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son globe, un homme ne peut être appelé grand qu'il n'ait cinq pieds quelques pouces ; tel arbre n'y est réputé grand qu'autant qu'il a cinquante pieds; il y faut tant de convives ou tant de plats pour un grand dîner, tant d'aîles ou de croisées pour un grand château, etc. Quelle immensité de connaissances pour la graduation de la seule qualité grand, cependant la plus facile de toutes à mesurer, puisqu'elle n'est qu'une manière de considérer l'étendue! Par quelle accumulation de prodiges a-t-il donc pu se faire des mesures générales pour les cinq mille adjectifs graduables de sa langue, surtout pour ceux qui ont le moins de rapport avec l'étendue ? C'est pourtant ce que nous avons dû faire nous-mêmes. Pour parler avec quelque exactitude, il faut que nous connaissions non-seulement les idées fondamentales comprises dans les adjectifs que nous employons, mais encore les diverses mesures générales qui constituent leur degré positif.

C'est peut-être là ce qui fait le charme secret des bons orateurs, des bons écrivains. Un esprit observateur, un tact fin et sûr leur a donné cette connaissance des mesures générales.

Elles ont toutes été calquées sur l'idée d'étendue. On a supposé des dimensions à la richesse, à la vertu, à la science, à l'esprit ; et quand on dit de quelqu'un qu'il est riche, vertueux, savant, spirituel, on tient en quelque sorte à la main la mesure requise pour qu'il puisse être déclaré tel. En général quelqu'un n'est pas riche parce qu'il possède quelques milliers d'écus, quoique dans telle ou telle classe le possesseur de cette somme fût riche ou même richissime.

CHAPITRE XVII.

Idées accessoires et variations de l'adjectif affirmatif ou ver be § 1 et 2. Personne et Nombre.

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2 Eh! n'as-tu pas cent ans ? Trouve-moi dans 2 Vous avez beau sujet d'accuser la nature.

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Voilà le même adjectif affirmatif, ou verbe, qui est mis en rapport d'identité avec les substantifs je, tu, il, nous, vous, ils, etc., c'est-à-dire avec les trois personnes du singulier et les trois personnes du pluriel.

Le même verbe se met aussi en rapport d'identité avec on, imprudence, babil, etc., mots assimilés à la troisième personne.

117 Tous les substantifs absolus, à moins qu'on ne leur adresse la parole, veulent de même leur verbe à la même personne que il, elle, ils.

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Je dis, à moins qu'on ne leur adresse la parole,

Poisson, mon bel ami, qui faites le prêcheur,

Vous irez dans la poêle.... LA F. 5, 3.

On sait que vous s'emploie dans les deux nombres, mais le verbe prend toujours la forme plurielle, quoiqu'on ne parle qu'à un seul.

Il résulte de ces exemples que le verbe

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Dira-t-on que ces idées sont déjà exprimées par je, tu, il, nous, vous, ils? Sans doute, les personatifs expriment les idées de personne et de nombre, mais le verbe les exprime une seconde fois comme simples signes de concordance.

Singulier.

N'aie aucun secret pour ta mère;
Une mère excuse aisément.

Tu lui seras encor plus chère

Après ce doux épanchement.

Pluriel.

Le trop d'expédients peut gåter une affaire;
N'en ayons qu'un, mais qu'il soit bon.
LA F. 9, 14.
Aycz l'oreille au guet. La F.

Voilà aie, ayons, ayez, employés sans personatifs; leur forme seule suffit pour réveiller les idées de personne et de nombre.

Cette manière, ce mode d'employer le verbe a été, comme on verra, appelé mode impératif.

S 3. TEMPS DES Verbes.

Temps premier, dit présent indicatif.

Quand je suis seul, je fais au plus brave un | Nous fesons cas du beau, nous méprisons

défi. La F. 7, 10.

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Tu fais le gentilhomme! Eh, Dandin, mon

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l'utile,

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Celui qui dit je fais au plus brave un défi, fait cette action à l'instant même qu'il parle.

Que ne demandez-vous ce que Philippe fait au moment où je parle ?

Dans les six exemples donnés, la même action se fait au moment même où l'on parle.

L'INSTANT DE LA PAROLE, voilà une première époque à laquelle on peut rapporter toutes les actions, tous les événements. Par rapport à cette époque, tout est présent, passé ou futur.

Le verbe, dans les six exemples ci-dessus, est donc au temps présent, car l'action qu'il exprime se fait à l'instant même de la parole.

