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superstitieuses répandues dans le pays placent cette mine sous l'influence merveilleuse d'un génie : les habitans prétendent qu'elle est gardée par une jeune fille vêtue de blanc et armée d'une faux d'argent. Le minerai de la Cochette contient 36 kilogrammes de cuivre noir et 849 milligrammes d'or : malheureusement sa position au milieu des glaciers rend son exploitation presque impossible.

Au Buisson, près d'Allevard, on connaît un filon de fer spathique contenant beaucoup de cuivre gris argentifère et aurifère, en partie passé à l'état de carbonate. 100 kilogrammes de ce minerai ont donné 38 kilogrammes de cuivre, 4 kilog. d'argent et 3 grammes 158 millièmes d'or.

Sur la pente occidentale de la montagne de Theys, dans la combe du Merle, on a trouvé dans un filon de fer spathique des rognons de cuivre pyriteux qui, dit-on, renferment une certaine proportion d'or. On n'a jamais fait une analyse exacte de ce minerai'.

Les mines que nous venons de citer ne sont point les scules où il y ait de l'or. On peut affirmer qu'en général les nombreux filons de cuivre pyriteux, de cuivre gris et de fer sulfuré de l'Oisans, en contiennent une certaine quantité variable, le plus souvent très

1 Vers le commencement du siècle de Louis XIV, la mine d'or de Theys fut demandée en concession par Yves de Michel, sieur du Serre, qui obtint un arrêt favorable; mais cet arrêt ne fut pas enregistré, probablement parce que l'existence de la mine et les droits du demandeur n'étaient pas suffisamment établis. Yves de Michel, fatigué de solliciter, fit paraître un mémoire intitulé: Remontrance prẻsentée à M. le Duc d'Orléans par Yves Michel du Serre (Paris, 1651, in-4°). Il s'étend beaucoup, dans cet écrit, sur les avantages que l'on pouvait retirer de sa découverte, qu'il aunonce en ces termes : « Il y a plusieurs mines d'or et d'argent aux montagnes et vallons qui sont à main droite de la vallée de Graisivaudan ⚫ en Dauphiné, tirant contre la Savoie, et entre autres une qui est en un vallon > au-dessus du lieu de Theys, laquelle est si pure et si nette qu'elle donne des quatre parts les trois du plus fin or que l'on puisse voir en la nature. Elle est plantureuse et abondante...... »

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Yves de Michel ne put communiquer son enthousiasme à la cour, et la mine ne fut pas concédée.

petite. Ce fait résulte des essais entrepris dernièrement par la compagnie des mines d'Allemont, et du traitement en grand des minerais argentifères de l'Alp, du Villard-d'Arène, d'Oulles et d'autres lieux de l'Oisans. L'argent obtenu a été trouvé constamment aurifère et dans une proportion assez forte pour que son prix en fût augmenté.

De toutes les mines d'or du département de l'Isère, la plus célèbre est celle de la Gardette, située sur la commune de VillardEymont, à 6 kilomètres sud environ du Bourg-d'Oisans. La partic inférieure de la montagne se compose d'une roche granitique feuilletée, un peu talqueuse, que l'on rencontre souvent dans cette partie des Alpes. Les sommités sont formées d'un calcaire schisteux très-contourné appartenant au terrain secondaire. C'est dans la roche granitique qu'est encaissé le filon aurifère, dont la masse est un quartz compacte, cristallisé dans les fissures et les cavités. Sa puissance est peu considérable et ne dépasse pas 80 centimètres; il est dirigé de l'est à l'ouest, et plonge vers le sud sous un angle de 80 degrés. On l'a reconnu sur une hauteur de plus de 450 mètres, et sur toute cette étendue il conserve une régularité remarquable sous le rapport de la direction et de l'inclinaison. Les substances métalliques qui y sont disséminées sont très-nombreuses. On y remarque principalement le plomb à l'état de sulfure de phosphate et d'arseniure, le cuivre gris argentifère, le cuivre pyriteux, le zinc sulfuré, le fer carbonaté spathique, le fer pyriteux, le manganèse oxidé, enfin l'or, tantôt ratif et visible, tantôt caché et en mélange intime avec d'autres substances. L'or natif visible se présente en ramifications dendritiques qui, examinées à la loupe, paraissent composées de petits octaèdres implantés les uns dans les autres; ou bien il est sous forme de petites lamelles à surface contournée; quelquefois on le trouve en filamens déliés au milieu de cristaux de quartz hyalin. Rien de plus magnifique que ces derniers échantillons, où des cristaux limpides, entrelacés de filets d'or, joignent aux reflets de la lumière la plus pure l'éclat

d'une riche broderie. L'or qui n'est pas apparent est disséminé en proportions très-variables dans la plupart des minerais de plomb, de cuivre, de zinc et de fer qui partagent son gisement. Aux substances exploitables que renferme le filon il faut ajouter de belles aiguilles de quartz ou cristal de roche, qui tapissent les fentes et les cavités. Ces groupes de cristaux, quand ils sont très-limpides, sont recherchés pour la décoration des cabinets.

