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Furetière prétend qu'on l'emploie peu et Richelet le marque

d'une croix.

Toutefois les auteurs du XVII' siècle l'ont employé, même les plus châtiés. (1)

Richelet cite Desmarest (Vision. III, 2). Seulement cet exemple est du style comique. Dès lors on peut se demander si Malherbe trouvait ici le mot trop familier, ou si c'est sa sentence qui l'a condamné à la déchéance.

Renchûte est « noté » (2).

On pourrait croire qu'il y a là un vice de forme, car Littré ne cite qu'un exemple de renchute.

Mais en réalité c'était une forme archaïque, encore assez fréquente au XVI siècle.

Mellema, Nicot, Hulsius la donnent et Pasquier l'emploie (3). Au XVII siècle même, d'après le témoignage de Ant. Oudin ««< le commun peuple s'en servait » assez pour que ce grammairien recommandat de « ne pas s'arrester à cet usage, le vray mot étant recheute » (4).

Soldart (auj. soudard) est plusieurs fois souligné (D. II, son. 3; Rod. 239 ro; Div. Am. s. 12).

Desportes employait encore le mot comme Régnier, sans nuance péjorative (5). C'est ce sens probablement que Malherbe a voulu viser.

(1) Littré cite Th. Corneille.

(2) Am. d'H. son. 7, IV, 298.

(3) Let. XIX, 9.

(4) Gr. fr. p. 169.

(5) V. Reg. sat. X; Ep. I.

CHAPITRE V

DE LA CRÉATION DE MOTS DÉRIVÉS

Nous savons, particulièrement par Vaugelas, et nous avons eu déjà l'occasion d'en parler, que Malherbe a hasardé certains néologismes tels que officiosité (1), fleuraison (2), esclavitude (3), insidieux (4), sécurité (5).

Il n'en est pas moins l'ennemi acharné de toutes les innovations tentées dans la langue depuis cinquante ans. Et il ne semble guère, qu'il ait considéré l'utilité des mots qu'il supprime, ni leurs qualités propres, leur air français ou leur harmonie. L'usage seul le guide comme partout.

Dérivés

Accroist était un joli mot simple, formé comme surcroist, et très supérieur à accroissement. Le XVI siècle l'avait connu (6) et Desportes disait:

Par l'accroist d'un torrent plus fiere et plus hautaine

(1) « La courtoisie et l'officiosité, s'il m'est permis d'user de ce mot. (Œuv. III, 132. Let. 'de jan. 1610).

(2) D'après le témoignage de Mosant de Brieux cité par Sainte-Beuve XVI s. en France, p. 373, note.

(3) Vaugelas Rem., II, 124.

(4) Ib. I, 107.

(5) Ib. I, 112.

(6) V. Littré.

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Est ce Malherbe qui l'a arrêté dans sa fortune? « J'ai bien lu et ouï dire surcroist, remarque-t-il, mais jamais accroist pour accroissement. » (1)

En tous cas, depuis lors, on ne le trouve plus ni au sens abstrait ni au sens concret. Mais il faut dire que beaucoup de ces dérivés de thèmes verbaux se sont perdus d'eux-mêmes, la langue préférant contre toute euphonie les termes à suffixe lourd en ment ou tion.

Adjectifs en in.

Quelques-uns de ces adjectifs étaient anciens comme ivoirin (2), mais ils ne semble pas qu'ils aient été jamais bien usuels. Dans les poètes du commencement du XVI siècle, grands latiniseurs, comme on sait, on les trouve déjà en assez grand nombre. Louise Labé, ne voulant pas sans doute être en reste de science avec Maurice Scève emploie ébénin, marbrin et d'autres encore (4). La Pléiade reprit ces mots à l'école antérieure et en forma une foule de nouveaux: albastrin, cinabrin, cornin, laurierin, orin, perlin, pucelin, verrin, et jusqu'à horlogin (Baïf, Passe-temps 76) (5).

Malherbe, retrouvant ivoirin dans Desportes, en profite pour << donner congé » non seulement à celui-là, mais à ovin, marbrin, et « autres telles drôleries. >>

Larmoyable est un « mauvais mot » (6).

Fréquent dans les auteurs du XVIe siècle (7), cet adjectif ne semble cependant pas avoir été jamais bien naturalisé. Estienne ne

(1) Am. d'H, st. 5, IV, 327.

(2) V. dans Godefr. au mot ivoirin des exemples anciens. H. Estienne fait gloire à nos vieux poètes d'avoir par ces mots monstré leur hardiesse au langage estranger, et faict grand honneur au leur, comme quand pour purpureus ils ont diet pourprin; pour marmoreus marbrin, etc. (Préc. 193). (3) V. I, 131, 66.

(4) On retrouvera la plupart de ces mots dans le Dictionnaire de rimes de Des Accords (1587, p. 109-110) dans celui de La Noue (1596, p. 166, 167) et dans Nicot.

(5) Am. d'H. 82, IV, 322.

(6) Div. Am. comp. 4, IV, 444.

(7) V. Godefr.

le donne ni à flendus, ni à lacrymandus, ni à plorandus. Thierry l'a ajouté, mais entre crochets. D'après lui, Mellema, Hornkens, Nicot, Hulsius, Victor, C. Oudin et Cotgrave le reproduisent; mais je ne sache pas qu'on le retrouve plus loin que dans les premières années du XVII siècle. Ni l'Académie, ni Furetière, ni Richelet n'ont pris la peine de le condamner, ils l'ignoraient (1); van den Ende et Duez seuls le conservent.

Les adjectifs en eux sont très fréquents dans les poètes de la Pléiade, qui en emprunte quelques-uns au latin et forme les autres par analogie. Citons seulement : arbreux (Baïf, Po, 4) fruiteux (id. ib, 40) sourceux (id, ib. 41) huîtreux (Bel. I, 71).

Desportes emploie encore sueux :

D'une sueuse escume il est tout degoutant.

(Rød. fo 242 vo) (2). Malherbe a souligné ce mot dans son exemplaire. (3) Il ne veut pas non plus de soucieux (4); angoisseux lui paraît « étrange » (5).

Printanier ne trouve pas grâce non plus. Malherbe « n'aime point » ce mot (6). Il paraît être du XVIe siècle, où l'on avait créé aussi printannal et printannin. Les poètes l'avaient employé et le Trésor des épithètes de du Bartas, celui de M. de la Porte l'inscrivent parmi les épithètes de fleurs; en 1613 un recueil de vers paraît sous le nom de Bouquet printanier.

Néanmoins il s'en fallait bien qu'il fût enregistré dans toutes les nomenclatures. Estienne traduit verni flores par fleurs du printemps. Ni des Accords, ni La Noue ne semblent le connaître, pas plus que Thierry, Mellema, Nicot, ni Hulsius; Richelet le traite

(1) On peut voir par La Bruyère (XIV), et aussi par d'autres témoignages que larmoyer lui-même avait disparu du style noble.

(2) Malherbe a rayé aussi larveux. Masq. des visions, p. 462.

(3) Sueux n'est pas dans le Dict. de rimes de des Accords, mais on le trouve dans Nicot avec cet exemple: je suis tout sueux; van den Ende l'a

encore.

(4) El. II, av. 1. IV, 390, copie B. Cf. El. I, 14, IV, 371; Ib. II, Pyrom. IV, 384. (5) El. II, av. 1, IV, 392, copie B. Cf. Div. Am. comp. 4, IV, 443. (6) Berg. et Masc. chans. IV, 450; printanier est souligné à deux autres endroits dans le ms. original. (El. I, 14 et Epit. Compl. pour Henri III).

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