Dans nous fesons cas du beau, nous méprisons l'utile ; patience et longueur de temps font plus que force ni que rage, l'action est représentée comme se fesant en ce moment : mais comme elle tient aux mœurs, aux habitudes, ce temps pourrait s'appeler présent habituel.

Ce premier temps a été appelé présent. On en voit la raison : on a ajouté indicatif. On verra qu'indépendamment du temps, c'est une manière d'employer le verbe.

Temps second, dit imparfait indicatif.

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Je fesais ton bonheur et tu fesais le mien: ces deux actions sans doute sont passées par rapport à l'instant de la parole, mais elles se fesaient en même temps l'une et l'autre. Ainsi comparées à une seconde époque, elles sont présentes ou simultanées.

Ce temps peut donc s'appeler passé simultanė.

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Ainsi, au lieu d'une époque, en voilà deux auxquelles les actions peuvent être rapportées; savoir:

Première époque ou instant de la parole;

Seconde époque, tout autre instant que celui de la parole.

Ces deux époques, si bien exposées par Beauzée, nous suffisent pour classer tous les temps des verbes.

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Je fis hier des gants; comparée à la première époque, à l'instant où je parle, cette action est passée; comparée à ce matin, à aujourd'hui jusqu'au moment actuel, elle est encore passée, puisqu'elle est toute renfermée dans la journée ou dans la période d'hier. Vora le numéro suivant.

Ici nous devons montrer en quoi diffère l'époque et la période.

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L'époque (présente, passée ou future) ne désigne, comme on voit, qu'un point dans l'espace.

Les périodes sont, non pas des points de la durée, mais des étendues de temps déterminées dans des limites fixes. HIER je fis des gants, est nonseulement un temps passé au moment où je parle, mais il est renfermé dans une période dont il ne reste plus rien.

Ce temps a donc pu être appelé passé périodique, c'est-à-dire temps passé au moment actuel, et dans une période hors de laquelle on se trouve.

Tu fis de tes enfants à l'aigle ce portrait, LA F. 5, 18.

C'est-à-dire, par exemple, le printemps passé tu fis, etc.

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Dieu fit bien ce qu'il fit. La F. 12, 8.

c'est-à-dire Dieu fit bien ce qu'il fit dans le temps qu'il créa, qu'il orga-
nisa le monde. En parlant ainsi, nous nous plaçons hors de cette période.
Et tous les deux nous fimes par moitié

Un drame court et non versifié. VOLTAIRE.

Quand fimes-nous ce drame ? L'auteur va le dire :

L'abbé Trublet avait alors la rage

D'être à Paris un petit personnage.

C'est dans cette période, hors de laquelle nous sommes, que nous fimes un drame court, etc.

Temps quatrième, dit futur indicatif.

Singulier.

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Pluriel.

Jouis.-Je le ferai.-Et quand donc ?-Dès Que ferons-nous, s'il lui vient des enfants? demain. LA F. 8, 27.

Eh! mon ami, tire-moi du danger;

Tu feras après ta harangue. La F. 1, 19.
Jamais, s'il me veut croire, il ne se fera pein-

dre. LA F. 1,7.

LA F. 6, 12.
Quittez les bois, vous ferez bien.

LA F. 1, 5.
Que feront les valets, qui, toute la journée,
Vous verront contre eux déchaînée ?
LA F. 7, 2.

Je ferai, quand ? ce soir, demain, etc. Cette action, comparée à l'instant de la parole, est évidemment future. Voilà les quatre temps qu'on rapporte au mode appelé indicatif. Mais le mot mode ne peut être bien compris que lorsque nous en aurons vu et comparé plusieurs.

Temps cinquième ou futur impératif.

Singulier.

Pluricl.

Ce temps n'a point de première per- Ainsi parla le bœuf. L'homme dit: Fesons taire sonne au singulier.

Le renard sorti du puits dit au bouc : Tâche de t'en tirer, et fais tous tes efforts.

LA F. 3, 5.

Cet ennuyeux déclamateur. La F. 10, 2. Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire, Faites, si vous pouvez, votre cour sans vous nuire. LA F. 8, 3.

Dans les lois, on emploie tantôt le futur impératif, tantôt le futur indicatif.

Père et mère honoreras,

ou honore père et mère,

afin que tu vives longuement.

128 Qu'est-ce donc qui a pu faire dire aux grammairiens que l'impératif est un temps présent? Fais ce que tu dois, arrive ce qui pourra; c'est comme s'il y avait :

Je veux, je commande ou je désire ceci : tu feras ce que tu dois, etc.

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