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Le Chant de Ceux Qui s'en Vont sur Mer 123

Maintenant mon regard ne s'ouvre qu'à demi :

Je ne me tourne plus même quand on me nomme;
Je suis plein de stupeur et d'ennui, comme un homme
Qui se lève avant l'aube et qui n'a pas dormi.

Je ne daigne plus même, en ma sombre paresse,
Répondre à l'envieux dont la bouche me nuit.
O Seigneur! ouvrez-moi les portes de la nuit,
Afin que je m'en aille et que je disparaisse !

LE CHANT DE CEUX QUI S'EN VONT SUR MER

(Air breton.)

DIEU, patrie!

AD

L'onde est en furie.

Adieu, patrie,

Azur !

Adieu, maison, treille au fruit mûr,

Adieu, les fleurs d'or du vieux mur!

Adieu, patrie!

Ciel, forêt, prairie,

Adieu, patrie,

Azur!

Adieu, patrie!

L'onde est en furie.

Adieu, patrie,

Azur !

Adieu, fiancée au front pur,

Le ciel est noir, le vent est dur.

Adieu, patrie!

Lise, Anna, Marie!

Adieu, patrie,

Azur!

Adieu, patrie.

L'onde est en furie.
Adieu, patrie,
Azur!

Notre œil que voile un deuil futur
Va du flot sombre au sort obscur.

Adieu, patrie!

Pour toi mon cœur prie.

Adieu, patrie,

Azur !

LUNA

FRANCE, quoique tu sommeilles, Nous t'appelons, nous, les proscrits! Les ténèbres ont des oreilles,

Et les profondeurs ont des cris.

Le despotisme âpre et sans gloire
Sur les peuples découragés
Ferme la grille épaisse et noire
Des erreurs et des préjugés;

Il tient sous clef l'essaim fidèle
Des fermes penseurs, des héros,
Mais l'Idée avec un coup d'aile
Écartera les durs barreaux,

Et, comme en l'an quatre-vingt-onze,
Reprendra son vol souverain ;
Car briser la cage de bronze,

C'est facile à l'oiseau d'airain,

L'obscurité couvre le monde,
Mais l'Idée illumine et luit;
De sa clarté blanche elle inonde

Les sombres azurs de la nuit.

Elle est le fanal solitaire,
Le rayon providentiel.

Elle est la lampe de la terre
Qui ne peut s'allumer qu'au ciel.
Elle apaise l'âme qui souffre,
Guide la vie, endort la mort;
Elle montre aux méchants le gouffre,
Elle montre aux justes le port.

En voyant dans la brume obscure
L'Idée, amour des tristes yeux,
Monter calme, sereine et pure,
Sur l'horizon mystérieux,

Les fanatismes et les haines
Rugissent devant chaque seuil
Comme hurlent les chiens obscènes
Quand apparaît la lune en deuil.

Oh! contemplez l'Idée altière,
Nations! son front surhumain
A, dès à présent, la lumière
Qui vous éclairera demain!

LE CHASSEUR NOIR

QU'ES-TU

U'ES-TU, passant? Le bois est sombre,
Les corbeaux volent en grand nombre,
Il va pleuvoir.

Je suis celui qui va dans l'ombre,

Le chasseur noir !

Les feuilles des bois, du vent remuées, Sifflent... on dirait

Qu'un sabbat nocturne emplit de huées
Toute la forêt ;

Dans une clairière, au sein des nuées,
La lune apparaít.

Chasse le daim, chasse la biche,

Cours dans les bois, cours dans la friche, Voici le soir.

Chasse le czar, chasse l'Autriche,

O chasseur noir !

Les feuilles des bois, etc.

Souffle en ton cor, boucle ta guêtre,
Chasse les cerfs qui viennent paître
Près du manoir.

Chasse le roi, chasse le prêtre,
O chasseur noir.

Les feuilles des bois, etc.

Il tonne, il pleut, c'est le déluge.
Le renard fuit, pas de refuge
Et pas d'espoir !

Chasse l'espion, chasse le juge,
O chasseur noir.

Les feuilles des bois, etc.

Tous les démons de saint Antoine
Bondissent dans la folle avoine

Sans t'émouvoir;

Chasse l'abbé, chasse le moine,
O chasseur noir!

Les feuilles des bois, etc.

Chasse les ours!

Ta meute jappe.

Que pas un sanglier n'échappe !

Fais ton devoir !

Chasse César, chasse le pape,
O chasseur noir!

Les feuilles des bois, etc.

Le loup de ton sentier s'écarte.
Que ta meute à sa suite parte!
Cours! Fais-le choir!

Chasse le brigand Bonaparte,
O chasseur noir !

Les feuilles des bois, du vent remuées,
Tombent... on dirait

Que le sabbat sombre aux rauques huées
A fui la forêt ;

Le clair chant du coq perce les nuées;
Ciel! L'aube apparaît !

Tout reprend sa force première.
Tu redeviens la France altière
Si belle à voir,

L'ange blanc vêtu de lumière,
O chasseur noir!

Les feuilles des bois, du vent remuées, Tombent... on dirait

Que le sabbat sombre aux rauques huées A fui la forêt !

Le clair chant du coq perce les nuées ; Ciel! L'aube apparaît !

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