Le temps a laissié son manteau De vent, de froidure et de pluye.
Riviere, fontaine et ruisseau Portent, en livrée jolie,
Gouttes d'argent, d'orfavrerie, Chascun s'abille de nouveau :
Le temps a laissié son manteau.
ES fourriers d'Esté sont venus
Pour appareillier son logis,
Et ont fait tendre ses tappis, De fleurs et verdure tissus.
En estandant tappis velus, De vert herbe par le pais, Les fourriers d'Esté sont venus Pour appareillier son logis.
Cueurs d'ennuy pieça morfondus, Dieu mercy, sont sains et jolis; Alez vous en, prenez pais, Yver, vous ne demourrez plus : Les fourriers d'Esté sont venus.
DIEU! qu'il la fait bon regarder,
La gracieuse, bonne et belle!
Pour les grans biens qui sont en elle, Chascun est prest de la louer.
Qui se pourrait d'elle lasser? Tousjours sa beauté renouvelle; Dieu ! qu'il la fait bon regarder La gracieuse, bonne et belle!
Par deçà, ne delà la mer Ne sçay dame ne damoiselle
Qui soit en tous biens parfaits telle— C'est ung songe que d'y penser: Dieu! qu'il la fait bon regarder!
FRANÇOIS VILLON
BALLADE DES DAMES DU TEMPS JADIS
DICTES-MOY où, n'en quel pays,
Est Flora, la belle Romaine;
Archipiada, ne Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine ; Echo, parlant quand bruyt on maine Dessus riviere ou sus estan,
Qui beauté eut trop plus qu'humaine ? Mais où sont les neiges d'antan !
Où est la tres sage Helois,
Pour qui fut blessé et puis moyne Pierre Esbaillart à Sainct-Denys (Pour son amour eut cest essoyne)? Semblablement, où est la royne Qui commanda que Buridan Fust jetté en ung sac en Seine?... Mais où sont les neiges d'antan ? La royne Blanche comme ung lys, Qui chantait à voix de sereine; Berthe au grand pied, Bietris, Allys; Harembourges, qui tint le Mayne, Et Jehanne, la bonne Lorraine, Qu'Anglais bruslerent à Rouen ; Où sont-ilz, Vierge souveraine?... Mais où sont les neiges d'antan!
Prince, n'enquerez de sepmaine Où elles sont, ne de cest an, Que ce refrain ne vous remaine : Mais où sont les neiges d'antan!
LAY OU PLUSTOST RONDEAU
MORT, j'appelle de ta rigueur,
Qui m'as ma maistresse ravie, Et n'es pas encore assouvie, Se tu ne me tiens en langueur. Depuis n'euz force ne vigueur; Mais que te nuysait-elle en vie, Mort?
Deux estions, et n'avions qu'ung cueur; S'il est mort, force est que devie,
Voire, ou que je vive sans vie,
Comme les images, par cueur, Mort!
JE CONNAIS TOUT FORS QUE MOI-MÊME
E congnois bien mouches en laict ;
Je congnois à la robe l'homme; Je congnois le beau temps du laid; Je congnois au pommier la pomme; Je congnois l'arbre à veoir la gomme; Je congnois quand tout est de mesme; Je congnois qui besongne ou chomme: Je congnois tout, fors que moy-mesme.
Je congnois pourpoinct au collet ; Je congnois le moyne à la gonne;
Je congnois le maistre au valet ; Je congnois au voyle la nonne; Je congnois quand pipeur jargonne; Je congnois folz nourriz de cresme; Je congnois le vin à la tonne : Je congnois tout, fors que moy-mesme.
Je congnois cheval du mullet;
Je congnois leur charge et leur somme; Je congnois Bietrix et Bellet;
Je congnois gect qui nombre et somme; Je congnois vision en somme;
Je congnois la faulte des Boesmes; Je congnois le povoir de Romme: Je congnois tout, fors que moy-mesme.
Prince, je congnois tout en somme; Je congnois coulorez et blesmes; Je congnois mort, qui nous consomme : Je congnois tout, fors que moy-mesme.
AU bon vieulx temps un train d'amour regnoit
Qui sans grand art et dons se demenoit,
Si qu'un bouquet donné d'amour profonde, C'estoit donné toute la terre ronde,
Car seulement au cueur on se prenoit.
Et si par cas à jouyr on venoit,
Sçavez-vous bien comme on s'entretenoit ? Vingt ans, trente ans : cela duroit un monde Au bon vieulx temps.
Or est perdu ce qu'amour ordonnoit :
Rien que pleurs feincts, rien que changes on n'oyt. Qui vouldra donc qu'à aymer je me fonde,
Il faut premier que l'amour on refonde, Et qu'on la meine ainsi qu'on la menoit Au bon vieulx temps.
MIGNONNE, allons voir si la rose
Qui, ce matin, avoit desclose
Sa robe de pourpre au soleil, A point perdu, cette vesprée Les plis de sa robe pourprée Et son teint au vostre pareil.
Las! voyez comme, en peu d'espace, Mignonne, elle a dessus la place, Las, las, ses beautez laissé cheoir! O vrayment marastre nature, Puisqu'une telle fleur ne dure Que du matin jusques au soir!
Donc, si vous me croyez, mignonne, Tandis que votre age fleuronne En sa plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez vostre jeunesse : Comme à cette fleur, la vieillesse Fera ternir vostre beauté.
pour boire dessus l'herbe tendre
Je veux sous un laurier m'estendre,
Et veux qu'Amour d'un petit brin
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