Ne nous flattons donc point; voyons sans indulgence L'état de notre conscience. Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons J'ai dévoré force moutons. Que m'avaient-ils fait? nulle offense; Je me dévouerai donc, s'il le faut: mais je pense - Que le plus coupable périsse. Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi; Vos scrupules font voir trop de délicatesse; Eh bien! manger moutons, canaille, sotte espèce, Est-ce un péché? Non, non. Vous leur fites, seigneur, 15 En les croquant, beaucoup d'honneur; Et quant au berger, l'on peut dire Qu'il était digne de tous maux, Étant de ces gens-là qui sur les animaux Se font un chimérique empire.>> Ainsi dit le renard; et flatteurs d'applaudir. On n'osa trop approfondir Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances, Les moins pardonnables offenses. Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins, 20 25 L'âne vint à son tour, et dit: «J'ai souvenance Qu'en un pré de moines passant, La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue. Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net,>> 30 A ces mots on cria haro sur le baudet. Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue Qu'il fallait dévouer 1 ce maudit animal, 1 Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal. 5 Sa peccadille fut jugée un cas pendable. Manger l'herbe d'autrui! quel crime abominable! Rien que la mort n'était capable D'expier son forfait: on le lui fit bien voir. Selon que vous serez puissant ou misérable, 10 Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. 151 20 17. Les vautours et les pigeons VII. 8 Mars autrefois mit tout l'air en émute.2 Chez les oiseaux; non ceux que le printemps 1 dévouer = vouer aux dieux, immoler. Et sur son roc Prométhée espéra Le vaste enclos qu'ont les royaumes sombres. Dans les esprits d'une autre nation Au cou changeant, au cœur tendre et fidèle. Pour accorder une telle querelle: Tenez toujours divisés les méchants: Dépend de là. Semez entre eux la guerre; 5 IO 15 20 25 18. Le coche et la mouche VII. 9 Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Six forts chevaux tiraient un coche. Femmes, moines, vieillards, tout était descendu; Une mouche survient, et des chevaux s'approche, S'assied sur le timon, sur le nez du cocher. Et qu'elle voit les gens marcher, Elle s'en attribue uniquement la gloire, Va, vient, fait l'empressée: il semble que ce soit La mouche, en ce commun besoin, Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin; Le moine disait son bréviaire: Il prenait bien son temps! une femme chantait: Après bien du travail, le coche arrive au haut: Ainsi certaines gens, faisant les empressés, Ils font partout les nécessaires, 19. La laitière et le pot au lait VII. 10 Perrette, sur sa tête ayant un pot au lait Prétendait arriver sans encombre à la ville. Comptait déjà dans sa pensée Tout le prix de son lait; en employait l'argent; D'élever des poulets autour de ma maison; S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon. 5 ΤΟ 15 20 25 |