Ma chansonnette, prends ton vol ! Tu n'es qu'un faible hommage;
Mais qu'en avril le rossignol
Chante, et la dédommage;
Qu'effrayé par ses chants d'amour, L'oiseau du cimetière
Longtemps, longtemps, se taise pour La ferme et la fermière !
E livre est toute ma jeunesse ;
Je l'ai fait sans presque y songer.
Il y paraît, je le confesse,
Et j'aurais pu le corriger.
Mais quand l'homme change sans cesse, Au passé pourquoi rien changer? Va-t'en, pauvre oiseau passager; Que Dieu te mène à ton adresse!
Qui que tu sois, qui me liras, Lis-en le plus que tu pourras, Et ne me condamne qu'en somme.
Mes premiers vers sont d'un enfant, Les seconds d'un adolescent, Les derniers à peine d'un homme.
UE j'aime à voir, dans la vallée Désolée,
Se lever comme un mausolée
Les quatre ailes d'un noir moutier ! Que j'aime à voir, près de l'austére Monastère,
Au seuil du baron feudataire,
La croix blanche et le bénitier!
Vous, des antiques Pyrénées Les aînées,
Vieilles églises décharnées,
Maigres et tristes monuments,
Vous que le temps n'a pu dissoudre, Ni la foudre,
De quelques grands monts mis en poudre N'êtes-vous pas les ossements?
J'aime vos tours à tête grise, Où se brise
L'éclair qui passe avec la brise. J'aime vos profonds escaliers Qui, tournoyant dans les entrailles Des murailles,
A l'hymne éclatant des ouailles Font répondre tous les piliers !
Oh! lorsque l'ouragan qui gagne La campagne,
Prend par les cheveux la montagne,
Que le temps d'automne jaunit,
Que j'aime, dans le bois qui crie
Les vieux clochers de l'abbaye, Comme deux arbres de granit !
Que j'aime à voir dans les vesprées Empourprées,
Jaillir en veines diaprées
Les rosaces d'or des couvents!
Oh! que j'aime, aux voûtes gothiques Des portiques,
Les vieux saints de pierre athlétiques Priant tout bas pour les vivants!
POÈTE, prends ton luth et me donne un baiser;
La fleur de l'églantier sent ses bourgeons éclore. Le printemps naît ce soir; les vents vont s'embraser; Et la bergeronnette, en attendant l'aurore,
Aux premiers buissons verts commence à se poser. Poète, prends ton luth, et me donne un baiser.
Comme il fait noir dans la vallée !
J'ai cru qu'une forme voilée
Flottait là-bas sur la forêt.
Elle sortait de la prairie ;
Son pied rasait l'herbe fleurie;
C'est une étrange rêverie;
Elle s'efface et disparaît.
Poète, prends ton luth; la nuit, sur la pelouse, Balance le zéphyr dans son voile odorant. La rose, vierge encor, se referme jalouse Sur le frelon nacré qu'elle enivre en mourant.
Écoute! tout se tait; songe à ta bien-aimée. Ce soir, sous les tilleurs, à la sombre ramée Le rayon du couchant laisse un adieu plus doux. Ce soir, tout va fleurir: l'immortelle nature Se remplit de parfums, d'amour et de murmure, Comme le lit joyeux de deux jeunes époux.
Pourquoi mon cœur bat-il si vite? Qu'ai-je donc en moi qui s'agite Dont je me sens épouvanté ? Ne frappe-t-on pas à ma porte? Pourquoi ma lampe à demi morte M'éblouit-elle de clarté ?
Dieu puissant! tout mon corps frissonne. Qui vient? qui m'appelle ?—Personne. Je suis seul; c'est l'heure qui sonne; O solitude! ô pauvreté !
Poète, prends ton luth; le vin de la jeunesse Fermente cette nuit dans les veines de Dieu. Mon sein est inquiet; la volupté l'oppresse, Et les vents altérés m'ont mis la lèvre en feu. O paresseux enfant ! regarde, je suis belle. Notre premier baiser, ne t'en souviens-tu pas, Quand je te vis si pâle au toucher de mon aile, Et que, les yeux en pleurs, tu tombas dans mes bras? Ah! je t'ai consolé d'une amère souffrance! Hélas! bien jeune encor, tu te mourais d'amour. Console-moi ce soir, je me meurs d'espérance; J'ai besoin de prier pour vivre jusqu'au jour.
Est-ce toi dont la voix m'appelle, O ma pauvre Muse! est-ce toi ? O ma fleur! ô mon immortelle ! Seul être pudique et fidèle
Où vive encor l'amour de moi ! Oui, te voilà, c'est toi, ma blonde, C'est toi, ma maîtresse et ma sœur ! Et je sens, dans la nuit profonde, De ta robe d'or qui m'inonde
Les rayons glisser dans mon cœur.
Poète, prends ton luth; c'est moi, ton immortelle, Qui t'ai vu cette nuit triste et silencieux,
Et qui, comme un oiseau que sa couvée appelle, Pour pleurer avec toi descends du haut des cieux. Viens, tu souffres, ami. Quelque ennui solitaire Te ronge, quelque chose a gémi dans ton cœur; Quelque amour t'est venu, comme on en voit sur terre, Une ombre de plaisir, un semblant de bonheur. Viens, chantons devant Dieu; chantons dans tes pensées ; Dans tes plaisirs perdus, dans tes peines passées ; Partons, dans un baiser, pour un monde inconnu. Éveillons au hasard les échos de ta vie, Parlons-nous de bonheur, de gloire et de folie, Et que ce soit un rêve, et le premier venu. Inventons quelque part des lieux où l'on oublie ; Partons, nous sommes seuls, l'univers est à nous. Voici la verte Écosse et la brune Italie,
Et la Grèce, ma mère, où le miel est si doux, Argos, et Ptéléon, ville des hécatombes, Et Messa, la divine, agréable aux colombes; Et le front chevelu du Pélion changeant;
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