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pour le mettre en état, par le ministère des subdélégués, de pouvoir réussir dans une entreprise aussi nécessaire qu'édifiante.

Quant aux moyens de pourvoir à la subsistance du Père Garnier et d'un compagnon de sa mission, M. de Fontanieu proposa de leur faire fournir pareillement des chevaux pour aller d'un lieu dans un autre, et de leur accorder à chacun 500 livres par an, à prendre sur le produit de la régie des biens des religionnaires fugitifs. Il parait raisonnable que ce qui provient de la punition de l'erreur obstinée serve au rétablissement de la vérité, et il est difficile d'en imaginer un meilleur emploi. Cet arrangement fut approuvé par Son Eminence. Le Père Garnier a passé, en conséquence, de Chambéry dans la maison de Die, par ordre de ses supérieurs; mais il n'a pu encore commencer son ouvrage, parce qu'il est survenu quelques difficultés de la part de M. l'archevêque de Rouen, pour le paiement des 1,000 livres par an. Ces difficultés sont :

1° Que les missions n'ont pas produit du temps du feu roi les effets avantageux dont on s'était flatté; qu'il est à craindre que le clergé du diocèse de Die, étant aussi déréglé qu'on le dit être, ne détourne plutôt le peuple des exhortations que de l'y porter, et qu'il pense qu'une mission pourrait être infiniment plus utile pour la réforme de ce clergé;

2o Que la demande de prendre le paiement des missionnaires sur le produit de la régie a des inconvéniens, en ce qu'elle prive de nouveaux convertis de bonne foi d'une partie des pensions assignées sur cette régie; qu'on n'a donné jusqu'à présent aucune atteinte à cette destination, et que l'exemple en sera dangereux, parce que tous les évêques feront la même demande;

3° Que l'avis de M. l'archevêque de Rouen serait plutôt d'établir des maîtres et des maitresses d'école, parce que les missions ne sont qu'une instruction passagère.

Réponses. - 1o Si les missions n'ont pas produit de grands biens du temps du feu roi, M. de Fontanieu s'est fait rendre compte

exactement par ses subdélégués, et jamais il n'y en eut de plus favorables. C'est un objet digne de pitié que des malheureux qui ne persistent dans l'erreur que parce qu'ils attendent la vérité, qu'ils ne peuvent trouver eux-mêmes. A l'égard du clergé de Die, on convient qu'il aurait besoin d'une exacte réformation; mais il faut convenir aussi qu'il est difficile que cette réformation produise des effets utiles la principale cause du désordre provient de la modicité des revenus des curés dans un pays affreux, où il est presque impossible de fixer de bons sujets. La réformation du clergé ne remédiera pas à cet inconvénient, et quand elle le pourrait faire, serait-ce une raison pour laisser périr, en l'attendant, une infinité d'ames qui n'attendent que la voie du salut. A l'égard de l'objection de dire que les curés détourneront eux-mêmes leurs paroissiens des exhortations, c'est les présumer bien méchans, et s'ils le faisaient on saurait bien y remédier.

2o M. de Fontanieu persiste à croire que le produit de la punition de l'erreur ne peut être mieux employé qu'au rétablissement de la vérité. Il croit de plus que cet emploi, qui tend au salut d'une infinité d'ames, est préférable à la subsistance temporelle de quelques particuliers, qui peuvent trouver d'autres ressources dans leur travail; que 1,000 livres sur le total des pensions ne peuvent produire un effet sensible, et que l'exemple ne peut être d'aucune conséquence pour les autres diocèses, parce qu'il est certain qu'il y en a très-peu dans le royaume où il y ait autant de religionnaires que dans celui de Die, et que cette raison doit fermer la bouche à tous ceux de MM. les évêques qui demanderaient la même chose.

3o On ne peut espérer des maîtres et maîtresses d'école le fruit dont se flatte M. l'archevêque de Rouen. La réponse est sans réplique : il y en a partout; M. de Fontanieu y tient la main, et ils ne produisent aucun bien : premièrement, parce que où l'on ne peut trouver de bon curés, il est sensible que l'on ne peut trouver de bons maîtres d'école; secondement, parce que pour faire

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changer des huguenots obstinés par préjugés de famille et par éducation, il faut des exhortations plus fortes que celles de simples maîtres d'école de campagne, qui en seront infiniment plus utiles après que la mission aura disposé les cœurs à recevoir les impressions de la vérité.

