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personnel des administrations par l'horrible route de la Corniche, sous le feu des canonnières anglaises, il montra dès ce début l'audace qui devait caractériser ses entreprises.

Bonaparte trouva son armée éparse dans une ligne de cantonnemens trop étendue. (Voyez Pl. XXI.) La division Laharpe, qui gardait Savone, avait poussé la brigade Cervoni en avantgarde sur Voltri, afin de menacer Gênes, et d'appuyer les sommations du ministre de France. Le général Masséna prit position à Cadibono; Augereau au centre, près le mont San Giacomo; la gauche aux ordres de Serrurier, vers Ormea et Garessio. Les divisions Macquart et Garnier furent détachées depuis Tende au col de Cerise.

L'ennemi occupait une ligne à peu près parallèle, mais encore plus étendue. Beaulieu avec la gauche à Voltagio et Ovada, le centre vers Sassello, la droite dans la vallée de la Bormida. L'armée de Colli, non moins disséminée, avait la garde depuis ce point jusqu'à l'Argentière : la brigade Christ défendait les vallées de Vermegnana, du Gesso et de la Stura, contre le général Macquart: le général Leyre occupait la Cursaglia, l'Ellero, les aboutissans du Tanaro, les environs de Mondovi et Vico; le comte de Flaye défendait la Haute-Bormida, le camp retranché de Ceva et Mulazanno; enfin, Provera à la gauche, gardant Millesimo et Cairo, devait lier cette armée avec

celle des Impériaux, et s'assurer des hauteurs de Cosseria, qui dominent et séparent les deux vallées de la Bormida.

Le général français avait donné trop de preuves de génie, pour qu'on dût s'attendre à lui voir garder méthodiquement les débouchés de l'Apennin et des Alpes maritimes par un cordon de vedettes. Juste appréciateur des avantages d'une agression combinée sur de bons principes, et pénétré de l'urgence de frapper un coup d'éclat dès l'ouverture de la campagne, il résolut de prendre l'initiative. Si l'ennemi restait sur la défensive, divisé comme il l'était, on pouvait espérer d'accabler son centre, d'avoir ensuite bon marché des deux ailes séparées : si les coalisés se décidaient, au contraire, à une démarche offensive, on pouvait juger par la position de Colli, et son grand éloignement de Beaulieu, que dans cette supposition, ce dernier s'avancerait sur la rivière de Gênes, vers Vado, comme Wallis l'avait fait l'année précédente; alors on aurait pu espérer, avec plus de raison encore, de percer leur centre, et de les battre séparément; car Beaulieu eût été encore plus compromis dans la rivière de Gênes, que s'il fût resté sur la défensive à Voltaggio au revers de l'Apennin. Ainsi, dans toutes les hypothèses, il fallait se masser vers le mont San Giacomo, depuis Altare jusqu'à Montenotte, pour être en mesure de

parer

Mouvement des

à tout, et ce fut le parti que Bonaparte adopta.
Sur ces entrefaites, Beaulieu avait reçu du
conseil aulique l'ordre positif de prendre l'of-
fensive. Le général Colli lui proposa d'abord de
rassembler le gros de l'armée sur sa droite, vers
les sources de la Bormida, pour attaquer de
concert avec les Piémontais les hauteurs de
San Giacomo et d'Altare, afin de culbuter la
gauche des Français, et de s'emparer des com-
munications de leur droite. Ce projet était excel-
lent; mais l'approche du détachement de Cer-
voni ayant répandu le bruit que les républicains
voulaient s'emparer de Gênes, pour y trouver
des moyens de continuer la guerre, et débou-
cher ensuite par la Bochetta dans la plaine de
Montferrat, le général autrichien ne tint aucun
compte des conseils de son allié, et adopta le
plus dangereux de tous les partis qu'il pouvait
choisir; il résolut de porter sa gauche renfor-
cée sur Gênes, pour
établir ses communications
avec les Anglais, et priver les Français de l'appui
de cette place importante.

Dès le 5 avril, l'armée alliée s'étendit un peu Impériaux vers la gauche; le général Pittoni s'établit le 1er sur Gênes. du mois au passage de la Bochetta, avec 6 batail

lons, poussant des patrouilles sur Campo-Marone et Gênes; le corps de bataille remonta la vallée d'Orba, aux ordres de Sebottendorf; la droite de Beaulieu commandée par d'Argenteau,

restant à Sassello, occupa Dego, et communiqua avec la gauche des Sardes, sous le général Provera, qui tenait, comme on l'a dit, les hauteurs de Cosseria et de Millesimo. Le surplus des forces de Colli était toujours préposé à la défense du camp de Ceva, et des avenues de Coni du côté de Tende et de l'Argentière.

On voit que les deux corps principaux se trouvaient aux extrémités d'une ligne étendue et coupée par des montagnes, tandis que le centre, formé des troupes de Provera et d'Argenteau, n'opposait qu'un faible rideau aux divisions Laharpe, Masséna et Augereau, rassemblées entre San Giacomo, Cadibone et Savone.

Le 10 avril, Beaulieu fit partir son aile gauche, forte de 11 bataillons divisés en deux colonnes la première aux ordres du général Pittoni, dut marcher par Conegliano sur Voltri, et la seconde, sous la conduite de Sebottendorf, reçut l'ordre de s'y rendre, d'Ovada par Campofreddo et Marone.

Le général Cervoni, qui couvrait Voltri, avec 3 mille hommes, voyant ses avant-gardes débusquées de Bra et Pegli, se concentra à Melle, où il soutint un combat des plus vifs. Menacé ici par des forces supérieures, canonné sur la droite par des chaloupes anglaises, et bientôt tourné à gauche, ce général se retira dans la nuit sur Madona de Savone, où il se réunit avec La

Combat de Voltri.

harpe. Il n'eût pas été si heureux, si son adversaire eût dirigé la colonne de Sebottendorf immédiatement sur Arenzano ou Crevari, pour lui couper le chemin de Savone. La retraite fut au reste protégée par 2 bataillous, que le général en chef avait placés au soutien sur les hauteurs de Varaggio.

Tandis que Beaulieu, qui aurait dû porter toute l'armée alliée par Ormea sur la gauche des Français, ou par San Giacomo sur leur centre, courait ainsi de sa personne avec son aile gauche sur les rives de la mer, Bonaparte instruit de ces faux mouvemens, avait résolu de l'en faire repentir, et de diriger la masse de ses forces contre le centre des coalisés. A peine le général autrichien fut-il arrivé à Voltri, dans l'intention de s'aboucher avec le commodore Nelson, sur les opérations ultérieures (1), qu'une canonnade menaçante se fit entendre à son centre. Beaulieu sentit alors que sa position devenait critique ; le peu de résistance qu'on avait trouvé dans la rivière de Gênes, lui indiquait assez qu'un grand effort devait avoir lieu dans les montagnes; il fit marcher Wukassowich avec une partie des troupes de Sebottendorf, et voulut s'y porter lui-même; mais le mal était irrémédiable.

(1) L'amiral Jervis avait succédé à lord Hotham, et Nelson commandait un détachement de sa flotte.

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