Sur tous ceux dont le sang coula Sur le pavé des grandes routes, Je ramasserai dans les tours Du pain sans blé des derniers jours; Dans nos champs défoncés encore, Ainsi qu'un monument sacré, Car je t'aime dans tes malheurs, J'aime avec lui tes vieilles vignes, D'où nos ancêtres ont tiré Leur force et leur génie insignes. Quand j'ai de tes clochers tremblants De ma vie entière en tes flancs. Pris d'une pitié jalouse Et navré d'un tardif remords, LE CE QUI DURE E présent se fait vide et triste, Nous ne voyons plus sans envie Que de jeunesse emporte l'heure, Mon vrai cœur, celui qui s'attache Mon cœur d'enfant, le cœur sans tache Ce cœur où plus rien ne pénètre, Et, s'il peut braver la mort même, LES INFIDÈLES E t'aime, en attendant mon éternelle épouse, Celle qui doit venir à ma rencontre un jour, Dans l'immuable Éden, loin de l'ingrat séjour Où les prés n'ont de fleurs qu'à peine un mois sur douze, Je verrai devant moi, sur l'immense pelouse Où se cherchent les morts pour l'hymen sans retour, Et je te trahirai sans te rendre jalouse; Car toi-même, élisant ton époux éternel, LES AMOURS TERRESTRES NOS yeux se sont croisés et nous nous sommes plu. Dans le double infini du temps et de l'espace Moi, pour te joindre ici le jour qu'il a fallu, Les terrestres amours ne sont qu'une aventure: Soupirent vainement, et nous pleurons loin d'eux; C'est lui que tu pressens en moi, qui lui ressemble, Ce qui m'attire en toi, c'est elle, et tous les deux Nous croyons nous aimer en les cherchant ensemble. Sur chaque bête un mot énorme Ah! dans ce lent apprentissage Maintenant j'ai vu la Nature Car il est un mot que j'ignore NOUS PROSPERONS NOUS prospérons ! Qu'importe aux anciens malheu reux, Aux hommes nés trop tôt, à qui le sort fut traître, Qui n'ont fait qu'e Dont même les Hélas! leurs desce Car nous n'inventon rer, souffrir et disparaître, qux aujourd'hui sonnent creux! ne peuvent rien pour eux, Quand je songe à ces morts, e moderne bien-être La tâche humaine est longue et sa fin décevante: Seule aura sans tourment tous ses greniers comblés, Et les premiers auteurs de la glèbe féconde LE COMPLICE J'AI bon cœur, je ne veux à nul être aucun mal, Mais je retiens ma part des boeufs qu'un autre assomme, Et, malgré ma douceur, je suis bien aise en somme Je suis juste, et je sens qu'un pauvre est mon égal, Je suis probe, mon bien ne doit rien à personne, |