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CHAPITRE IV.

Descartes.

BODLEY

Voyez COUSIN. Cours de 1816. Leçon VI.

Cours de 1829. Leçon XI. - Le même.

Fragments de philosophie cartésienne, passim. JULES SIMON. Introduction aux œuvres de Descartes. - FR. BOUILLIER. Histoire et critique de la révolution cartésienne. BORDAS DEMOULIN. Le cartésianisme ou la véritable rénovation des sciences. PH. DAMIRON. Essai sur l'histoire de la philosophie en France au XVIIe siècle. Livre II. — CH. DE RÉMUSAT. Essais de philosophie. Essai II. —ROYER COLLARD. Fragments publiés par Jouffroi à la suite des œuvres de Reid. Tome III, p. 351–378. - Dictionn. des scienc. philos. aux mots Descartes et Cartesianisme.

I. René Descartes naquit en 1596 à La Haye, petite ville de la Touraine. Après avoir fait ses études au collège des Jésuites à la Flèche, il vint à Paris pour y apprendre le monde; un moment entraîné dans la vie de dissipation des jeunes gentilshommes qu'il y rencontra, il s'en retira bientôt pour se faire une espèce de solitude dans une petite maison écartée du faubourg St. Germain, où il échappa pendant deux ans aux recherches de ses anciens compagnons de plaisir. En 1618, cédant aux instances de son père, il embrassa le métier des armes, mais il y renonça bientôt et se mit à voyager en Allemagne, en Hollande et en Italie. De retour à Paris, il y passa trois années; enfin, tourmenté de ce besoin de retraite qu'il avait déjà éprouvé, il se détermina à aller habiter définitivement la Hollande, pays de

liberté et de travail, qui depuis longtemps possédait toutes ses sympathies. Descartes avait alors trente-trois ans. Depuis lors il ne fit plus en France que de courtes apparitions. Plus sage que Bacon, il s'enferma dans l'isolement et se consacra tout entier à la science. Il publia, en 1637, le Discours de la méthode, qui eut un grand retentissement et jeta les fondements de sa renommée; les Méditations parurent en 1641; les Principes de la philosophie en 1643, enfin le Traité de l'homme et de la formation du fœtus, en 1645. Sa philosophie s'était répandue avec une prodigieuse rapidité; une polémique ardente s'engagea sur les points principaux et l'enthousiasme des partisans de Descartes n'eut d'égal que l'acharnement de ses adversaires, parmi lesquels on sait qu'il faut compter surtout Hobbes et Gassendi. Fort de son inébranlable conviction, le philosophe soutenait la lutte avec une verve inépuisable et l'ardent courage qu'inspire une bonne cause : il ne voulait laisser aucune objection debout; il avait réponse à tout. Le P. Mersenne lui servait d'intermédiaire avec les savants amis ou ennemis dont aucun ne connaissait sa résidence qu'il changeait tout moment, pour échapper aux importuns qu'attirait sa réputation. En 1649, la reine Christine l'invita à se rendre à sa cour; Descartes céda par déférence, mais à regret. Il partit pour Stockholm, où sa santé ne tarda pas à s'altérer et où il mourut dès l'année 1650 (1).

(1) Aux travaux de Descartes, cités plus haut, il faut joindre le Traité des Passions, publié en français en 1649; le Traité de la lumière et les Lettres, publiés en 1664 par les soins de CLERSELIER et de ROHAUT. Les meilleures éditions de Descartes sont les suivantes : OEuvres complètes de Descartes, publiées par VICTOR COUSIN, 11 vol. in-8°, Paris, 1824-1826. OEuvres philosophiques de Descartes, 4 vol. in-8°, Ib. 1855, publiées par M. Ad. Garnier, avec une biographie de Descartes et une analyse de tous ses ouvrages. OEuvres de Descartes, 1 vol. (Bibl. Charp.), 1850, avec une introduction par M. JULES SIMON. Ce volume renferme le Discours de la méthode, les Méditations et le Traité des passions.

II. Doute méthodique. On résume habituellement tout le système de Descartes en ce seul mot doute méthodique. Exposer la marche que l'illustre penseur a suivie pour arracher la philosophie aux obscures et incertaines subtilités de la scholastique et l'élever à la hauteur de la véritable science, telle est la première partie de notre tâche. Nous présenterons ensuite, sous une forme résumée, les principales remarques critiques auxquelles peut donner lieu la doctrine cartésienne; nous regrettons que les limites de ce travail nous interdisent la discussion, mais nous nous efforcerons de ne rien omettre d'essentiel, et renverrons le lecteur pour les détails aux excellents travaux mentionnés en tête du présent chapitre.

