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lutte actuelle entre Schelling et l'école de Hégel, par le même. 1 vol. in-8°. Berlin, 1845 (190).

M. Michelet est, en même temps, l'un des plus célèbres et des plus fougueux partisans de Hégel; il admet les conséquences les plus extrêmes qu'enferme la pensée du maître; il appartient, en un mot, à la gauche hégélienne la plus avancée. C'est dire que ses appréciations sont très contestables sous plus d'un rapport. Cependant ses ouvrages offrent de l'intérêt et méritent d'être consultés. Le dernier, qui n'est que la reproduction d'un cours fait à Berlin en 1842, est particulièrement d'une lecture assez curieuse il donnera une idée de l'extrême animosité que M. de Schelling a suscitée contre lui parmi les adeptes de l'hégélianisme.

:

10. La Philosophie allemande, depuis Kant jusqu'à nos jours, considérée dans son développement scientifique et dans ses rapports avec la situation politique et sociale actuelle, par C. Biedermann, 2 vol. in-8°. Leipzick, 1843 (163).

L'auteur, comme l'indique le titre, examine surtout les systèmes au point de vue de leur utilité pratique et de la fécondité plus ou moins grande des applications auxquelles ils se prêtent. Cette utilité est pour lui la mesure de leur valeur. Nous ne dirons pas ici jusqu'à quel point ses recherches sont heureuses, mais nous mentionnerons le talent avec lequel il sait développer une théorie pour la résumer ensuite dans ses points fondamentaux et caractéristiques.

11. Les Penseurs de l'Allemagne depuis Kant (Deutschlands Denker seit Kant), 1 vol. in-8°. Dessau, 1851.

Ce volume est une des revues les plus récentes de la philosophie allemande. Če n'est guère qu'à ce titre que nous le mentionnons ici. L'auteur, qui garde l'anonyme, ne fait qu'analyser brièvement les doctrines, à peu près dans l'ordre de leur apparition, en donnant peu ou point de place à la critique. Mais en revanche, après avoir complaisamment exposé les théories impies et subversives de tout ordre social, émises par Strauss, Feuerbach et Ruge, il se prononce énergiquement en leur faveur, et prétend que la philosophie hégélienne, ayant dit son dernier mot par ces apôtres de l'absolu, pénètre de plus en plus dans la conscience du peuple, est mûre pour la pratique, et ne peut tarder de se traduire en fait. Dicu nous en préserve!

12. Le Livre de la Sagesse, ou Exposé des systèmes des plus célèbres penseurs de tous les temps. 2 vol. in-8°. Leipzick, Avenarius, 1851.

Ce livre, anonyme aussi, est dû, selon le prospectus qui l'a précédé, à une

plume d'une certaine réputation. Nous le croyons sans peine. Plus bref que le précédent dans ses analyses, il est néanmoins plus substantiel. Il est distribué avec beaucoup de méthode, et écrit avec une élégante simplicité. Il s'ouvre par des considérations générales sur la philosophie et son histoire, et embrasse celle-ci tout entière depuis les sept sages jusqu'aux derniers penseurs d'outre-Rhin. L'auteur adopte la doctrine de Schopenhauer, récemment reprise et développée par Reiff et Planck, et clôt son livre par ces mots : «La philosophie de l'avenir, métaphysique de la volonté, sera le couronnement de la sagesse. »

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B. Ouvrages français.

1. Histoire comparée des Systèmes de Philosophie, considérés relativement aux principes des connaissances humaines, par J. M. de Gérando. Deuxième partie. Histoire de la Philosophie moderne, à partir de la renaissance des lettres jusqu'à la fin du dix-huitième siècle, 4 vol. in-8°. Paris, Ladrange, 1847.

Ce livre parut pour la première fois en 1804. A cette époque, où le système de la sensation transformée régnait encore sans contestation, l'érudition philosophique était presque abandonnée. L'Histoire comparée se distinguait honorablement de toutes les productions d'alors, par la nature même du sujet, l'étendue des recherches et la modération des jugements. Cet ouvrage ne formait que trois volumes. Vingt ans après, en 1823, M. de Gérando commença la publication d'une seconde édition tellement modifiée et augmentée, qu'elle pouvait passer pour une œuvre toute nouvelle. Les quatre premiers volumes parurent seuls alors ils s'arrêtaient à la renaissance des lettres. M. Cousin constata (1) que la manière d'apprécier et de présenter les systèmes et les hommes y avait beaucoup gagné en impartialité et en élévation, et qu'un spiritualisme un peu vague encore à la vérité, avait succédé au condillacisme indécis de la première édition.

