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On croit voir Pie IX.

Pourquoi sommes-nous réduits à mettre ce portrait fidèle en regard des paroles de M. le comte de Cavour, arrière-neveu de saint François de Sales, le véritable conquérant qui a tant fait pour la maison de Savoie et pour l'unité, maintenant troublée, d'une si noble nation?

FR. DE CORCELLE.

BIBLIOGRAPHIE ANGLAISE

LA REVUE CONTEMPORAINE ET LES REVUES ANGLAISES.

Fraser's Magazine, mai 1856. — Saturday Review, décember 1, 1855, et april 26, 1856. Edinburgh Review, april 1856. — Blackwood's Édinburgh Magazine, may 1856. — Quarterly Review, march 1856. — Brownson's Quarterly Review, avril 1856. — Dublin Review, july 1856. La Revue contemporaine, 30 mai 1856. — (Article intitulé: M. de Montalembert jugé en Amérique et en Angleterre.)

Nous nous proposons de faire connaître successivement à nos lecteurs les travaux les plus importants qui paraîtront dans les principales revues anglaises. Ce sera le moyen, nous l'espérons, de suivre en Angleterre le mouvement des idées, et de voir particulièrement de quelle manière on y juge les ouvrages publiés, soit en France, soit à l'étranger, soit dans l'Angleterre elle-même.

Le livre de M. de Montalembert sur l'avenir politique de l'Angleterre ne pouvait manquer d'être l'objet, dans les revues anglaises, d'un attentif examen. Nous voudrions recueillir aujourd'hui quelques-unes des appréciations qu'elles ont formulées sur ce beau livre. Il ne saurait être sans intérêt pour nos lecteurs de voir comment un ouvrage, publié originairement dans le Correspondant, a été jugé dans le pays même que son auteur a voulu étudier.

Récemment, la Revue contemporaine, après avoir critiqué vivement le livre de M. de Montalembert, rassemblait dans un second travail plusieurs passages empruntés notamment à la Revue d'Édimbourg, au Blackwood's Edinburgh Magazine et au Brownson's quarterly Review, revue catholique publiée et rédigée en Amérique par M. Brownson. De ses citations, la Revue contemporaine concluait que l'ouvrage de M. de Montalembert, taxé d'exagération et d'inconséquence par les Anglais protestants, étonne et afflige les catholiques américains.

Nous n'avons pas à discuter ici les critiques générales de la Revue contemporaine. Les idées que M. de Montalembert défend depuis son entrée dans la vie publique, il y a vingt-cinq ans, ne sont pas de celles que défend et représente la Revue contemporaine depuis sa transformation de l'année dernière. Aussi nul ne saurait s'étonner de voir cette revue reprocher à M. de Montalembert son amour pour la liberté politique et sa prédilection pour la libre Angleterre. Mais ce que nous ne pouvons nous dispenser de relever, c'est la manière dont la Revue contemporaine cite les revues étrangères et les conséquences qu'elle tire de ses citations mutilées.

Il y a un moyen commode d'accabler un adversaire sous le poids d'auto

rités imposantes: c'est de conserver, dans les témoignages qu'on invoque, les critiques qu'on lui adresse, tout en supprimant les éloges qu'on lui décerne, les adhésions qu'on lui prodigue. C'est à ce procédé, plus ingénieux que loyal, que la Revue contemporaine n'a pas craint de recourir.

Notons d'abord qu'elle passe complétement sous silence les articles favorables, dans leur ensemble, à l'illustre écrivain. Le Fraser's Magazine, revue qui depuis longues années paraît à Londres tous les mois, reproduit dans un remarquable article, commente et confirme les principaux jugements de M. de Montalembert. « Aucun ouvrage écrit par un étranger, disent les rédacteurs de cette revue, n'a excité davantage l'attention que le livre de M. de Montalembert sur l'avenir politique de l'Angleterre... Par ses talents, ses travaux, sa parfaite connaissance de notre langue, de notre littérature, de notre histoire, de nos institutions politiques et sociales, l'auteur était on ne peut plus compétent pour écrire un tel ouvrage : aucun homme habile et loyal n'en saurait douter un moment. » Sauf quelques critiques de détail, le Fraser's Magazine ne fait qu'analyser l'ouvrage de M. de Montalembert. Le journal protestant ne se sépare vraiment de l'écrivain catholique qu'en arrivant à la question religieuse. Il regarde comme une pieuse illusion l'espérance de voir l'Angleterre abjurer son erreur pour retourner dans le sein de l'unité catholique toutefois il rend hommage au sincère enthousiasme religieux qui anime le langage de M. de Montalembert, et ses paroles lui paraissent non-seulement pardonnables, mais encore méritoires, de la part d'un fervent Catholique-Romain.