Par ces raisons, M. de Fontanieu supplie très-humblement Son Eminence d'achever un établissement dont on espère tant de bien, et que M. l'évêque de Die désire lui-même avec empressement.

Fait à Grenoble, le 3 mai 17291.

1 Un second mémoire à la suite de celui-ci, et daté de Paris du 31 mars 1730, ne fait que reproduire les moyens qui viennent d'être énoncés. Il résulte de ce dernier mémoire que la mission projetée n'avait pas encore eu lieu par les empêchemens que faisait valoir l'archevêque de Rouen. L'intendant de Dauphiné, pour lever tous les obstacles, proposa d'imposer annuellement la province jusqu'à concurrence de la somme de 1,500 livres, et d'affecter ce revenu à l'entretien du Père Garnier et de ses collègues. Je n'ai pas trouvé dans la correspondance de Fontanieu que la mission projetée ait eu lieu.

(N. du D.)

BULLETIN

LITTÉRAIRE ET SCIENTIFIQUE.

CRITIQUE HISTORIQUE.

Ce n'est pas chose facile de contenter tout le monde, et certes il ne manque pas de gens doués de la faculté d'incriminer les intentions les plus pures. Nous nous étions efforcé d'introduire parmi les matériaux si divers dont se composent les élémens de rédaction de la Revue du Dauphiné, sinon un système d'unité, qui eût été chimérique, du moins un ensemble de vues et de principes généraux basés sur la sagesse et la modération des doctrines. Sous ce rapport, nous avions cru être à l'abri de tout reproche, et surtout il ne fût jamais venu en notre pensée que l'on pût imputer une tendance irréligieuse à notre publication. Mais il n'en a pas été ainsi, et voilà qu'un Bossuet de séminaire vient de mettre notre recueil à l'index avec une véhémence dont on ne saurait être trop édifié. Son courroux s'est apesanti surtout sur les recherches historiques relatives à la ville de Valence 1. Nos lecteurs se rappelleront que dans cet article, écrit sous l'influence d'un sentiment religieux élevé et critique, se trouve narrée la légende

1 Tome III, page 1 et suiv.

des trois martyrs Félix, Fortunat et Achillée, légende dont l'authenticité a été rejetée par les plus doctes écrivains de l'église. Or, c'est pour avoir reproduit cette opinion qu'un ecclésiastique, qui, avec la prudence du serpent, s'est couvert du voile de l'anonyme, nous a bravement accusé d'impiété dans une série d'articles insérés au Journal de la Drome et du Vivarais, N.o des 25 avril, 23, 26 et 30 mai 1838. Le Directeur de la Revue du Dauphiné s'est borné à faire les deux réponses suivantes, adressées au rédacteur du Courrier de la Drome :

PREMIÈRE LETTRE.

Monsieur, je viens de lire dans le Journal de la Drome et du Vivarais, N.° du 23 mai 1838, une homélie certainement fort édifiante, mais qui manque un peu de cet esprit de charité que l'on devait espérer de la plume pieuse dont elle émane. Il est sans doute fort louable de s'enflammer d'un saint zèle pour les choses de Dieu, mais il faut prendre garde que ce zèle ne fasse méconnaître le précepte de l'apôtre, de s'aimer les uns les autres.

Le vicaire qui a produit cette homélie, en gardant l'anonyme par humilité catholique, s'empresse d'annoncer au public qu'il lui fera la confidence périodique de toutes les pieuses colères que la dépravation du siècle, les publications hérétiques et immorales, et la présomption de jeunes imprudens qui consacrent leur plume au mensonge et à la raillerie, ont jetées dans son ame.

« Les sentimens humains, mon frère, que voilà! »

Puis s'excusant auprès de ses lecteurs sur le retard apporté à la publication de ses articles: Ils en seront avantageusement dėdommagés, dit-il, par le caractère d'intérêt imprimé à notre œuvre

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