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nomination de nouveaux titulaires aux siéges vacants de plusieurs des évêchés de la Pologne. On regarde les dispositions de l'empereur Alexandre II envers les catholiques comme plus favorables que celles de ses prédécesseurs. L'Autriche, qui a donné à l'Église une de ces joies capables de consoler le cœur du Souverain Pontife au milieu des tribulations et des peines dont il a été accablé, continue d'affermir son union avec la chaire apostolique par les mesures préparatoires de l'exécution du concordat. L'esprit de ces mesures, qui seront prochainement rendues publiques, nous est d'avance révélé par le discours de clôture des conférences de Vienne, qu'a prononcé le cardinalarchevêque de Zagabria. Ce discours, quoique nous n'en connaissions pas encore le texte officiel, confirme ce que nous avons toujours cru et toujours affirmé lorsque le concordat autrichien était l'objet des critiques les plus prématurées.

«Beaucoup d'hommes, a dit l'éminent prélat, étaient diversement préoccupés du concordat et de ses dispositions; ils semblaient craindre je ne sais quels périls pour la liberté et les droits des citoyens... Ils verront, j'en suis convaincu, combien leurs craintes étaient vaines... Les résultats de nos conférences pourront prouver à ceux-mêmes qui sont en dehors de la vérité religieuse que l'Eglise catholique, qui a toujours proclamé qu'il n'y a aucune union possible entre les ténèbres et la lumière, conserve le trésor de la foi confié à ses mains, qu'elle demeure invariablement fidèle à ses principes et ne transige jamais avec aucune espèce d'erreurs, mais qu'elle est pleine de condescendance en tout ce qui n'attaque ni l'essence de sa doctrine ni sa constitution, et qu'elle est disposée à toutes les concessions compatibles avec l'équité; que son plus grand désir est de voir revenir à son giron maternel tous ceux qui sont hors de la vérité; qu'elle regarde comme légers tous les sacrifices qui peuvent conduire à un but si désirable; mais que, pour y arriver, elle n'a jamais voulu faire usage de moyens violents ou blåmables, mais uniquement de ceux qu'elle tient de l'héritage sacré de son divin Maître et des apôtres, c'est-à-dire l'enseignement, les prières et les larmes. . . . . »

Il nous resterait, pour rendre cette revue un peu plus complète, à dire au moins quelques mots de ce qui s'est passé dans notre pays même depuis un mois; mais, d'un côté, nous n'avons à y signaler aucun événement trèsimportant, et, de l'autre, le respect de notre législation nous oblige à garder le silence sur les discussions de nos assemblées qui auraient pu offrir le plus d'intérêt.

Bettencourt.

L'UN DES GÉRANTS, CHARLES DOUNIOL.

PARIS, — IMPRIMERIE SIMON RAÇON ET COMP., RUE D'ERFURTH, 1.

DU GOUVERNEMENT PONTIFICAL

INSTITUTIONS, FINANCES, ADMINISTRATION, CONDITION GÉNÉRALE DU PEUPLE DES ÉTATS PONTIFICAUX.

Cherchons, sous ces titres divers, et d'abord dans les institutions, l'état de barbarie qui justifierait une remontrance de l'Europe au gouvernement du Saint-Siége.

Le système actuel des lois municipales, provinciales et politiques, n'était pas sans racines dans les souvenirs et les coutumes des États pontificaux. Ce fut l'Europe qui proposa, pour la première fois, de le mettre en vigueur comme le meilleur moyen d'assurer au pou

1

Voyez la première partie de cette étude dans le numéro du Correspondant du 25 juillet dernier.

* « Lorsque nous eûmes fait connaître notre volonté souveraine d'appeler à Rome, de toutes les provinces, plusieurs de nos sujets recommandables à tous égards, notre intention fut d'en former une consulte d'État et de doter ainsi le gouvernement pontifical d'une institution qui, si elle est aujourd'hui en faveur près des autres gouvernements de l'Europe, fut jadis une gloire des domaines du Saint-Siége et une gloire due au génie des Pontifes romains. » (Considérants du motu proprio de Pie IX pour l'institution de la consulte, le 14 octobre 1847).

< Dans les institutions dont nous avons doté nos sujets, notre intention a été de ranimer quelques institutions antiques, qui furent longtemps comme le miroir de la sagesse de mes augustes prédécesseurs, et qui, par la marche des temps, devaient s'adapter aux changements nouveaux pour reproduire le majestueux édifice qu'elles formaient autrefois. » (Considérants du statut fondamental de l'État romain, le 14 mars 1848).