La première exploration de la mine de la Gardette date de 1700; elle avait été entreprise par des paysans qui abandonnèrent bientôt leurs travaux, faute de ressources pécuniaires et de connaissances suffisantes. En 1733, on y fit quelques recherches par ordre du roi, mais elles furent mal dirigées et n'obtinrent aucun succès. En 1765, des habitans de la Gardette, ayant commencé des fouilles pour extraire du cristal de roche, rencontrèrent des indices d'or sur des cristaux de plomb sulfuré et de quartz. Quelques années après, un nommé Laurent Garden trouva de nouveaux échantillons d'or bien caractérisés. En 1779, il en remit à M. Schreiber, qui dirigeait alors la fonderie d'Allemont. Cet habile minéralogiste en fit l'analyse, et reconnut sur les lieux qu'ils provenaient réellement du filon de la Gardette. L'existence de l'or dans cette localité fut alors parfaitement constatée. Comme ce filon aurifère se trouvait dans le périmètre de la concession de mines accordée en 1776 au comte de Provence, frère de Louis XVI, celui-ci, sur le rapport de M. Schreiber, ordonna des travaux de recherche et d'exploitation, qui furent commencés en 1781 et poursuivis pendant sept années sans interruption. On fit successivement vingt-deux attaques différentes communiquant au jour et consistant en puits, en galeries et gradins droits ou renversés. Parmi les puits ouverts à la surface, deux ont été creusés jusqu'à la profondeur de 15 à 20 mètres. Une galerie menée suivant la direction du filon a été prolongée jusqu'à 47 mètres de longueur. Outre les travaux extérieurs, on en exécuta d'autres encore plus étendus dans le sein de la montagne. Les principaux étaient un puits de 28 mètres de profondeur

et une galerie longue de 65 mètres, dans l'intérieur de laquelle se trouvaient trois puits et d'autres galeries transversales. Les espérances que l'on avait conçues sur la richesse du filon ne s'étant pas réalisées, les travaux furent abandonnés en 1788.

Les produits de l'exploitation furent une certaine quantité d'or fondu en lingot avec lequel on frappa quelques médailles, des échantillons de minerai d'or choisis qui furent vendus aux minéralogistes et aux curieux, enfin des cristaux de roche que l'on vendit également pour les cabinets. D'après une notice sur les mines et minières abandonnées publiée en 1826 par la direction générale des ponts et chaussées et des mines, la valeur totale de ce que l'on a extrait en or et en cristaux a été de 8,000 francs; d'un autre côté, les frais de recherche et d'exploitation se sont élevés à la somme de 27,371 francs par conséquent, la recette n'a pas égalé le tiers des dépenses1.

On ne peut qu'applaudir au projet formé par une compagnie de commencer de nouveaux travaux sur le filon de la Gardette. Il eût été, en effet, fâcheux de renoncer pour toujours à un gîte qui a donné dans un temps les plus belles espérances et d'où l'on a retiré des échantillons magnifiques, et il est peu probable qu'il soit épuisé. Toutefois, il résulte des faits que nous venons d'exposer que les actionnaires de cette entreprise doivent se défendre d'un enthousiasme qui serait peu fondé. Il ne s'agit pas, en effet, de l'exploitation d'une mine d'or, mais de travaux de recherche sur un filon aurifère déjà exploré, et dont les produits n'ont pas couvert, à beaucoup près, les dépenses. Il faut surtout considérer que, lors de la première tentative, rien n'a été négligé pour le succès. Le filon a été reconnu et fouillé sur presque toute sa hauteur; tous les points qui donnaient le plus d'espérances ont été successivement attaqués; quelques-uns ont été même l'objet de

1 Voyez, pour plus de détails sur la mine de la Gardette, une notice de M.. HERIGART DE THURY, dans le Journal des Mines, tome XX, page 103.

travaux considérables. Ce n'est qu'après sept années d'expérience et une exploration complète qu'on s'est décidé à abandonner le gîte. Ajoutons que les travaux de recherche et d'exploitation ont été conduits par un ingénieur dont le mérite n'est contesté par personne. Il est possible que l'on soit plus heureux que lui, mais ce ne sera point parce que l'on aura été plus habile et plus prudent.

SCIPION GRAS,

Ingénieur au corps royal des mines.

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