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Si, longtemps, des feux du soleil

Il pouvait garantir une fosse inconnue !

Enfants! dites-le-moi, l'heure est si bien venue!
Il fait froid. Il est tard. Je souffre, et j'ai sommeil.

BÉRANGER

LE ROI D'YVETOT

L était un roi d'Yvetot

IL

Peu connu dans l'histoire,

Se levant tard, se couchant tôt,

Dormant fort bien sans gloire,

Et couronné par Jeanneton

D'un simple bonnet de coton,

Dit-on.

Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah!
Quel bon petit roi c'était là !

La, la.

Il faisait ses quatre repas

Dans son palais de chaume,

Et sur un âne, pas à pas,

Parcourait son royaume.

Joyeux, simple et croyant le bien,
Pour toute garde il n'avait rien
Qu'un chien.

Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah!
Quel bon petit roi c'était là !

La, la.

Il n'avait de goût onéreux

Qu'une soif un peu vive;

Mais, en rendant son peuple heureux,
Il faut bien qu'un roi vive.

Lui-même, à table et sans suppôt,

Sur chaque muid levait un pot
D'impôt.

Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah!
Quel bon petit roi c'était là !

La, la.

Aux filles de bonnes maisons
Comme il avait su plaire,

Ses sujets avaient cent raisons
De le nommer leur père.

D'ailleurs il ne levait de ban

Que pour tirer, quatre fois l'an,
Au blanc,

Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah!
Quel bon petit roi c'était là !

La, la.

Il n'agrandit point ses États,
Fut un voisin commode,
Et, modèle des potentats,

Prit le plaisir pour code.

Ce n'est que lorsqu'il expira
Que le peuple, qui l'enterra,

Pleura.

Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah!

Quel bon petit roi c'était là!

La, la.

On conserve encor le portrait

De ce digne et bon prince: C'est l'enseigne d'un cabaret

Fameux dans la province.

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Les jours de fête, bien souvent,
La foule s'écrie en buvant

Devant :

Oh! oh! oh! oh! ah! ah! ah! ah!
Quel bon petit roi c'était là !

La, la.

LE VILAIN

HÉ quoi ! j'apprends que l'on critique

Le de qui précède mon nom.
Êtes-vous de noblesse antique?

Moi, noble? oh! vraiment, messieurs, non.
Non, d'aucune chevalerie

Je n'ai le brevet sur velin.

Je ne sais qu'aimer ma patrie...

Je suis vilain et très vilain...

Je suis vilain,

Vilain, vilain.

Ah! sans un de j'aurais dû naître ;
Car, dans mon sang si j'ai bien lu,
Jadis mes aïeux ont d'un maître
Maudit le pouvoir absolu.
Ce pouvoir, sur sa vieille base,
Étant la meule du moulin,

Ils étaient le grain qu'elle écrase.
Je suis vilain et très vilain,
Je suis vilain,

Vilain, vilain.

Jamais aux discordes civiles

Mes braves aïeux n'ont pris part;
De l'Anglais aucun dans nos villes
N'introduisit le léopard;

Et quand l'Église, par sa brigue,
Poussait l'État vers son déclin,
Aucun d'eux n'a signé la Ligue.
Je suis vilain et très vilain,
Je suis vilain,

Vilain, vilain.

Laissez-moi donc sous ma bannière,
Vous, messieurs, qui, le nez au vent,
Nobles par votre boutonnière,
Encensez tout soleil levant.

J'honore une race commune,
Car, sensible, quoique malin,
Je n'ai flatté
que l'infortune.

Je suis vilain et très vilain, .
Je suis vilain,

Vilain, vilain.

MON HABIT

COIS-MOI fidèle, ô pauvre habit que j'aime !
Ensemble nous devenons vieux.

Depuis dix ans je te brosse moi-même,
Et Socrate n'eût pas fait mieux.

Quand le sort à ta mince étoffe
Livrerait de nouveaux combats,
Imite-moi, résiste en philosophe :
Mon vieil ami, ne nous séparons pas.

Je me souviens, car j'ai bonne mémoire,
Du premier jour où je te mis.

C'était ma fête, et, pour comble de gloire,
Tu fus chanté par mes amis.

Ton indigence, qui m'honore,

Ne m'a point banni de leurs bras.

Tous ils sont prêts à nous fêter encore:
Mon vieil ami, ne nous séparons pas.

A ton revers j'admire une reprise :
C'est encore un doux souvenir.
Feignant un soir de fuir la tendre Lise,
Je sens sa main me retenir.

On te déchire, et cet outrage

Auprès d'elle enchaîne mes pas.

Lisette a mis deux jours à tant d'ouvrage :
Mon vieil ami, ne nous séparons pas.

T'ai-je imprégné des flots de musc et d'ambre

Qu'un fat exhale en se mirant ?

M'a-t-on jamais vu dans une antichambre

T'exposer au mépris d'un grand ?

Pour des rubans la France entière
Fut en proie à de longs débats;

La fleur des champs brille à ta boutonnière :
Mon vieil ami, ne nous séparons pas.

Ne crains plus tant ces jours de courses vaines

Où notre destin fut pareil;

Ces jours mêlés de plaisirs et de peines,

Mêlés de pluie et de soleil.

Je dois bientôt, il me le semble,

Mettre pour jamais habit bas.

Attends un peu; nous finirons ensemble:

Mon vieil ami, ne nous séparons pas.

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