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Le Père aime tout ce que JE fais.

Veux-tu qu'il me coûte toujours du sang de mon humanité, sans que tu donnes des larmes?

C'est mon affaire que ta confession; ne crains point, et prie avec confiance, comme pour moi...

Les médecins ne te guériront pas; car tu mourras à la fin. Mais c'est moi qui guéris et rends le corps immortel. Souffre les chaînes et la servitude corporelles; je ne te délivre que de la spirituelle à présent.

5

Je te suis plus ami que tel et tel; car j'ai fait pour toi 10 plus qu'eux, et ils ne souffriraient pas ce que j'ai souffert de toi, et ne mourraient pas pour toi dans le temps de tes infidélités et cruautés, comme j'ai fait, et comme je suis prêt à faire et fais, dans mes élus et au Saint Sacrement ...

Je t'aime plus ardemment que tu n'as aimé tes souillures. Ut immundus pro luto.1

15

Qu'à moi en soit la gloire, et non à toi, ver et terre . . . Je te parle et te conseille souvent . . . car je ne veux pas que tu manques de conducteur . . . Tu ne me chercherais 20 pas si tu ne me possédais; ne t'inquiète donc pas ...

1 Comme l'homme immonde pour sa fange.

9264-265

Quelques pensées pous

on

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I la religion n'est pas contrarie a la naisson 2 Seal la religion est capalled expliquer la

Matine

de l'hommi

3 le but de la vie est les chercher en loin

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CHAPITRE HUIT

BOSSUET

1627-1704

1. Oraison funèbre de Henriette-Anne d'Angleterre, duchesse d'Orléans

Prononcée à Saint-Denis,1 le 21o jour d'août 1670,
en présence du prince de Condé

[Henriette d'Angleterre (1644-1670), fille cadette de Charles I d'Angleterre (1600-1649), condamné à mort sous Cromwell, et de Henriette de France (1609-1660), fille de Henri IV et de Marie de Médicis. Henriette naquit à Exeter, où sa mère s'était réfugiée pour échapper aux révolutionnaires. Sa mère se sauva ensuite en France, et l'enfant, d'abord prisonnière en Angleterre, fut ramenée deux ans plus tard auprès de sa mère par le courage de sa gouvernante qui réussit à s'enfuir d'Angleterre avec la princesse. Celle-ci fut élevée en France, et la jeune Henriette, pas très belle, mais spirituelle et gracieuse, était devenue bientôt la favorite de la cour de France. En 1661, elle épousa Monsieur, duc d'Orléans, frère de Louis XIV. A côté de la vie frivole de la cour, elle s'intéressa aux choses intellectuelles. Elle protégea les gens de lettres, surtout Corneille, Racine et Molière. (Voir les Dédicaces à l'École des femmes, 1662, et à Andromaque, 1667.) Et c'est elle qui avait suggéré le sujet de Bérénice (1669) au vieux Corneille et au jeune Racine. Elle avait su gagner la confiance du roi; et en 1670, elle fut chargée par lui d'une très importante mission diplomatique auprès de son frère, qui était entre-temps (1660) remonté sur le trône d'Angleterre sous le nom de Charles II. Elle obtint de lui un traité d'alliance avec la France (Traité de Douvres). Quelques semaines plus tard, elle mourut très soudainement à Saint-Cloud. Elle n'avait que 26 ans. On avait cru d'abord à un empoisonnement, mais l'autopsie prouva

1 Près de Paris; dans la cathédrale se trouvent les tombeaux des rois de France.

qu'il n'en était rien. Bossuet avait été appelé auprès de Madame quelques instants avant sa mort, et il l'avait vue courageuse et douce dans son agonie. L'émotion causée à Paris par cette mort foudroyante est décrite dans le discours de Bossuet.]

Vanitas vanitatum, dixit Ecclesiastes: vanitas vanitatum, et omnia vanitas.

Vanité des vanités, a dit l'Ecclésiaste: vanité des vanités, et tout est vanité.

5

Monseigneur, j'étais donc encore destiné à rendre ce devoir funèbre à très haute et très puissante princesse Henriette-Anne d'Angleterre, duchesse d'Orléans. Elle, que j'avais vue si attentive pendant que je rendais le même devoir à la reine sa mère,2 devait être sitôt après le sujet d'un discours semblable; et ma triste voix était réservée à ce déplorable ministère. O vanité! ô néant! ô mortels ignorants de leurs destinées! L'eût-elle cru il y a dix mois? Et vous, Messieurs, eussiez-vous pensé, pendant qu'elle versait tant de larmes en ce lieu,3 qu'elle dût sitôt 10 vous y rassembler pour la pleurer elle-même? Princesse, le digne objet de l'admiration de deux grands royaumes, n'était-ce pas assez que l'Angleterre pleurât votre absence, sans être encore réduite à pleurer votre mort? Et la France, qui vous revit avec tant de joie environnée d'un 15 nouvel éclat, n'avait-elle plus d'autres pompes et d'autres triomphes pour vous, au retour de ce voyage fameux, d'où vous aviez remporté tant de gloire et de si belles

1 Le grand Condé, premier prince du sang; il représenta la famille royale. Marie-Thérèse, la reine, assista aussi à la cérémonie funèbre, mais incognito.

