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Jacques de Champvalon, de l'illustre famille des Harlay, accompagné de ses deux fils (1), dù Laurens (2), Erard (3), le précepteurdu futur roi, Louis Lefebvre (4), l'éloquent et fidède avocat général Servin (5) et ses deux collègues, enfin Jacques Gillot (6), le célèbre collaborateur et ami de Rapin et de Passerat.

« A ce moment, un signe de Gillot fait si mal au poète qu'à peine peut-il respirer encore. Il ne s'éveille pas pourtant et la vision continue.

« Voici Pasquier (7), courbé par l'âge, les Sainte-Marthe, le Mareschal (8), Petau (9), Ribier (10), Dollé (11), Mor

(1) L'un, dont Rapin célèbre la piété, devint archevêque de Rouen, l'autre, Achille, continua la famille. (V. Blanchard, Les Présidents au mort., p. 245).

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(2) Sans doute le médecin du roi (V. Achard, H. ill. I, 440 et Peiresc Let à Dup., I, 107).

(3) Il s'agit probablement d'Ehrard (Jean) ingénieur, né à Bar-le-Duc, mort en 1620, auteur des traités intitulės: La fortification démontrée et : Les neufs premiers livres d'Euclide. (posthume). Il était admis au conseil royal.

(4) Il ne peut y avoir aucun doute sur cette identification, malgré la vulgarité du nom, car les vers de Rapin sont rappelés dans la collection des Eloges adressés à Nicolas Lefebvre. (Nicol. Fabri Opuscula, 1614. p. IV, Elog.). Rien du reste n'indique que cet intime de Pithou, ait été lié avec Desportes. Lebègue ne cite pas le poète au nombre des amis du défunt. Malherbe parle en termes émus de ce pauvre M. Lefèvre, et dit que c'était un homme de bien (III, 262.)

(5) Servin (Louis) nommé à cette charge en 1589. Il est un des premiers qui alent commencé la réforme de l'éloquence française.

(6) Gillot, le même auquel est adressé tout ce récit, avait été l'adversaire de la Ligue et avait même résigné son canonicat en 1582, pour la combattre. Il avait attaqué Desportes dans la Menippée. Mais, comme nous l'avons déjà vu, il y avait eu réconciliation. Il n'est mort qu'en 1619. (7) On connaît le distique de Pasquier à Desportes (Desp. éd. Mich. 490) Versibus ut lenis, comis sic moribus idem es,

Si lego te video, si videoque lego.

(8) In senatu patronus (Sainte-Marthe, Tumulus, 59. Ce fut l'exécuteur testamentaire de Desportes. Le poète lui laissa un saphir bleu en témoignage d'amitié.

(9) Conseiller au Parlement (1589).

(10) Conseiller d'Etat 1591) Ribier était parent de du Vair et Malherbe lui rendait visite (V. Malh. Lett., 28 oct. 1609; III, 112.

(11) Jurisconsulte, nonimé au conseil du Roi par M. de Médicis. Il refusa les sceaux. Mort en 1616.

nac (1), Bonnefons (2), Durand (3), Richelet (4), Rigaud (5), Brisson (6), Besly (7).

« A côté de tous ces amateurs de poésies et de belles lettres, s'avance une troupe d'hommes non moins considérable. On dirait la Chambre des comptes accompagnant le Parlement. Ce sont les critiques.

«En tête vient celui qui les domine tous, Scaliger accompagné de son rival Casaubon (8), puis Douza (9), Baudius (10),

(1) On serait d'abord tenté de traduire Mornacius par Mornay, mais celui ci figure ailleurs, autrement nommé. Il s'agit ici d'un ami de Rapin, avocat et poète, nommé Ant. Mornac, auteur des Feriæ forenses, dans lesquelles se trouve un éloge de Desportes. Mort en 1619. (V. Baillet, numéro 1397). 2 C'est à Bonnefons « à l'enmiellé pouce », l'ami de Rapin, qui pleura sa mort. Il avait alors, comme poète latin et français, une grande célébrité. (V. Baillet, no 1373. Une note renvoie au Menagiana, II, 367).

(3) Gilles Durand, sieur de la Bergerie, le délicat poète des Regrets sur la mort de l'âne ligueur et d'autres chefs-d'œuvre.

