5 ΙΟ 15 Sa fortune ainsi répandue, En grand danger d'être battue. Quel esprit ne bat la campagne? Qui ne fait châteaux en Espagne? Chacun songe en veillant; il n'est rien de plus doux: Tous les honneurs, toutes les femmes. Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi; On m'élit roi, mon peuple m'aime; Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant: 20. Le savetier et le financier 20 Un savetier chantait du matin jusqu'au soir; Merveilles de l'ouïr; il faisait des passages,3 Plus content qu'aucun des sept sages. Son voisin, au contraire, étant tout cousu d'or, 1 Picrochole-un roi du roman de Rabelais, qui avait, comme Pyrrhus, l'ambition d'être grand conquérant. 2 Persan pour «roi,» aujourd'hui «schah.» 'Passages-variations. Chantait peu, dormait moins encor: C'était un homme de finance. Si, sur le point du jour, parfois il sommeillait, Et le financier se plaignait Que les soins de la Providence N'eussent pas au marché fait vendre le dormir, En son hôtel il fait venir Le chanteur, et lui dit: «Or çà, sire Grégoire, ༩༨ Que gagnez-vous par an? - Par an! ma foi, monsieur, Le gaillard savetier, ce n'est point ma manière Un jour sur l'autre: il suffit qu'à la fin Chaque jour amène son pain. - Eh bien, que gagnez-vous, dites-moi, par journée? Qu'il faut chômer; on nous ruine en fêtes; 5 ΙΟ 15 20 De quelque nouveau saint charge toujours son prône.>> 25 Lui dit: «Je vous veux mettre aujourd'hui sur le trône. Pour vous en servir au besoin.>> Le savetier crut voir tout l'argent que la terre Avait, depuis plus de cent ans, Produit pour l'usage des gens. Il retourne chez lui: dans sa cave il enserre 30 5 L'argent, et sa joie à la fois. Plus de chant: il perdit la voix, Du moment qu'il gagna ce qui cause nos peines. Il eut pour hôtes les soucis, Les soupçons, les alarmes vaines. Tout le jour il avait l'œil au guet; et la nuit, Si quelque chat faisait du bruit, Le chat prenait l'argent. A la fin le pauvre homme 10 S'en courut chez celui qu'il ne réveillait plus: «Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme, Et reprenez vos cent écus.» 15 21. Les deux pigeons IX. 2 Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre: L'un d'eux, s'ennuyant au logis, Un voyage en lointain pays. L'autre lui dit: «Qu'allez-vous faire? Voulez-vous quitter votre frère? L'absence est le plus grand des maux: 20 Non pas pour vous, cruel! Au moins, que les travaux, Les dangers, les soins du voyage, Changent un peu votre courage.1 Encor, si la saison s'avançait davantage! Attendez les zéphyrs: qui vous presse? un corbeau 25 Tout à l'heure annonçait malheur à quelque oiseau. Je ne songerai plus que rencontre funeste, Que faucons, que réseaux. «Hélas! dirai-je, il pleut: 1 Courage, sens ancien- disposition du cœur. Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut, De notre imprudent voyageur; Je le désennuierai. Quiconque ne voit guère Je dirai: J'étais là; telle chose m'advint; Vous y croirez être vous-même.» Sèche du mieux qu'il peut son corps chargé de pluie; Les menteurs et traîtres appâts. Le lacs était usé; si bien que, de son aile, De ses pieds, de son bec, l'oiseau le rompt enfin; 5 ΙΟ 15 20 25 30 5 ΙΟ 15 20 25 30 Le vautour s'en allait le lier, quand des nues Crut, pour ce coup, que ses malheurs Mais un fripon d'enfant (cet âge est sans pitié) Qui, maudissant sa curiosité, Voilà nos gens rejoints; et je laisse à juger Amants, heureux amants, voulez-vous voyager? Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau, Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste. Contre le Louvre et ses trésors, Contre le firmament et sa voûte céleste, Changé les bois, changé les lieux Pour qui, sous le fils de Cythère, Je servis, engagé par mes premiers serments. |