Les rédacteurs du Fraser's Magazine font ressortir les sentiments libéraux qui animent à chaque page le livre de M. de Montalembert: ils recueillent ses paroles sur la vraie liberté, sur la vraie démocratie, et ils observent que celui qui parle ainsi est le champion de l'Église romaine.

Une revue hebdomadaire, fondée il y a quelques mois à peine par le jeune parti peeliste, et qui a conquis sur-le-champ une place très-élevée dans l'es time publique, le Saturday Review, examine le livre de M. de Montalembert dans le même esprit que le Fraser's Magazine.

<< Peu d'Anglais protestants, dit-elle, seraient capables. en parlant de leur pays, d'égaler pour le fond ce Français, catholique romain: il en est moins encore qui pourraient l'égaler pour la forme. » Le Saturday Review proteste énergiquement contre un article publié dans le Quarterly Review, et dont nous aurons occasion de parler. « Au lieu de rendre hommage au loyal esprit de critique dont le livre de M. de Montalembert fournit d'admirables exemples, s'écrient les rédacteurs du Saturday Review, on lui fait des chicanes de détail... Quoi de plus absurde que de lui reprocher d'être catholique?.. Autant vaudrait se plaindre de ce que M. de Montalembert écrit en français que de lui reprocher d'écrire au point de vue catholique... M. de Montalembert n'imite pas M. Jules Gondon et autres écrivains qui, chaque jour, insultent l'Angleterre uniquement parce qu'elle est protestante, absolument dans le même esprit que le Quarterly, qui n'admet pas qu'un catholique puisse avoir du mérite. M. de Montalembert admire loyalement les qualités qu'il découvre, et il tente, d'une manière sans doute plus ingénieuse que concluante, de réconcilier les faits politiques avec ses sympathies religieuses.

Son argumentation, souvent défectueuse, n'est jamais déloyale. Le mauvais goût et la mauvaise logique de la Revue feraient croire à l'Europe que nous sommes incapables de respecter le talent et de payer de retour la candeur virile d'un illustre adversaire. » Assurément nous n'acceptons pas ce jugement sans réserve; nous y retrouvons l'accent affaibli du préjugé que M. de Montalembert a voulu détruire mais l'éminent écrivain a du moins eu l'honneur de faire avouer à ses adversaires protestants qu'on peut être à la fois catholique sincère et ami sincère d'une sage liberté. Il les amène à distinguer eux-mêmes entre les insulteurs acharnés d'une grande nation et le langage d'un ami qui déplore de funestes erreurs tout en rendant justice à de grandes qualités méconnues.

La Revue contemporaine n'a pas eu connaissance des articles du Fraser's Magazine et du Saturday Review, ou du moins elle n'a pas jugé à propos de les faire connaître à ses lecteurs. Et cependant, quand on intitule un article ; M. de Montalembert jugé en Amérique et en Angleterre, il serait bon de faire entendre toutes les voix et de recueillir toutes les opinions.

Il serait également convenable et loyal, en citant la Revue d'Édimbourg et le Blackwood's Magazine, de ne pas altérer le sens de ce qu'on cite. La Revue d'Edimbourg commence par énumérer les différents obstacles qui empêchent ordinairement les publicistes les plus renommés de rendre hommage à une nation étrangère. Puis, comme pour montrer que M. de Montalembert a surmonté ces obstacles, la Revue d'Edimbourg cite ou développe, en les approuvant, les plus importantes appréciations de l'étranger dont elle analyse l'écrit. Toutefois à ces éloges elle mêle deux critiques. Elle se demande si les prédilections politiques de M. de Montalembert ne seraient pas la véritable origine de son admiration pour l'Angleterre. Une si éclatante justice rendue par un écrivain catholique à la protestante Angleterre étonne sans doute la Revue protestante, qui reproche à l'orateur catholique de n'avoir pas vu dans la liberté anglaise la fille du protestantisme. Que fait la Revue contemporaine? Elle ne dit rien des pages nombreuses dans lesquelles sont développées avec une vive adhésion les opinions de M. de Montalembert; elle ne cite que les deux critiques que nous avons mentionnées, et dont le lecteur peut apprécier la valeur. En reproduisant le passage dans lequel M. de Montalembert est accusé de manquer de pénétration ou de sincérité pour avoir nié que la liberté anglaise soit née du protestantisme, la Revue contemporaine semble regretter de n'avoir pas inventé la première cette gracieusete, et elle signale avec complaisance dans les paroles de la Revue d'Edimbourg « un accent d'énergie toute britannique. » Le Blackwood's Magazine abonde dans le même sens que la Revue d'Édimbourg, après avoir, comme elle, adhéré cependant aux principales idées de M. de Montalembert. lci encore la Revue contemporaine supprime les éloges et maintient les critiques, ou plutôt elle se borne à attribuer à l'orgueil national les passages dans lesquels le Blackwood recueille les éloges donnés à la constitution de l'Angleterre.

