Mon esprit qui sans voile Et qui n'a pour étoile Ma muse que les heures Qui, pleurant quand tu pleures, Reçois, mon bien céleste, Mon cœur, dont rien ne reste, OCEANO NOX OH! combien de marins, combien de capitaines Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines, Dans ce morne horizon se sont évanouis! Combien ont disparu, dure et triste fortune! Combien de patrons morts avec leurs équipages! Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues! Vous roulez à travers les sombres étendues, Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus. On s'entretient de vous parfois dans les veillées. Mêle encor quelque temps vos noms d'ombre couverts On demande :-Où sont-ils ? sont-ils rois dans quelque île ? Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire. Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue. De leur foyer et de leur cœur! Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière, Pas même un saule vert qui s'effeuille à l'automne, Pas même la chanson naïve et monotone Que chante un mendiant à l'angle d'un vieux pont ! Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires? NUITS DE JUIN L'ÉTE, lorsque le jour a fui, de fleurs couverte La plaine verse au loin un parfum enivrant; Les yeux fermés, l'oreille aux rumeurs entr'ouverte, On ne dort qu'à demi d'un sommeil transparent. Les astres sont plus purs, l'ombre paraît meilleure ; LA TOMBE DIT A LA ROSE LA tombe dit à la rose: -Des pleurs dont l'aube t'arrose Que fais-tu, fleur des amours? La rose dit à la tombe: Que fais-tu de ce qui tombe Dans ton gouffre ouvert toujours ? ES champs n'étaient point noirs, les cieux n'étaient pas LE mornes; Non, le jour rayonnait dans un azur sans bornes Sur la terre étendu, L'air était plein d'encens et les prés de verdures, L'automne souriait; les coteaux vers la plaine Et les oiseaux, tournés vers celui que tout nomme, Il voulut tout revoir, l'étang près de la source, Les retraites d'amour au fond des bois perdues, Il chercha le jardin, la maison isolée, La grille d'où l'œil plonge en une oblique allée, Pâle, il marchait. Au bruit de son pas grave et sombre Il voyait à chaque arbre, hélas! se dresser l'ombre Des jours qui ne sont plus. Il entendait frémir dans la forêt qu'il aime Ce doux vent qui, faisant tout vibrer en nous-même, Et, remuant le chêne ou balançant la rose, Les feuilles qui gisaient dans le bois solitaire, Ainsi, parfois, quand l'âme est triste, nos pensées Il contempla longtemps les formes magnifiques Tout le jour il erra le long de la ravine, Hélas! se rappelant ses douces aventures, Il erra tout le jour. Vers l'heure où la nuit tombe, Alors il s'écria: O douleur! j'ai voulu, moi dont l'âme est troublée, Savoir si l'urne encor conservait la liqueur, Et voir ce qu'avait fait cette heureuse vallée De tout ce que j'avais laissé là de mon cœur ! "Que peu de temps suffit pour changer toutes choses! Nature au front serein, comme vous oubliez ! Et comme vous brisez dans vos métamorphoses "Nos chambres de feuillage en halliers sont changées; Par les petits enfants qui sautent le fossé. “Un mur clôt la fontaine où, par l'heure échauffée, |