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Le 20 juillet 1830, la chanson était encore dévouée à la branche aînée des Bourbons, elle redisait encore: Vive Henri quatre et Charmante Gabrielle; mais les 27, 28 et 29, elle criait dans Paris, en faisant des barricades pour les chasser,

En avant marchons

Contre leurs canons,

A travers le fer, le feu des bataillons;
Volons à la victoire.

Pauvre chanson! comme elle s'est prostituée!... ah! la vilaine !!....

On dit qu'en France tout finit par des chansons, même les révolutions...Voilà cinquante ans que nous chantons la nôtre, et elle recommence toujours. Que faire à cela?...attendre et chanter. N. BRAZIER.

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Naples a ses lazaroni, Venise ses condottieri, toutes les villes de France ont une classe de leur population qui sort du cadre ordinaire; mais nous autres Parisiens, que pouvons-nous leur envier? n'avons-nous pas notre gamin?

Faire l'histoire de Paris sans d'abord parler du gamin!... autant vaudrait commencer celle de Rome à Brutus, en passant sous silence les rois qui l'ont fondée; autant vaudrait pren

dre un peuple tout formé, sans s'occuper de son origine.

Le gamin, dont le nom n'a réellement pas de traduction dans aucune langue, est l'enfant de la ville; les rues sont son berceau...elles ont vu son premier sourire et ses premiers pas. Fils soumis, il ne quitte pas le giron de sa mère. Vous le trouverez à tous les coins, sous toutes les formes, dans tous les métiers.

Semblable aux divinités de l'Inde, à la sainte ampoule, aux dieux du paganisme, au lait de la Sainte Vierge, au grand-lama, et à mille autres saintetés dont ni vous ni moi n'avons envie de nier le caractère sacré, le gamin est immortel! il est toujours jeune. Depuis que Paris est debout, il bat le pavé des rues : que dis-je.....le pavé? le gamin existait bien avant que Paris fût pavé; il barbotait dans les boues du onzième siècle j'oserais presque dire qu'il a vu les rois de la première race, et qu'il sait mieux que tel historien, qui pourtant est de l'académie, ce que c'était que Pharamond.

Si Paris eût existé au temps de Jules César, nul doute que le gamin eût escorté son char; car de sa nature il est de tous les triomphes, comme les autorités municipales, les mâts de cocagne, les gens du juste-milieu, les buffets de distribution et les gendarmes.

Il est de tous

pompes fucette difféIl assiste

les deuils, comme les employés des nèbres et les gens en place; avec rence qu'il ne porte pas de crêpe. aux enterrements de tous les partis; il est neutre, et il a raison. Il profite des triomphes, sans s'occuper de leurs conséquences; il boit le vin du vainqueur, tout comme il boirait celui du vaincu, si ce dernier était d'humeur à

à boire.

payer

Il se jette sur un cervelas, sans y voir d'humiliation : dites qu'il n'est pas philosophe!

Les réjouissances publiques sont pour lui, car le bon ton ne lui défend pas de s'y amuser; et puis c'est à lui que reviennent de droit les baguettes après un feu d'artifice. Il crie: Vive tout le monde! A bas tout le monde! et n'est payé par personne; c'est pour son plaisir, par désœuvrement, sans motif. Pourvu qu'il y ait du bruit, que lui importe au gamin? qu'a-t-il à risquer? Il serait bien bon de tenir à l'ordre; il est enfant, libre, en haillons. Il ne craint pas de perdre ses souliers dans la foule; souvent il n'en a pas. Il se jette avec joie dans tout ce qui promet du mouvement, il s'y vautre ; il est heureux quand il peut détruire...ah! mais heureux! il ne possède rien. Combien de hurleurs de tribune en feraient autant, s'il ne fallait pas être propriétaire avant d'ètre député?

A lui seul le gamin représente tout le caractère intime de l'homme; non pas tel que nous le voyons, étroitement busqué au balcon de nos théâtres, les mains emprisonnées dans une peau si blanche et si fine, qu'on ne peut s'empêcher, en l'examinant, d'admirer jusqu'où est porté parmi nous le perfectionnement des automates; mais l'homme calme et emporté, bouillant et froid, avec ses passions intérieures mises au jour, comme si un autre Asmodée eût agi sur la triple enveloppe de son cœur de la même fa ́çon que sur les maisons de Madrid.

Le gamin est un peu de ce qui compose une organisation d'homme; il est, et il n'est pas. C'est un homme et un enfant; c'est tout, et ce n'est rien; c'est.... un être courageux et lâche, hardi et poltron, fier comme un homme, rampant comme un courtisan parvenu, sérieux, puis rieur à la folie, rieur comme un enfant heureux, moqueur, faisant des niches comme le polichinelle de la foire, spirituel comme un enfant de Paris, ou bête...oui bête, mais de cette bêtise des paysans de la banlieue, qui met en défaut la finesse musquée des citadins.

Le gamin est compatissant; il rendra service si son idée l'y porte, et s'il n'a rien de mieux à faire; il sera cruel, s'il y a pour lui du plaisir à ètre cruel. Il plaindra un pauvre diable blessé

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