(4) Nic. Richelet, avocat au Parlement de Paris, éditeur de Ronsard, en 1623. Il était ami particulier de Rapin (V. Rapin, Œuvres, Tombeau). (5) Rigault, conseiller à Metz, puis à Paris, annotateur de nombreux onvrages latins, connu surtout pour ses travaux sur Tertullien et SaintCyprien,

(6) On serait tenté de croire que Rapin ressuscite pour la circonstance le célèbre président (mort en 1591), mais le reste du vers indique clairement qu'il s'agit d'une muse compatriote de celle de Rapin, c'est-à-dire habitant Fontenay-le-Comte. Or, Fontenay eut pour sénéchal le frère de Brisson, nommé Pierre, auquel succéda son fils François.

(7) Ce Belius, rapproché de Brisson, est sans aucun doute Besly son gendre. Il était avocat du roi à Fontenay. On trouve de lui des vers dans les œuvres de Rapin (p. 38). Mais il est surtout célèbre comme historien. En 1604, il commentait encore les hymnes de Ronsard. Voir les Lettres de Peiresc à Dupuy, 1, 770.

8) Ces noms sont bien connus. Ajoutons cependant que le Scaliger, ici présent, est Joseph et non Jules, mort en 1558.

9) Il y a eu toute une famille de savants de ce nom. Douza (van der Does), seigneur de Noordwyck, né en 1545, dont parle Baillet, numéro 434, est mort en 1604. Son fils Jean, éditeur de Plaute, était mort avant son père en 1596. (V. Baillet, numéro 417). Il ne peut donc être question, à moins que Rapin n'ait confondu, que de François Douza, frère du précédent. né en 1577, critique comme les deux autres, qui a publié en 1597 les fragments de Lucilius

(10) Il est assez étrange que Rapin, entre tant de titres qu'avait Baudius à être nommé ici, aille choisir celui qui rappelle la lutte de 1592 contre les Ligueurs, au nombre desquels comptait Desportes.

le vaillant et redoutable Archiloque, Drusius, le « grammairien divin » (1), Heinsius, et tous ceux qui sont groupés dans les PaysBas, où le Rhin répand la plaine de ses eaux (2).

« La France, de son côté, fournit ses lutteurs: Du Plessis Mornay, d'Aubigné, Constant (3), la Noue (4), tous ceux qui savent manier à la fois la plume et l'épée.

« On voit paraître encore Hotman (5), Certon (6), Bongars (7), Claude Chrestien (8), Castrin (9), et enfin Pierre Du Puy,

En qui vit tant recommandable

Le nom et l'honneur paternel.

(1) Ou Driesch, d'Oudenarde. Il s'était donné lui-même ce surnom, parce qu'il avait consacré la majeure partie de ses travaux aux textes sacrés. (V. Baillet, § 468, 738).

(2) Rapin désigne en bloc l'école alors célèbre de Leyde.

(3) Plusieurs personnages huguenots peuvent avoir été visés par Rapin, le nom de Constant étant très répandu. S'agit-il de l'ami et collaborateur de d'Aubigné, Aug. de Constant? (V Haag, la Fr. protest, Ile édit. IV, 594). On pourrait penser aussi au poète P. Constant. le fidèle défenseur de Henri IV.

(4) Odet de la Noue, fils de François, capitaine poète, auteur des Poésies chrétiennes. (Viol. le Duc, Bibl. I, 373), et probablement aussi du Dictionnaire des rimes françoises de 1572.

(5) François Hotman était mort en 1590, Antoine en 1596. Il est done question ici de Jean Hotman, sieur de Villiers, fils de François, auteur du traité sur les Ambassadeurs, le même que l'Estoile cite à chaque page.

(6) C'est l'auteur des vers leipogrammes de L. C. d. R. (Sedan, 1620). (7) Orléanais, né en 1546, mort en 1612. Ambassadeur d'Henri IV, Bongars était en même temps un bibliophile et un érudit. Son principal ouvrage est le Gesta Dei per Francos, mais il a laissé plusieurs autres choses, entre autres des lettres estimées, plus tard traduites par Port-Royal. (8) C'est le fils de Florent :

Claude, du docte Florent

Digne portrait, image vive,
Qui digne de ce nom se rend,

Et de Christ vraiment le dérive.

Ces vers, extraits du tombeau de Rapin (V. Rapin. (Eurres), sont la traduction paraphrasée du propre vers de Rapin. Il s'agit donc bien du même Claude « qui a patre et a Christi nomine nomen habet ». V. sur ce personnage Let. de Peireisc à Dupuy, 1, 387.

(9) Castrin, secrétaire de la Chambre du roi, ami de Rapin, « de son ame douce la chère et prétieuse part, dit la pièce que nous citions dans la note précédente.