2 Sa mère, Henriette de France, était morte en novembre, 1669, et Henriette d'Angleterre était présente quand Bossuet avait prononcé son oraison funèbre.

8 Cette même cathédrale de Saint-Denis.

espérances? «Vanité des vanités, et tout est_vanité.»> C'est la seule parole qui me reste; c'est la seule réflexion que me permet, dans un accident si étrange, une si juste et si sensible douleur. Aussi n'ai-je point parcouru les 5 livres sacrés pour y trouver un texte que je pusse appliquer à cette princesse. J'ai pris sans étude et sans choix les premières paroles que me présente l'Ecclésiaste, où, quoique la vanité ait été si souvent nommée, elle ne l'est pas encore assez à mon gré pour le dessein que je me 10 propose. Je veux dans un seul malheur déplorer toutes les calamités du genre humain, et dans une seule mort faire voir la mort et le néant de toutes les grandeurs humaines. Ce texte, qui convient à tous les états et à tous les évènements de notre vie, par une raison particu15 lière devient propre à mon lamentable sujet, puisque jamais les vanités de la terre n'ont été si clairement découvertes, ni si hautement confondues. Non, après ce que nous venons de voir, la santé n'est qu'un nom, la vie n'est qu'un songe, la gloire n'est qu'une apparence, 20 les grâces et les plaisirs ne sont qu'un dangereux amusement: tout est vain en nous, excepté le sincère aveu que nous faisons devant Dieu de nos vanités et le jugement arrêté qui nous fait mépriser tout ce que nous sommes.

Mais dis-je la vérité? L'homme, que Dieu a fait à son 25 image, n'est-il qu'une ombre? Ce que Jésus-Christ est venu chercher du ciel en la terre, ce qu'il a cru pouvoir, sans se ravilir, acheter de tout son sang, n'est-ce qu'un rien? Reconnaissons notre erreur. Sans doute ce triste spectacle des vanités humaines nous imposait; et l'espé30 rance publique, frustrée tout à coup par la mort de cette princesse, nous poussait trop loin. Il ne faut pas permettre à l'homme de se mépriser tout entier, de peur que, croyant

avec les impies que notre vie n'est qu'un jeu où règne le hasard, il ne marche sans règle et sans conduite au gré de ses aveugles désirs. C'est pour cela que l'Ecclésiaste, après avoir commencé son divin ouvrage par les paroles que j'ai récitées, après en avoir rempli toutes les pages du 5 mépris des choses humaines, veut enfin montrer à l'homme quelque chose de plus solide, et conclut tout son discours en disant: «Crains Dieu, et garde ses commandements; car c'est là tout l'homme, et sache que le Seigneur examinera dans son jugement tout ce que nous au- 10 rons fait de bien ou de mal.»> Ainsi tout est vain en

qu'il donne au monde;

l'homme, si nous regardons ce mais au contraire, tout est important, si nous considérons ce qu'il doit à Dieu. Encore une fois, tout est vain en l'homme, si nous regardons le cours de sa vie 15 mortelle; mais tout est précieux, tout est important, si nous contemplons le terme où elle aboutit et le compte qu'il en faut rendre. Méditons donc aujourd'hui, à la vue de cet autel et de ce tombeau, la première et la dernière parole de l'Ecclésiaste; l'une qui montre le néant 20 de l'homme, l'autre qui établit så grandeur. Que ce tombeau nous convainque de notre néant, pourvu que cet autel, où l'on offre tous les jours pour nous une victime d'un si grand prix, nous apprenne en même temps notre dignité. La princesse que nous pleurons sera un 25 témoin fidèle de l'un et de l'autre. Voyons ce qu'une mort soudaine lui a ravi; voyons ce qu'une sainte mort lui a donné. Ainsi nous apprendrons à mépriser ce qu'elle a quitté sans peine, afin d'attacher toute notre estime à ce qu'elle a embrassé avec tant d'ardeur, lorsque son 30 âme, épurée de tous les sentiments de la terre et pleine du ciel où elle touchait, a vu la lumière toute manifeste.

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