« La constitution n'est pas un nom nouveau pour notre État. Les États qui la possèdent l'ont copiée sur nous. Nous avions une Chambre des députés, dans le collège des avocats consistoriaux, et la Chambre des pairs dans le sacré collége des cardinaux jusqu'au temps de Sixte V.» (Paroles de Pie IX le 11 février 1848).

Voyez dans l'Histoire de la Papauté de Ranke, t. II, ch. iv, toutes les libertés des anciennes communes et provinces, leurs anciennes traditions, plus ou moins effacées, mais là moins qu'ailleurs, par la concentration de pouvoir, qui devint, après les agitations féodales, l'état de la plupart des gouvernements. Les libertés locales qui existent aujourd'hui dans les États pontificaux paraîtraient excessives en France.

N. SÉR. T. II. 25 .out 1856. 5o LIV.

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voir l'intelligent et libre concours des associations naturelles, des saines mœurs du pays, l'appui de certaines délégations directement ou indirectement élues par les conseils des communes et des provinces. Les représentants de la France, de l'Autriche, de la Grande-Bretagne, de la Russie et de la Prusse, présentèrent cette idée dans leur mémorandum du 21 mai 1831. Grégoire XVI l'avait d'abord acceptée, à peu près telle qu'elle était exprimée, quand, après l'insurrection de 1832, l'application en fut abandonnée.

Je n'écris pas l'histoire de ces institutions alors interrompues, plus tard acceptées; mais il me paraît nécessaire d'en bien expliquer l'origine et les vicissitudes, afin de montrer le caractère qui leur est propre: une prudente conformité dans leurs variations mêmes, avec les convenances des principales nations européennes. Ce qui les distingue, c'est que presque toujours elles ont été convenues avec ces grands États, bien qu'à cet égard le Saint-Siége n'ait jamais aliéné son indispensable liberté.

Ainsi une nouvelle ingérence sur le fond des choses serait d'autant moins motivée, que plusieurs interventions ont été admises et définitivement satisfaites dans le sens des vœux exprimés. Aujourd'hui les grandes puissances risqueraient d'intervenir contre leurs propres conseils.

Comment ces conseils ont-ils été présentés, délaissés et repris avec le même esprit qui les inspirait, jusqu'à ce jour où l'on semble fatigué de la sagesse? Il importe de s'en rendre compte pour mesurer toute la responsabilité des derniers intervenants.

A peine Grégoire XVI est-il élu, le 2 février 1831, qu'en quinze jours dix délégations sur quatorze s'insurgent et envoient leurs représentants voter à Bologne la déchéance du nouveau Pape. Les Autrichiens arrivent sur le pays en révolution; la France s'en émeut et réclame la retraite de leurs troupes; les plénipotentiaires des cinq grandes puissances forment à Rome une conférence qui demande au SaintSiége une large amnistie et propose les institutions du mémorandum. Grégoire XVI, qui s'est d'abord adressé à la France pour éviter à la fois l'occupation de ses Etats par l'Autriche et les violences de la guerre civile, reconnaît que notre principe de non-intervention s'oppose à l'assistance qu'il préfère, et se voit contraint d'accepter celle qui s'offre immédiatement à lui dans le plus urgent péril; il répond, le 5 juillet, à la conférence en même temps qu'à l'agitation de son peuple, par le motu proprio réorganisant l'administration municipale et provinciale sur des bases électives. Les conseils provinciaux, entiè rement laïques, obtiennent ainsi d'importantes attributions qu'ils peuvent régulièrement exercer avec d'autant plus de facilité, que les réformateurs sont maîtres de la situation, en face d'un pouvoir désarmé;

mais ils ne savent accepter des réformes que les facilités de bouleversement. D'autres édits (5 et 31 octobre, 5 novembre) simplifient les juridictions, créent des cours d'appel, suppriment les pouvoirs illimités du tribunal de l'auditeur du Pape; enfin, une de ces amnisties, que l'effroi adresse à la peur sans vouloir pousser jusqu'au bout les châtiments, est accordée. On permet, comme en 1849, de soustraire les compromis aux poursuites en leur délivrant des passe-ports; on annonce des séquestrations, et personne n'est poursuivi dans ses biens; les concessions politiques dépassent, en promesses verbales, la teneur des actes officiels. L'insurrection recommence néanmoins après le départ des troupes autrichiennes. Alors celles-ci interviennent une seconde fois. Le gouvernement français, alarmé de ce retour, ordonne la subite occupation d'Ancône 2. M. de Sainte-Aulaire, notre ambassadeur, afin de témoigner son respect pour le Saint-Siége et l'exquise loyauté de tous ses procédés, envoie noblement sa démission qu'on n'accepte pas. Les cabinets, jusque-là d'accord, se divisent non-seulement sur les affaires d'Italie, mais sur celles de Pologne et de Belgique. La partie du mémorandum relative à l'institution d'une consulte centrale et d'un conseil d'Etat n'est plus soutenue par les cours de Vienne, de Saint-Pétersbourg et de Berlin. L'amnistie accordée après le premier soulèvement de 1831, est interrompue par celui de 1832; toutefois la conférence de Rome persiste quelque temps encore à recommander le fond des édits de Grégoire XVI.

