Arrachant leurs filles tremblantes
Des bras d'un soldat effréné.
Juges insensés que nous sommes, Nous admirons de tels exploits! Est-ce donc le malheur des hommes Qui fait la vertu des grands rois? Leur gloire, féconde en ruines, Sans le meurtre et sans les rapines Ne saurait-elle subsister? Images des Dieux sur la terre, Est-ce par des coups de tonnerre Que leur grandeur doit éclater?
Montrez-nous, guerriers magnanimes, Votre vertu dans tout son jour, Voyons comment vos cœurs sublimes Du sort soutiendront le retour. Tant que sa faveur vous seconde, Vous êtes les maîtres du monde,
Votre gloire nous éblouit;
Mais au moindre revers funeste,
Le masque tombe, l'homme reste, Et le héros s'évanouit.
SUR LA MORT D'UNE JEUNE FILLE
SON âge échappait à l'enfance ;
Riante comme l'innocence,
Elle avait les traits de l'Amour.
Quelques mois, quelques jours encore, Dans ce cœur pur et sans détour
Le sentiment allait éclore.
Mais le ciel avait au trépas Condamné ses jeunes appas; Au ciel elle a rendu sa vie, Et doucement s'est endormie, Sans murmurer contre ses lois. Ainsi le sourire s'efface;
Ainsi meurt sans laisser de trace
Le chant d'un oiseau dans les bois.
'AI révélé mon cœur au Dieu de l'innocence; Il a vu mes pleurs pénitents:
Il guérit mes remords, il m'arme de constance; Les malheureux sont ses enfants.
Mes ennemis, riant, ont dit dans leur colère : Qu'il meure et sa gloire avec lui !
Mais à mon cœur calmé le Seigneur dit en père: Leur haine sera ton appui.
A tes plus chers amis ils ont prêté leur rage : Tout trompe ta simplicité :
Celui que tu nourris court vendre ton image Noire de sa méchanceté.
Mais Dieu t'entend gémir; Dieu, vers qui te ramène Un vrai remords né des douleurs ;
Dieu qui pardonne, enfin, à la nature humaine D'être faible dans les malheurs.
"J'éveillerai pour toi la pitié, la justice De l'incorruptible avenir.
Eux-même épureront, par un long artifice, Ton honneur qu'ils pensent ternir."
Soyez béni, mon Dieu, vous qui daignez me rendre L'innocence et son noble orgueil; Vous qui, pour protéger le repos de ma cendre, Veillerez près de mon cercueil !
Au banquet de la vie, infortuné convive, J'apparus un jour, et je meurs !
Je meurs, et sur ma tombe, où lentement j'arrive, Nul ne viendra verser des pleurs.
Salut, champs que j'aimais, et vous, douce verdure, Et vous, riant exil des bois !
Ciel, pavillon de l'homme, admirable nature, Salut pour la dernière fois!
Ah! puissent voir longtemps votre beauté sacrée Tant d'amis sourds à mes adieux!
Qu'ils meurent pleins de jours, que leur mort soit pleurée, Qu'un ami leur ferme les yeux !
LA MARSEILLAISE
ALLONS, enfants de la patrie,
Le jour de gloire est arrivé;
Contre nous de la tyrannie L'étendard sanglant est levé. Entendez-vous dans ces campagnes Mugir ces féroces soldats ?
Ils viennent jusque dans nos bras Égorger nos fils, nos compagnes !
Aux armes, citoyens! formez vos bataillons! Marchons, marchons!
Qu'un sang impur abreuve nos sillons!
Que veut cette horde d'esclaves, De traîtres, de rois conjurés ? Pour qui ces ignobles entraves, Ces fers dès longtemps préparés ? Français, pour nous, ah! quel outrage! Quels transports il doit exciter! C'est nous qu'on ose méditer De rendre à l'antique esclavage! Aux armes, citoyens! etc.
Quoi! ces cohortes étrangères Feraient la loi dans nos foyers! Quoi! ces phalanges mercenaires Terrasseraient nos fiers guerriers ! Grand Dieu! par des mains enchaînées Nos fronts sous le joug se ploieraient ! De vils despotes deviendraient
Les maîtres de nos destinées ! Aux armes, citoyens ! etc.
Tremblez, tyrans, et vous, perfides, L'opprobre de tous les partis; Tremblez vos projets parricides, Vont enfin recevoir leur prix ! Tout est soldat pour vous combattre ; S'ils tombent, nos jeunes héros, La France en produit de nouveaux Contre vous tout prêts à se battre ! Aux armes, citoyens! etc.
Français, en guerriers magnanimes, Portez ou retenez vos coups;
Épargnez ces tristes victimes A regret s'armant contre nous; Mais ces despotes sanguinaires, Mais les complices de Bouillé, Tous ces tigres qui sans pitié Déchirent le sein de leurs mères ! Aux armes, citoyens, etc.
Amour sacré de la patrie,
Conduis, soutiens nos bras vengeurs:
Liberté, Liberté chérie,
Combats avec tes défenseurs !
Sous nos drapeaux que la Victoire Accoure à tes mâles accents;
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire Aux armes, citoyens! etc.
Nous entrerons dans la carrière Quand nos aînés n'y seront plus; Nous y trouveront leur poussière Et la trace de leurs vertus ! Bien moins jaloux de leur survivre Que de partager leur cercueil, Nous aurons le sublime orgueil De les venger ou de les suivre !
Aux armes, citoyens! formez vos bataillons! Marchons, marchons!
Qu'un sang impur abreuve nos sillons.
« PreviousContinue » |