Ou de lin ou de cheneviere Trousse au flanc sa robe legere Et my-nud me verse du vin.
L'incertaine vie de l'homme
De jour en jour se roule comme Aux rives se roulent les flots. Puis apres notre heure derniere Rien de nous ne reste en la biere Qu'une vieille carcasse d'os.
Je ne veux, selon la coustume, Que d'encens ma tombe on parfume, Ny qu'on y verse des odeurs : Mais tandis que je suis en vie, J'ai de me parfumer envie, Et de me couronner de fleurs.
De moy-mesme je me veux faire L'heritier pour me satisfaire : Je ne veux vivre pour autruy. Fol le pelican qui se blesse Pour les siens, et fol qui se laisse
Pour les siens travailler d'ennuy.
JAND vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Assise aupres du feu, devisant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous esmerveillant : Ronsard me celebroit du temps que j'estois belle.
Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle Desjà sous le labeur à demy sommeillant, Qui au bruit de mon nom ne s'aille resveillant, Benissant vostre nom de louange immortelle.
Je seray sous la terre, et, fantosme sans os, Par les ombres myrteux je prendray mon repos : Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et vostre fier desdain. Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain : Cueillez des aujourd'huy les roses de la vie.
UAND je suis vingt ou trente mois
Sans retourner en Vendomois,
Plein de pensées vagabondes, Plein d'un remors et d'un souci, Aux rochers je me plains ainsi, Aux bois, aux antres et aux ondes:
Rochers, bien que soyez agez De trois mil ans, vous ne changez Jamais ny d'estat ny de forme: Mais toujours ma jeunesse fuit, Et la vieillesse qui me suit
De jeune en vieillard me transforme.
Bois, bien que perdiez tous les ans En hyver vos cheveux mouvans, L'an d'apres qui se renouvelle Renouvelle aussi vostre chef. Mais le mien ne peut de rechef Ravoir sa perruque nouvelle.
Antres, je me suis vu chez vous Avoir jadis verds les genous, Le corps habile et la main bonne : Mais ores j'ai le corps plus dur Et les genous, que n'est le mur Qui froidement vous environne.
Ondes, sans fin vous promenez
Et vous menez et ramenez
Vos flots d'un cours qui ne sejourne: Et moy sans faire long sejour, Je m'en vais de nuict et de jour Au lieu d'où plus on ne retourne.
DIEU VOUS GARD
IEU vous gard, messagers fidelles Du printemps, vistes arondelles, Huppes, coucous, rossignolets, Tourtres, et vous oiseaux sauvages Qui de cent sortes de ramages Animez les bois verdelets!
Dieu vous gard, belles paquerettes, Belles roses, belles fleurettes, Et vous, boutons jadis cognus Du sang d'Ajax et de Narcisse : Et vous, thym, anis et melisse, Vous soyez les bien revenus. Dieu vous gard, troupe diaprée De papillons, qui par la prée Les douces herbes suçotez: Et vous, nouvel essaim d'abeilles Qui les fleurs jaunes et vermeilles De vostre bouche baisotez!
Cent mille fois je resalue Vostre belle et douce venue: O que j'aime ceste saison Et ce doux caquet des rivages, Au prix des vents et des orages Qui m'enfermoient en la maison.
ÉLÉGIE CONTRE LES BÛCHERONS DE LA FORÊT DE GASTINE
ESCOUTE, bucheron, arreste un peu le bras:
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas; Ne vois-tu pas le sang lequel degoute à force Des nymphes qui vivoient dessous la dure escorce? Sacrilege meurtrier, si on pend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur, Combien de feux, de fers, de morts et de detresses Merites-tu, meschant, pour tuer nos deesses?
Forest, haute maison des oiseaux bocagers! Plus le cerf solitaire et les chevreuls legers Ne paistront sous ton ombre, et ta verte criniere Plus du soleil d'esté ne rompra la lumiere. Plus l'amoureux pasteur sus un tronq adossé, Enflant son flageolet à quatre trous persé, Son mastin à ses pieds, à son flanc la houlette, Ne dira plus l'ardeur de sa belle Janette: Tout deviendra muet; Echo sera sans vois; Tu deviendras campagne, et en lieu de tes bois, Dont l'ombrage incertain lentement se remue, Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue; Tu perdras ton silence, et Satyres et Pans, Et plus le cerf chez toy ne cachera ses fans. Adieu, vieille forest, le jouet de Zephire, Où premier j'accorday les langues de ma lyre, Où premier j'entendi les fleches resonner D'Apollon, qui me vint tout le cœur estonner ; Où premier admirant la belle Calliope, Je devins amoureux de sa neuvaine trope, Quand sa main sur le front cent roses me jetta, Et de son propre laict Euterpe m'allaita.
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