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un roi à une nation malgré elle. Les Portugais, les Anglais, les Autrichiens, qui étaient en Espagne, furent harcelés par-tout, manquèrent de vivres, firent des fautes prefque toujours inévitables dans un pays Philippe V étranger, et furent battus en détail. Enfin Philippe V, rentre dans trois mois après être forti de Madrid en fugitif, y septembre rentra triomphant, et fut reçu avec autant d'acclamations, que fon rival avait éprouvé de froideur et de répugnance.

Madrid. 22

1706.

25 avril

1707.

Louis XIV redoubla fes efforts, quand il vit que les Espagnols en fefaient; et tandis qu'il veillait à la fureté de toutes les côtes fur l'Océan et fur la Mediterranée, en y plaçant des milices; tandis qu'il avait une armée en Flandre, une auprès de Strasbourg, un corps dans la Navarre, un dans le Rouffillon; il envoyait encore de nouvelles troupes au maréchal de Berwick dans la Caftille.

que

Ce fut avec ces troupes, fecondées des Espagnols, Berwick gagna la bataille importante d'Almanza fur Galloway. (3) Almanza, ville bâtie les par Maures, eft fur la frontière de Valence : cette belle province fut le prix de la victoire. Ni Philippe V, ni l'archiduc ne furent préfens à cette journée; et c'est sur quoi le fameux comte Peterboroug, fingulier

(3) Berwick avait commandé avec fuccès en Espagne pendant l'année 1704. Des intrigues de cour le firent rappeler. Le maréchal de Teffé demandait un jour à la jeune reine pourquoi elle n'avait pas confervé un général, dont les talens et la probité lui auraient été fi utiles. Que voulezvous que je vous dife, répondit-elle, c'eft un grand diable d'anglais, fec, qui va toujours tout droit devant lui. Dans la campagne que termina la bataille d'Almanza, Berwick était inftruit de l'état de l'armée alliée et de fes projets, par un officier général portugais qui, perfuadé que l'alliance du roi de Portugal avec l'empereur était contraire à fes vrais intérêts, le trahiffait par efprit de patriotifme. Mem. de Berwick.

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en tout, s'écria qu'on était bien bon de fe battre pour eux. C'est ce qu'il manda au maréchal de Teffé, et c'eft ce que je tiens de fa bouche. Il ajoutait qu'il n'y avait que des efclaves qui combattiffent pour un homme, et qu'il fallait combattre pour une nation. Le duc d'Orléans, qui voulait être à cette action, et qui devait commander en Espagne, n'arriva ́que le lendemain; mais il profita de la victoire; il prit plufieurs places, et entre autres Lérida, l'écueil du grand Condé. (4)

D'un autre côté, le maréchal de Villars, remis en France à la tête des armées, uniquement parce qu'on avait befoin de lui, réparait en Allemagne le malheur de la journée d'Hochftet. Il avait forcé les lignes de Stolhoffen au delà du Rhin, diffipé toutes les troupes ennemies, étendu les contributions à cinquante lieues à la ronde, pénétré jusqu'au Danube. Ce fuccès paffager fefait refpirer fur les frontières de l'Allemagne ; mais en Italie tout était perdu. Le royaume de Naples fans défenfe, et accoutumé à changer de maître, était fous le joug des victorieux; et le pape, qui n'avait pu empêcher que les troupes allemandes paffaffent par fon territoire, voyait, fans ofer murmurer, que l'empereur fe fît son vassal malgré lui. C'est un grand exemple de la force des opinions reçues, et du pouvoir de la coutume,

(4) L'armée du duc d'Orléans prit auffi Saragoffe ; lorsque les troupes françaises parurent à la vue de la ville, on fit accroire au peuple que ce camp qu'il voyait n'etait pas un objet réel, mais une apparence caufée par un fortilège le clergé fe rendit proceffionnellement fur les murailles pour exorcifer ces fantômes ; et le peuple ne commença à croire qu'il était affiégé par une armée réelle, que lorfqu'il vit les houffards abattre quelques têtes. Mém. de Berwick.

22 mai

1707.

qu'on puiffe toujours s'emparer de Naples fans confulter le pape, et qu'on n'ofe jamais lui en refufer l'hommage.

Pendant que le petit-fils de Louis XIV perdait Naples, l'aïeul était fur le point de perdre la Provence et le Dauphiné. Déjà le duc de Savoie et le prince Eugène y étaient entrés par le col de Tende. Les fron- Ces frontières n'étaient pas défendues comme le font du Dauphiné la Flandre et l'Alface, théâtre éternel de la guerre, toujours né- hériffé de citadelles que le danger avait averti d'élegligees.

tières du côté

Augufte

1707.

ver. Point de pareilles précautions vers le Var, point
de ces fortes places qui arrêtent l'ennemi, et qui
donnent le temps d'affembler des armées. Cette fron-
tière a été négligée jufqu'à nos jours, fans que
peut-être on puiffe en alléguer d'autre raifon, finon
que les hommes étendent rarement leurs foins de
tous les côtés. Le roi de France voyait, avec une
indignation douloureuse
que ce même duc de
Savoie, qui un an auparavant n'avait presque plus
que fa capitale, et le prince Eugène, qui avait été
élevé dans fa cour, fuffent près de lui enlever Toulon
et Marseille.