Tel est le résumé des efforts de la diplomatie à l'époque dont nous parlons, et sous bien des rapports, le tableau anticipé des mécomptes qu'on verra se renouveler après une halte de quinze années dans la révolution. Nous n'avons pas prétendu faire l'apologie de la conférence de Rome. Des ambitions particulières en ont quelquefois altéré l'esprit; des exigences dangereuses ont pu s'y mêler; mais il résulte pourtant de l'ensemble de ses travaux plus d'un engagement envers le gouvernement pontifical, qui négociait avec elle.

Mentionnons encore un étrange embarras qui vint compliquer l'attitude nouvelle des cabinets du Nord et achever la dissolution de la conférence. L'affaire d'Ancône s'étant pacifiquement arrangée et l'Angleterre paraissant voir avec peine les relations plus faciles de la France avec l'Autriche, M. Seymour, représentant du cabinet de Londres à Rome, après avoir adhéré, comme tous ses collègues, aux tempéraments du mémorandum, fut tout d'un coup rappelé et reçut de lord Palmerston l'ordre de remettre une note contenant une éclatante

1 28 janvier 1832.

2 22 février.

Voyez sur ces diverses circonstances la notice que M. le baron de Barante a récemment consacrée à la mémoire de son digne ami.

protestation en faveur de la liberté de la presse, de la garde nationale, etc., signalées comme les seuls remèdes à la situation menaçante des Etats pontificaux1.

Cette politique inattendue a été pratiquée depuis avec de certaines intermittences, et l'expérience d'un quart de siècle n'a pas suffi pour la calmer.

La fantaisie de lord Palmerston nous rappelle un mot du cardinal de Retz: il compare les belles histoires générales faites par des étourdis qui n'ont été les acteurs d'aucune affaire aux montres d'enfants dont l'aiguille marque toujours la même heure. On peut en dire autant de ces institutions uniformes, prêchées à l'adresse de tous les peuples, quels que soient leur tradition et leur degré de maturité; mais cette fois une ingénuité classique n'est pas ce qui en donne le goût, et ce sont de très-habiles artistes qui présentent le perfide jouet.

Sans doute, il est regrettable que toutes les questions traitées par les diplomates réunis à Rome n'aient pas été résolues en 1831, et que le prédécesseur de Pie IX ne lui ait pas légué une tâche moins difficile. Demandons-nous cependant si, l'Autriche, la Russie et la Prusse ayant abandonné la clause la plus importante du mémorandum et ensuite l'application hardie de ce qui en restait, Grégoire XVI aurait pu se passer de leur tolérance. N'oublions pas aussi qu'il avait à soutenir, contre deux de ces cabinets et leurs clients, d'autres combats spirituels où son ferme courage n'a point fait défaut. Pour y ajouter ceux qu'il a jugés au-dessus de ses forces, il lui aurait fallu un appui intérieur qui lui manquait au milieu de deux partis contraires aux vraies réformes. L'Angleterre venait de se prononcer par un hostile désaveu; la France isolée ne lui offrait que le partage de ses périls, de son instabilité et les contre-coups d'un ressentiment général.

Quel gouvernement ne compte pas avec les États qui l'entourent? A plus forte raison celui qui a de si proches voisins sur toute la terre. Comme pouvoir temporel essentiellement neutre, puisque sa principale destination est universelle, le Saint-Siége est tenu sans doute d'écouter attentivement les avis des États les plus séparés; mais est-il juste de lui imputer les obstacles qu'il rencontre dans leurs divisions et la circonspection qui l'oblige à n'y pas engager sa sécurité et son indépendance? D'un autre côté, dans l'espèce de cantonnement et de paralysie réciproque produite par l'occupation d'Ancône en face de celle des légations, Grégoire XVI crut qu'il était réduit, malgré ses premières répugnances, aux seules ressources d'un parti dont il eut à contenir le zèle. C'est ainsi qu'une dangereuse immobilité prévalut dans

Voir les documents anglais du temps et ceux de l'ouvrage publié en 1846 par M. Léopoldo Galeotti, del governo temporale dei papi, chap. v.

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