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trois heures durant, ils iront tenter le sort sur une carte à Frascati, ou dans une de ces honnêtes maisons que des femmes de bien ouvrent aux jeunes gens qui ont besoin d'exciter leurs sens par des passions brutales; qui sont incapables d'un travail quelconque, et qui, dépensant beaucoup d'argent, quoique la fortune leur manque, tout-à-fait, mènent la vie du tripot chaque nuit, et le matin rêvent de suicide; race dégénérée, enfants étiolés par l'ombre de honteux boudoirs; qui remuent, s'agitent, parlent haut, pour faire croire qu'ils sont quelque chose; se coalisent, forment une coterie, une faction tyrannique, impuissante, vaniteuse, insolente, dont un classique trouverait la ressemblance dans la hideuse famille des harpies, et que j'ap pelle, moi, du nom indulgent d'Ennuyés.

Cette hydre qui pousse chaque jour une tête, quand en serons-nous délivrés? Si la faction des Ennuyés n'était que ridicule, comme celle des Incroyables, des Raffinés, des Importants; si elle était spirituelle comme celle des Frondeurs, je ne m'en occuperais pas, ou j'aurais quelque estime pour elle. Mais elle flétrit tout, dessèche tout, méprise tout; elle porte le découragement dans tous les cœurs artistes; elle aspire à la domination de la société, comme si le principe du bien et du beau était tout-à-fait perdu, comme

si le mauvais principe devait régner: je la déteste. Cette faction est une des causes de nos malheurs, par son alliance avec celle des roués politiques. A elles deux, elles ruineront la France, pour peu que vous les laissiez faire. Paris a eu peur des clubs; il ne sait pas ce qu'il doit redouter de la faction des Ennuyés!

A. JAL.

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Les princes croient peut-être qu'ils ont moins besoin que d'autres de savoir bien parler; car

1. L'art difficile de l'improvisation n'est pas seulement utile aux princes: son usage deviendra de plus en plus général par le développement progressif de nos mœurs constitutionnelles. Aussi

il ne manque pas de gens autour d'eux, toujours empressés de trouver charmant ce qu'ils ont dit, ou même ce qu'ils ont voulu dire, quoiqu'ils y aient mal réussi.

Ce genre d'approbation ne peut flatter que les princes sans esprit, sans mérite réel; ceux que l'amour-propre aveugle, au point de ne pas leur laisser voir qu'on les trompe, si même, au fond, on ne se moque pas d'eux.

Un prince doué de bon sens méprisera toujours les flatteurs, comme l'espèce d'homme la plus détestable et la plus dangereuse. Il n'en devra pas moins sentir le prix d'une approbation justement méritée: mais il saura que l'estime des autres hommes ne s'achète pas sans quelques efforts, même de la part de ceux qui, par l'élévation de leur rang, sembleraient en être dispensés.

On a souvent besoin d'un plus petit que soi.

les réflexions suivantes (écrites en 1829 pour le duc de Ch...... qui, à cette époque, achevait son cours de droit), s'adressentelles à tous ceux qui désirent ne point rester étrangers à la discussion des affaires publiques, et qui, tôt ou tard, peuvent être appelés à y prendre une part plus ou moins active. Du reste, chacun séparera facilement, dans ce morceau, des applications particulières à la position de la personne pour laquelle il fut primitivement écrit, les préceptes généraux qui peuvent convenir à tous.

Cette admirable sentence du bon La Fontaine n'a été dite que pour les grands. Ils ont besoin d'appui; et pour eux ce n'est pas un médiocre avantage que de savoir se concilier le dévouement et l'amitié d'autrui.

Or, quel moyen plus efficace pourraient-ils employer pour y réussir, que celui de la parole, qui ne nous a été donnée par la bonté divine que pour apprendre, enseigner, discuter, communiquer nos sentiments et nos affections à nos semblables, resserrer les noeuds de la société civile, et faire régner la justice et l'union parmi les hommes.

Mais il en est de la parole comme de toutes nos autres facultés; on peut être heureux ou maladroit dans l'emploi que l'on en fait; il faut apprendre à en régler l'exercice, pour en faire l'instrument docile de nos besoins et de nos volontés.

Le défaut d'habitude est l'excuse qu'on allègue toujours, quand il s'agit de s'exprimer en public. Mais, c'est précisément parce qu'on n'a pas l'habitude de la parole sans l'avoir acquise, qu'il faut de bonne heure travailler à l'acquérir; surmonter cette fausse honte qui enchaîne nos facultés; et, sans jamais déposer cette modestie qui convient même au rang suprême, abjurer

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