Toulon était affiégé et preffé: une flotte anglaife, maîtresse de la mer, était devant le port et le bombardait. Un peu plus de diligence, de précautions et de concert auraient fait tomber Toulon. Marseille fans défense n'aurait pas tenu; et il était vraifemblable que la France allait perdre deux provinces. Mais le vraisemblable n'arrive pas toujours. On eut le temps d'envoyer des fecours. On avait détaché des troupes de l'armée de Villars, dès que ces provinces avaient été menacées ; et on facrifia les

avantages qu'on avait en Allemagne pour fauver une partie de la France. Le pays par où les ennemis pénétraient eft fec, ftérile, hériffé de montagnes ; les vivres rares; la retraite difficile. Les maladies, qui défolèrent l'armée ennemie, combattirent encore pour Louis XIV. Le fiége de Toulon fut levé, et La Provence bientôt la Provence délivrée, et le Dauphiné hors augufte de danger: tant le fuccès d'une invafion eft rare, quand on n'a pas de grandes intelligences dans le pays. Charles-Quint y avait échoué; et, de nos jours, les troupes de la reine de Hongrie y échouèrent encore. (f)

Cependant cette irruption qui avait coûté beaucoup aux alliés, ne coûtait pas moins aux Français: elle avait ravagé une grande étendue de terrain, et divifé les forces.

L'Europe ne s'attendait pas que dans un temps d'épuisement, et lorfque la France comptait pour un grand fuccès d'être échappée à une invafion, Louis XIV aurait affez de grandeur et de ressources pour tenter lui-même une invasion dans la GrandeBretagne, malgré le dépériffement de fes forces maritimes, et malgré les flottes des Anglais, qui couvraient la mer. Ce projet fut propofé par des

(f) Le refpect pour la vérité dans les plus petites chofes, oblige encore de relever le difcours que le compilateur des mémoires de madame de Maintenon fait tenir par le roi de Suède, Charles XII, au duc de Marlborough: Si Toulon eft pris, je l'irai reprendre. Ce général anglais n'était point auprès du roi de Suède dans le temps du fiège. Il le vit dans Alt-ranstad, en avril 1707, et le fiége de Toulon fut levé au mois d'augufte. Charles XII d'ailleurs ne se mêla jamais de cette guerre; il refufa constamment de voir tous les français qu'on lui députa. On ne trouve dans les mémoires de Maintenon que des difcours qu'on n'a ni tenus ni pu tenir; et on ne peut regarder ce livre que comme un roman mal digéré.

fauvée. 22

1707.

Louis XIV

tendant en

écoffais attachés au fils de Jacques II. Le fuccès était douteux ; mais Louis XIV envisagea une gloire certaine dans la feule entreprise. Il a dit lui-même que ce motif l'avait déterminé autant que l'intérêt politique.

Porter la guerre dans la Grande-Bretagne, tandis envoielepré- qu'on en foutenait le fardeau fi difficilement en tant Ecoffe avec d'autres endroits, et tenter de rétablir du moins fur une flotte. le trône d'Ecoffe le fils de Jacques II, pendant qu'on

pouvait à peine maintenir Philippe V fur celui d'Efpagne, c'était une idée pleine de grandeur, et qui après tout n'était pas deftituée de vraisemblance.

Parmi les Ecoffais, tous ceux qui ne s'étaient pas vendus à la cour de Londres gémiffaient d'être dans la dépendance des Anglais. Leurs vœux fecrets appelaient unanimement le defcendant de leurs anciens rois, chaffé au berceau, des trônes d'Angleterre, d'Ecoffe et d'Irlande, et à qui on avait disputė jusqu'à fa naiffance. On lui promit qu'il trouverait trente mille hommes en armes, qui combattraient pour lui, s'il pouvait feulement débarquer vers Edimbourg, avec quelques fecours de la France.

Louis XIV, qui dans fes profpérités paffées avait fait tant d'efforts pour le père, en fit autant pour le fils, dans le temps même de fes revers. Huit vaisseaux de guerre, foixante et dix bâtimens de tranfport furent préparés à Dunkerque. Six mille hommes Mars 1708. furent embarqués. Le comte de Gacé, depuis maréchal Le préten de Matignon, commandait les troupes. Le chevalier et revient. Forbin Janfon, l'un des plus grands hommes de mer,

dant aborde

conduifait la flotte. La conjoncture paraissait favorable; il n'y avait en Ecoffe que trois mille hommes

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