Alors les coqs qui chantent, la lumière du matin qui entre éveillent le poète. Il repasse dans son esprit la lugubre cérémonie et toute la journée, comme si Desportes était vraiment mort, il reste sous l'impression de cette tristesse.

« Toi qui demeures près de lui, Gillot, s'écrie-t-il, délivre-moi de ces craintes. Les songes dont on se souvient sont vrais et se réalisent. >>

Tel est, allégé des formules et des chevilles qui ne servent qu'à remplir les distiques, le conte de Rapin.

Il n'est pas besoin de montrer que c'est une œuvre d'imagination. et non un récit historique.

Non pas qu'il faille en placer la composition avant la mort de Desportes, comme la fin semblerait y autoriser. C'est là encore une fiction. Pour trouver une conclusion moins banale que les souhaits ordinaires d'immortalité, jugeant aussi qu'un reste d'espérance donnerait à l'émotion sans cela uniforme du regret quelque variété, l'auteur a supposé sa vision antérieure à la mort de son ami.

Mais il l'a écrite plus tard, comme le prouvent différentes allusions. Comment eût-il su autrement que Monstreul verserait les premières larmes, c'est-à-dire composerait le premier tombeau (1)? » Comment eût-il deviné que les déesses porteraient des guirlandes de fleurs d'hiver violettes, jacinthes, roses et safran? » Qui lui eût indiqué avec cette sûreté que l'abbé mourrait en automne?

Il y a donc lieu de s'en tenir, malgré Rapin lui-même, au témoignage de Sainte-Marthe, ami de tout ce monde et qui était bien renseigné : « Quand il fut mort, nous dit-il, Rapin, peu avant de s'en aller lui-même du milieu des vivants, célébra ses funérailles dans un brillant poème latin (2). »

Rapin avait done vu les vraies obsèques de Desportes, lorsqu'il écrivit sa pièce, cela ne veut nullement dire qu'il les raconte, et la seconde partie du tableau, pour nous présenter des figurants plus

(1) L'Estoile a acheté ce tombeau parmi d'autres bagatelles, le 21 nov. 1606.

(2) Ste-Marth. Elog V. p 148. Rapin étant mort en février 1608, la pièce serait probablement de fin 1607.

BRUNOT

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réels que les dieux de l'Olympe ne les donne sans doute pas plus authentiques.

Cette longue procession où tout est mêlé, catholiques et huguenots, parlementaires et professeurs, musiciens et ambassadeurs, n'a jamais eu lieu ni rien sans doute qui lui ressemblât. C'est un cortège fait à plaisir où l'auteur a réuni autour de son héros tout ce qu'il trouvait d'illustre, sans s'embarrasser si les personnages étaient absents comme Scaliger, Baudius et Paschal. La liste est si bien ainsi composée de tête que plusieurs des amis que nous connaissons: Robert Estienne, Garnier, Deimier, qui, eux, étaient là sans doute le jour de l'enterrement, sont oubliés.

Dans ces conditions l'œuvre garde-t-elle une valeur documentaire quelconque? Peut-on considérer la liste dressée par Rapin au moins comme la liste des amis ou connaissances du défunt?

Ce serait encore s'abuser, croyons nous. Sans doute beaucoup de ceux qui figurent dans cette énumération ont été, nous le savons d'ailleurs, des amis de Desportes, de Thou, Bertaut, des Yveteaux, Baïf, Monstreul, Villeroy, Gillot, Pasquier, Sainte-Marthe, le Mareschal, Mornac, etc.

Il est vraisemblable que si des documents suffisants étaient conservés - ou même nous étaient connus, nous retrouverions la trace de ses relations avec d'autres encore; si un héritier imbécile n'avait pas vendu le Journal de l'Académie de Henri III, nous y verrions le poète en compagnie de quelques-uns des musiciens qui sont cités là. On peut même admettre comme probable que Desportes conseiller du roi a été lié avec ses collègues les Forget et les Thumery, mais ce n'est pas sur la foi de ce document qu'on doit compter parmi les siens toute la gent érudite et critique, les Baudius et les Casaubon, pour ne citer qu'eux.

En somme, la nomenclature qu'on pourrait extraire de l'élégie de Rapin serait à la fois et trop longue et trop courte. Il faudrait, pour être exact, rayer au moins provisoirement certains noms, et en ajouter certains autres. Nous avons déjà cité Deimier, Garnier. Les pièces même insérées dans les œuvres de Desportes

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