Ce n'est pas aux suggestions de l'orgueil national que cèdent les revues anglaises quand elles citent les opinions de M. de Montalembert, car elles reproduisent avec le même empressement et avec une sincérité trop britanni

que pour se retrouver dans la Revue contemporaine, les éloges donnés à la constitution de l'Angleterre et le blâme énergique infligé à sa politique étrangère. De même, ce sont les passages dans lesquels M. de Montalembert a signalé le désir croissant des fonctions publiques comme le plus grand danger de l'Angleterre, qui ont été salués dans le sein du Parlement par de si vives acclamations. Ce ne sont pas davantage les préoccupations du présent et de l'avenir qui suggèrent à M. de Montalembert son admiration pour une grande et glorieuse nation. Dès 1848, à la tribune de la Chambre des pairs, quel ques jours avant la chute de la monarchie constitutionnelle, il se félicitait avec une légitime fierté de n'avoir jamais accueilli les déclamations dirigées contre l'Angleterre, et d'avoir toujours été l'admirateur sincère et passionné de cette grande nation anglaise, qui a été si longtemps, disait-il, notre maitresse en fait de droit et de liberté. Il s'exprimait ainsi dans le discours où il flétrissait si éloquemment la politique étrangère de lord Palmerston et à une époque où la France jouissait, comme l'Angleterre, du bienfait d'institutions libres et tempérées.

Ah! sans doute, en voyant la France, fatiguée de sanglantes agitations, s'en reposer dans l'abdication soudaine de ses libertés si chèrement acquises, il n'a pu se défendre de tourner ses regards vers une nation voisine qui vit en paix à l'ombre du trône, et jouit sans crainte du bienfait de ses libres institutions; où les partis, dans leurs divisions salutaires, se rencontrent du moins sur le ferme terrain de la liberté commune, et où l'honneur politique, protégé par une jalouse publicité, prévient de scandaleuses apostasies *. Si M. de Montalembert, quand il parlait de l'Angleterre, songeait à la France, à son passé, à son avenir, faut-il lui faire un reproche de cette patriotique préoccupation? Mais quel est celui qui n'envie pas pour la dignité de sa propre patrie ce qu'il admire dans un pays voisin? Oui, certes, l'écrivain, en étudiant l'avenir de l'Angleterre, songeait aussi à l'avenir de la France; sans oublier ni méconnaître les différences que présentent les deux peuples, il entrevoit pour eux des perspectives semblables de gloire et de liberté. C'est l'honneur de l'auteur et du livre: c'est aussi, nous ne craignons pas de le dire, avec le talent de l'éminent écrivain, la cause du grand succès du livre.

Quant au second reproche adressé à M. de Montalembert par la Revue 'Édimbourg et le Blackwood's Magazine, il s'explique aisément de la part de journaux protestants, qui tiennent à honneur de rattacher à leur révolte contre l'Église catholique la conquête de leur liberté. La Revue contemporaine reconnaît que M. de Montalembert a bien le droit de chercher une autre origine à la liberté anglaise que le protestantisme; mais elle ajoute aussitôt ces paroles difficiles à concilier avec les précédentes : « Combien M. de Montalembert doit regretter, dit-elle, d'être séparé sur un point

Dans la séance du 26 mars.

Discours sur le Sunderbund (affaires de Suisse).

* La Revue contemporaine a eu le courage de citer, en le soulignant, le mot d'un grand orateur, flétrissant le cynisme des apotasies: elle ne craint pas de relever cette parole vengeresse, et de dire qu'elle doit être regrettée par celui qui la prononça. Nous ne pensons pas que M. Berryer ait à regretter aucune de ses paroles, et celle-là moins que toute autre.

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