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à son terme, en réduisant, pour ainsi dire, au même niveau les éléments de la toilette des femmes, a développé chez elles toutes les ressources de leur adresse et de leur goût, en sorte que le but de toute parure semble être maintenant de donner à l'échantillon d'une étoffe un avantage marqué sur les autres échantillons de la même pièce, par la manière dont il est disposé et porté. Je serais donc tenté de croire qu'à part certaines erreurs de goût qui sont radicales sous notre ciel, telles que la préférence pour les couleurs indécises, la prétention exagérée des tailles fines et serrées, etc., les femmes n'ont jamais été mises avec un art mieux entendu qu'elles ne le sont aujourd'hui. Il existe chez elles encore plus de liberté individuelle que chez les hommes; et si quelque tyrannie se fait sentir du grand nombre envers le petit, ce sont seulement les femmes de la nature de celles qui régnaient il y a trente ans, qui souffrent de ce despotisme. Tout, au contraire, paraît disposé pour qu'une génération grêle, délicate, maladive, comme celle que nous ont léguée le Directoire et l'Empire, ne perde aucun des avantages qui peuvent compenser sa faiblesse. Enfin le costume actuel est non seulement calculé en faveur de la grande majorité des femmes, il semble encore avoir été dicté

par la faculté de médecine elle-même. Si nos femmes ont peu gagné à cette soumission hippocratique, nos enfants en profiteront peut-être. Or, plus que jamais nous avons besoin de recourir à l'avenir pour nous consoler du présent.

Il résulte de tout ceci, que le costume à venir des femmes, dont je renonce à préciser la forme, se rapprochera de plus en plus, par la simplicité, de celui des hommes; notre société ne sera point celle des États-Unis, où le maçon tâche de paraître aussi gentleman que le président du congrès; chez nous, au contraire (et de cela nous voyons déjà une preuve remarquable), le chef de l'État prendra peu à peu le costume du peuple; et comme aux deux époques, que j'ai signalées plus haut, le peuple imposera son costume aux grands, à l'armée, à toutes les parties de la nation qui garderont des prétentions à la supériorité, soit de position, soit d'origine.

Or, ce costume est-il beau en lui-même ? a-t-il rien de desirable? Oui, si vous considérez la triste nature où nous vivons, et la vie plus triste encore que nous serons de plus en plus forcés de mener. Quant à la beauté du costume, c'està-dire aux avantages qu'un homme peut tirer de sa figure, de sa taille, à l'effet qu'il peut produire sur les autres hommes, au moyen des ar

tifices de la toilette; tout cela depuis long-temps a disparu du dictionnaire de nos idées. Il y a là tout un ensemble d'intérêts et d'impressions qui tenait à la jeunesse du monde. Qui s'aviserait de compter la figure de M. de Villèle parmi les causes de sa chute, et si nous avions un Duguesclin à la tête de nos armées, qui s'inquiéterait de sa laideur? Or, c'est là qu'est toute la question de la beauté chez les hommes.

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LES COMITÉS DE LECTURE

DES THEATRES EN 1831.

De commis qu'il était dans les bureaux de monsieur le sous-préfet de sa ville natale, TroisÉtoile, avec le temps et en sa qualité de filleul de monsieur le maire, eût pu parvenir au perceptorat de quelque canton voisin; mais le démon dramaturgique en avait décidé autrement. Au lieu de dire, selon l'usage, quatre et quatre font huit, Trois-Étoile disait: quatre et quatre font neuf, renversait l'écritoire sur les registres,

PARIS. VII.

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et composait une tragédie avec unités, récits initial, final, et tout ce qui s'ensuit. Elle avait pour titre Aristote, ou les tragiques Infortunes du régulateur de la scène antique et moderne.

C'était dans ces jours de crise littéraire où les barbes moyen âge disputaient les planches aux perruques Louis XIV, où le coup de sifflet s'échangeait pour le coup de poing, où, des loges, on jouissait de deux spectacles à-la-fois, dont le plus sanglant ne se passait pas toujours sur la scène.

Trois-Étoile s'était inspiré de son journal, qui était animé d'une vénération traditionnelle pour les monuments quadrangulaires du grand siècle. Ce fut sa tragédie d'Aristote sous le bras que, par un beau jour, il posa pour la première fois le pied sur le pavé glissant de Paris. Il était venu, intimement persuadé qu'il allait trancher la question vitale, en cinq actes et avec l'aide de l'alexandrin à double compartiment. Le titre seul de sa pièce lui semblait suffisant pour détrôner tous les Hernani du globe.

Fort de sa conscience, il demande, sans autre forme de procédure, où est situé le ThéâtreFrançais. Il s'y dirige, salue le portique, entre, et salue de nouveau en apercevant, au milieu d'un cercle de colonnes, la statue diabolique du vieux Voltaire.

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