Ce spiritualisme s'est épuré dans les derniers volumes de l'ouvrage, qui n'ont été publiés qu'après la mort de l'auteur, par son fils et sur ses manuscrits. Les éloges mérités par la première partie le sont à plus juste titre encore par la seconde, qui touche plus particulièrement au sujet de nôtre ouvrage. Aussi y renvoyons-nous spécialement comme au guide que nous avons souvent suivi dans la partie de notre travail, relative à la période qui s'étend depuis la renaissance jusqu'à Kant. On ne peut d'ailleurs que gagner infiniment à la lecture et à la méditation d'un livre dont l'auteur, qui unissait à une haute intelligence le plus noble caractère et le cœur le plus généreux, a dit : « Ce travail se lie au but <«< de ma vie : il entre essentiellement dans la recherche de la propagation du vrai

(1) Fragm. phil., 4e édit., Tom. IV, p. 282.

<< et du bon et de leur alliance. » Et plus loin : « Faire briller le flambeau de la vérité, faire exhaler les parfums du bon sur la terre et dans la postérité, voilà « mon but, mon seul but (1). »

2. Précis de l'Histoire de la Philosophie, publié par MM. de Salinis et de Scorbiac, 5° édition. 1 vol. in-18. Bruxelles, 1845.

Ce petit manuel est trop connu pour qu'il soit nécessaire de le juger. Il est devenu classique dans nos universités, et la consécration du succès lui suffit trop bien pour qu'il ait besoin d'autre recommandation.

3. Dictionnaire des Sciences philosophiques, par une société de professeurs et de savants. 5 vol. en 10 livraisons les neuf premières ont paru. Paris, Hachette, 1844-51.

Ce Dictionnaire est le résumé substantiel des vues de l'école française actuelle. C'est l'encyclopédie la plus complète que nous connaissions des sciences relatives à l'homme intellectuel et moral. Sans juger ce livre qui ne pourrait être apprécié en quelques lignes, et dans lequel se rencontrent tous les noms qui se sont fait connaître, chez nos voisins, par des travaux philosophiques de quelque mérite, nous nous bornerons à citer ici la conclusion de l'article consacré à la philosophie allemande par M. Ad. Franck, membre de l'institut et directeur du recueil : « Une admiration aveugle serait aussi déplacée qu'un injuste dédain; il nous siérait mal, à nous en particulier, de nous laisser aller à l'engouement et à une imitation servile, quand l'insuffisance de ces doctrines est reconnue par les Allemands eux-mêmes; mais nous répéterons, au sujet de la philosophie allemande en général, ce que nous avons dit plus haut du dernier de ses systèmes : pour la dépasser il faut la connaître, et par conséquent l'étudier sérieusement. » Maintes fois, dans le cours de notre livre, nous aurons occasion de renvoyer aux remarquables articles, consacrés dans le Dictionnaire aux principaux penseurs de l'Allemagne.

4. Essai théorique et historique sur la génération des connaissances humaines, par M. Guill. Tiberghien, professeur de philosophie à l'Université libre de Bruxelles. 1 vol. in-8°. Bruxelles, 1844.

Cet ouvrage est le développement du mémoire de l'auteur, couronné par le jury du concours universitaire. M. Tiberghien expose sa théorie d'après le système

(1) Histoire comparée, Tom. I. Avertissement.

de Krause. La partie historique embrasse toutes les spéculations philosophipues, depuis les conceptions de l'Orient jusqu'à notre temps. Ce travail, qui fait autant d'honneur à la science de l'auteur qu'à sa haute et remarquable intelligence, nous a surtout été utile pour l'étude de la doctrine de Krause, doctrine dont M. Tiberghien est aujourd'hui l'un des soutiens les plus distingués.

5. Histoire de la Philosophie allemande, depuis Leibnitz jusqu'à Hégel, par le baron Barchou de Penhoën, 2 vol. in-8°. Paris, 1836.

Cet ouvrage a le mérite d'être le premier qui ait révélé à la France l'ensemble des doctrines philosophiques de l'Allemagne. Avant lui, la philosophie germanique n'avait donné lieu qu'à un fort petit nombre de publications, et encore ces publications, marquées d'un caractère de spécialité, ou se restreignaient aux théories d'un penseur isolé, ou ne saisissaient même ces théories que dans leurs applications à l'histoire, à l'art, à la nature, sans toucher à leur essence propre. M. Barchou de Penhoën s'est proposé de faire mieux. Il a voulu montrer le lien des systèmes divers, leur génération successive, et par-là présenter, en un tout complet, la période philosophique qu'il a embrassée. Son but principal est de contribuer à établir entre la France et l'Allemagne une alliance philosophique d'autant plus désirable à ses yeux, que la philosophie de l'avenir doit revêtir la forme d'un large éclectisme qui procéderait non par juxtaposition, mais par assimilation. Cet éclectisme devrait donc s'assimiler les résultats réalisés de la philosophie du XVIIIe siècle, - la philosophie allemande des cinquante dernières années, - les nouvelles doctrines sociales qui marquent déjà les premières années de notre siècle, enfin les sciences mathématiques. Nous ne pouvons nous prononcer ici sur la valeur de cette idée que l'auteur ne développe pas, parce que, comme luimême l'avoue, la forme générale de cette philosophie future est encore inaperçue de lui. Mais ce que nous pouvons signaler, c'est le remarquable talent d'exposition dont il fait preuve. Le système d'Hégel, si rebelle à se présenter sous une forme facilement saisissable, est surtout résumé avec une habileté particulière. Ajoutons que le style de M. Barchou de Penhoën, est assez attrayant pour faire oublier l'aridité trop souvent inhérente à son sujet.