Le Discours de la méthode, première œuvre philosophique de Descartes, exprime avec une puissance étonnante toute sa pensée. Ses travaux postérieurs sont tous en germe dans cet admirable manifeste, dont ils ne sont à vrai dire que le développement. Le Discours de la méthode se refuse à l'analyse; il faut le lire il est d'ailleurs si court, qu'on ne peut se dispenser de connaître par soi-même un ouvrage dont un excellent juge (1) a dit, « qu'il ne « croirait à la réalité des études philosophiques en France, que

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lorsqu'il le verrait entre les mains de tous les jeunes gens qui << étudient la philosophie. »>

De bonne heure, Descartes s'est aperçu que, dès ses premières années, il a reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce qu'il a depuis fondé sur des principes si mal assurés, ne saurait être que fort douteux et incertain; et dès lors il a jugé qu'il lui fallait entreprendre sérieusement une fois en sa vie de se défaire de toutes les opinions qu'il avait reçues auparavant en

(1) J. Droz.

sa créance, et commencer tout de nouveau dès les fondements, s'il voulait établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences. Pour accomplir ce dessein, il n'est point nécessaire que Descartes montre que toutes ses opinions sont fausses, ce qui serait d'un travail infini; mais parce que la ruine des fondements entraîne nécessairement avec soi tout le reste de l'édifice, il lui suffira de s'attaquer d'abord aux principes sur lesquels toutes ses anciennes opinions étaient appuyées. Quant au moyen de se défaire de tous les préjugés, qui dès l'enfance l'ont détourné de la connaissance de la vérité, le seul vraiment efficace sera de rejeter, comme absolument faux, tout ce en quoi il pourra imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne restera point après cela quelque chose en sa créance qui soit entièrement indubitable.

Tel est le point de départ de Descartes. Il doute assurément; mais son doute n'est pas le doute destructeur du scepticisme. Y a-t-il de la vérité? telle est la première question qu'il se pose, mais en la soulevant, il ne désespère pas de la résoudre affirmativement; loin de là! S'il est décidé à douter, il ne veut en définitive douter que des choses douteuses; il ne veut détruire que les affirmations hasardées et contestables de la fausse science; il cherche à donner à la science véritable sa base la plus solide; il ne tend, comme il le dit lui-même, « qu'à rejeter la terre mouvante et le sable pour trouver le roc ou l'argile. » « Ce n'est point sérieusement et tout de bon, dit-il encore, que l'on doute de ces choses, mais afin qu'ayant pour quelque temps mis part toutes celles qui peuvent laisser le moindre doute, nous voyions si après cela il n'y aurait pas moyen de trouver quelque vérité qui soit si ferme et si assurée que les plus opiniâtres n'en puissent aucunement douter. » En somme, le doute n'est

pour lui qu'un procédé logique; il croit fermement à la vérité. Ce qu'il veut, c'est examiner, c'est aller au fond des choses, c'est n'affirmer qu'à bon escient; et pour peu qu'on l'étudie, il paraît évident que l'esprit général de sa philosophie est l'affirmation. C'est ce que prouvera, nous l'espérons, l'analyse que nous allons poursuivre.

Avant de s'engager dans l'examen qu'il se propose de faire, Descartes se crée une méthode. Selon lui, le grand nombre de préceptes dont la logique de son temps était composée, en avait fait un art confus et obscur qui embarrassait l'esprit au lieu d'une science qui le cultivât. Il croit avoir assez des quatre règles suivantes, pourvu qu'il prenne la ferme et constante résolution de ne manquer pas une seule fois à les observer.

La première est de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, qu'il ne la connaisse évidemment être telle.

La seconde, de diviser chacune des difficultés qu'il examinera en autant de parcelles qu'il se pourra et qu'il sera requis pour les mieux résoudre.

La troisième, de conduire par ordre ses pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusques à la connaissance des plus composés.

Et la dernière, de faire partout des dénombrements si entiers et des revues si générales, qu'il soit assuré de ne rien omettre.

C'est armé de cette méthode, que le philosophe va entreprendre la revue de ses connaissances. Mais auparavant il se forme une morale par provision, afin de ne point demeurer irrésolu dans ses actions pendant que la raison l'obligera de l'ètre dans ses jugements. Cette morale se résume en un petit nombre de maximes, lesquelles étant mises à part avec les vérités de la

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