de nos tableaux, dont peut-être nous ne voulions pas connaître affez le mérite. J'ai vu en France refufer douze mille livres d'un tableau de Santerre. Il n'y a guère dans l'Europe de plus vafte ouvrage de peinture que le plafond de le Moine à Verfailles; et je nė

Académie

fais s'il y en a de plus beaux. Nous avons eu depuis Vanloo qui, chez les étrangers même, passait pour le premier de fon temps.

y

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Non feulement Colbert donna à l'académie de de peintres peinture la forme qu'elle a aujourd'hui; mais, en français à Rome. 1667, il engagea Louis XIV à en établir une à Rome. On acheta dans cette métropole un palais, où loge le directeur. On y envoie les élèves qui ont remporté des prix à l'académie de Paris. Ils font inftruits et entretenus aux frais du roi ils y deffinent les antiques; ils étudient Raphaël et Michel Ange. C'est un noble hommage que rendit à Rome ancienne et nouvelle le défir de l'imiter; et on n'a pas même ceffé de rendre cet hommage, depuis que les immenfes collections de tableaux d'Italie amaffées par le roi et par le duc d'Orléans, et les chefs-d'œuvre de fculpture que la France a produits, nous ont mis en état de ne point chercher ailleurs des maîtres.

Sculpture.

C'eft principalement dans la fculpture que nous avons excellé, et dans l'art de jeter en fonte d'un feul jet des figures équeftres coloffales.

Si l'on trouvait un jour, fous des ruines, des morceaux tels que les bains d'Apollon, expofés aux injures de l'air dans les bofquets de Versailles; le tombeau du cardinal de Richelieu, trop peu montré au public, dans la chapelle de forbonne; la ftatue équeftre de Louis XIV, faite à Paris pour décorer Bordeaux; le Mercure dont Louis XV a fait préfent au roi de Pruffe, et tant d'autres ouvrages égaux à ceux que je cite; il eft à croire que ces productions

de nos jours feraient mifes à côté de la plus belle

antiquité grecque.

Nous avons égalé les anciens dans les médailles. Médailles. Varin fut le premier qui tira cet art de la médiocrité, fur la fin du règne de Louis XIII. C'est maintenant une chofe admirable que ces poinçons et ces quarrés qu'on voit rangés par ordre hiftorique dans l'endroit de la galerie du louvre occupé par les artistes. Il y en a pour deux millions, et la plupart font des chefs-d'œuvre.

On n'a pas moins réuffi dans l'art de graver les Gravure. pierres précieuses. Celui de multiplier les tableaux, de les éternifer par le moyen des planches en cuivre, de tranfmettre facilement à la poftérité, toutes les représentations de la nature et de l'art, était encore très-informe en France avant ce fiècle. C'est un des arts des plus agréables et des plus utiles. On le doit aux Florentins, qui l'inventèrent vers le milieu du quinzième fiècle; et il a été pouffé plus loin en France que dans le lieu même de fa naiffance, parce qu'on y a fait un plus grand nombre d'ouvrages en ce genre. Les recueils des eftampes du roi ont été fouvent un des plus magnifiques préfens qu'il ait fait aux ambaffadeurs. La cifelure en or et en argent, qui dépend du deffin et du goût, a été portée à la plus grande perfection dont la main de l'homme foit capable.

Après avoir ainfi parcouru tous ces arts, qui Chirurgie. contribuent aux délices des particuliers et à la

gloire de l'Etat, ne paffons pas fous filence le plus utile de tous les arts, dans lequel les Français furpassent toutes les nations du monde

je veux

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parler de la chirurgie, dont les progrès furent fi rapides et fi célèbres dans ce fiècle, qu'on venait à Paris des bouts de l'Europe, pour toutes les cures et pour toutes les opérations qui demandaient une dextérité non commune. Non feulement il n'y avait guère d'excellens chirurgiens qu'en France; mais c'était dans ce feul pays qu'on fabriquait parfaitement les inftrumens néceffaires : il en fourniffait tous fes voifins; et je tiens du célèbre Chefelden, le plus grand chirurgien de Londres, que ce fut lui qui commença à faire fabriquer à Londres, en 1715, les inftrumens de fon art. La médecine, qui fervait à perfectionner la chirurgie, ne s'éleva pas en France au-deffus de ce qu'elle était en Angleterre, et fous le fameux Boerhaave (ii) en Hollande; mais il arriva à la médecine, comme à la philofophie, d'atteindre à la perfection dont elle eft capable, en profitant des lumières de nos voisins.

Voilà en général un tableau fidèle des progrès de l'efprit humain chez les Français dans ce fiècle, qui commença au temps du cardinal de Richelieu, et qui finit de nos jours. Il fera difficile qu'il foit furpaffé; et s'il l'eft en quelques genres, il restera le modèle des âges encore plus fortunés, qu'il aura fait naître.

(ii) Chez les Hollandais la diphthongue or fe prononce ou,

CHAPITRE XXXI V.

Des beaux arts en Europe, du temps de Louis XIV.

Nous avons affez infinué dans tout le cours de

cette hiftoire que les défaftres publics dont elle est compofée, et qui fe fuccèdent les uns aux autres prefque fans relâche, font à la longue effacés des registres des temps. Les détails et les refforts de la politique tombent dans l'oubli. Les bonnes lois, les instituts, les monumens produits par les fciences et par les arts, fubfiftent à jamais.

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La foule des étrangers qui voyagent aujourd'hui à Rome, non en pélerins, mais en hommes de goût, s'informe peu de Grégoire VII et de Boniface VIII; ils admirent les temples que les Bramante et les Michel Ange ont élevés, les tableaux des Raphaël les fculptures des Bernini; s'ils ont de l'efprit, ils lifent l'Ariofte et le Taffe; et ils refpectent la cendre de Galilée. En Angleterre on parle un moment de Cromwell; on ne s'entretient plus des guerres de la rofe blanche; mais on étudie Newton des années entières; on n'est point étonné de lire dans fon épitaphe qu'il a été la gloire du genre humain, et on le ferait beaucoup fi on voyait en ce pays les cendres d'aucun homme d'Etat honorées d'un pareil titre.

fiècle eft ce

Je voudrais ici pouvoir rendre juftice à tous les Pourquoi ce grands hommes qui ont comme lui illuftré leur lui de Louis

patrie dans le dernier fiècle. J'ai appelé ce fiècle XIV.

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