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6. Histoire de la Philosophie allemande, depuis Kant jusqu'à Hégel, par J. Willm, inspecteur de l'Académie de Strasbourg. Ouvrage couronné par l'Institut, (Académie des sciences morales et politiques). 4 vol. in-8°. Paris, Ladrange, 1846.

L'éminente distinction qu'a obtenue ce livre, suffit pour attester sa valeur. Nous nous bornons à résumer les conclusions de M. de Rémusat, rapporteur de l'Académie. Les doctrines, examinées dans ce mémoire, ont été exposées avec développement, avec exactitude, avec intelligence, et sous ce rapport, c'est un ouvrage

sérieusement instructif... Sans doute on aurait pu désirer que l'auteur s'emparât avec plus d'autorité des doctrines qu'il étudie, mais un tel procédé serait moins sûr et n'inspirerait pas une aussi entière confiance que celui qui a été suivi. Il est impossible de n'être pas frappé de la connaissance très étendue que l'auteur a montrée de la langue, de l'histoire et des monuments de la philosophie allemande. Il est pénétré de son esprit et il le reproduit avec une consciencieuse fidélité. Quant à l'appréciation, elle est en général digne d'un juge éclairé; mais elle n'est pas toujours assez décisive. L'auteur semble hésiter à juger les doctrines au fond; il les apprécie en elles-mêmes plus que dans leur vérité absolue. On sent constamment qu'il aime beaucoup l'Allemagne et la philosophie, et qu'il lui en coûterait de dire tout ce qu'il en pense. Il s'est décidé cependant par moments, et à la fin il a exprimé une conclusion générale d'une juste sévérité. D'ailleurs, l'opinion philosophique qui règne dans tout cet écrit, n'est pas équivoque. L'auteur se prononce pour un rationalisme psychologique, qui respecte et raffermisse, en leur donnant une base scientifique, les principes généraux de la raison humaine et les croyances fondamentales de la morale et de la religion. En résumé, c'est un bon ouvrage, et un ouvrage utile, qui atteste un excellent esprit et dont la publication est très désirable dans l'intérêt des connaissances philosophiques.

7. De la Philosophie allemande, rapport à l'Académie des sciences morales et politiques, précédé d'une introduction sur les doctrines de Kant, Fichte, Schelling et Hégel, par C. de Rémusat, membre de l'Institut. 1 vol. in-8°. Paris, Ladrange, 1845.

L'introduction de ce volume est égale, sinon supérieure en importance, au rapport même qui en fait le fond, et qui porte sur le concours dont M. Willm fut lauréat. L'honorable rapporteur n'écrit pas, comme il le dit lui-même, une histoire de la philosophie. Il ne cherche qu'à réunir quelques observations générales que suggèrent les points principaux des quatre plus grands systèmes que l'Allemagne moderne ait produits. Il voudrait préparer par-là tout lecteur français à les mieux comprendre pour les mieux juger. Il se propose surtout d'être clair, et, pour y réussir, il traduit, autant que possible, dans le langage ordinaire, quelques idées fondamentales que les Allemands se plaisent à envelopper dans les obscurités d'une langue digne de la scolastique. Esprit juste, sage et ferme, M. de Rémusat ne pouvait manquer d'atteindre son but. Son travail, aussi remarquable par la pensée que par la forme, est un de ceux que nous avons étudié avec le plus de sympathie et le plus de fruit. Tout en reconnaissant que la philosophie française doit s'éclairer des lumières et s'enrichir des idées de la philosophie allemande, il conclut cependant que celle-ci ne réalise, à ses yeux, ni comme vérité, ni comme science, l'idéal de la philosophie. Nous sommes heureux de trouver occasion de déclarer, dès maintenant, que nos idées s'accordent, en ce point capital, avec celles d'un homme aussi éminent par l'intelligence qu'honorable par le caractère.

8. De l'État de la Philosophie moderne en Allemagne, par

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