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ISIDORE. Lorsqu'on est une fois résolu sur la chose, s'arrête-t-on sur le temps?

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DON PEDRE, à Hali. Voilà mon sentiment, et je vous baise les mains.

HALI. Seigneur, quand vous aurez reçu quelque soufflet, je suis aussi homme de conseil; et je pourrai vous rendre la pareille.

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DON PEDRE. Je vous laisse aller sans vous reconduire; mais, entre cavaliers, cette liberté est permise.

ADRASTE, à Isidore. - Non, il n'est rien qui puisse effacer de mon cœur les tendres témoignages........ (A don Pèdre apercevant Adraste qui parle de près à Isidore.) Je regardais ce petit trou qu'elle a au côté du menton; et je croyais d'abord que ce fût une tache. Mais c'est assez pour aujourd'hui, nous finirons une autre fois. (A don Pedre qui veut voir le portrait.) Non, ne regardez rien encore; faites serrer cela, je vous prie (à Isidore); et vous, je vous conjure de ne vous relâcher point, et de garder un esprit gai, pour le dessein que j'ai d'achever notre ouvrage.

ISIDORE. Je conserverai pour cela toute la gaieté qu'il faut.

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SCÈNE XIV.

DON PEDRE, ISIDORE.

ISIDORE. Qu'en dites-vous? Ce gentilhomme me paraît le plus civil du monde; et l'on doit demeurer d'accord que les Français ont quelque chose en eux de poli, de galant, que n'ont point les autres nations.

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DON PEDRE. Oui; mais ils ont cela de mauvais, qu'ils s'émancipent un peu trop, et s'attachent, en étourdis, à conter des fleurettes à tout ce qu'ils rencontrent.

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ISIDORE. C'est qu'ils savent qu'on plaît aux dames par ces choses.

DON PEDRE.Oui; mais, s'ils plaisent aux dames, ils déplaisent fort aux messieurs; et l'on n'est point bien aise de voir, sous sa moustache, cajoler hardiment sa femme ou sa maitresse.

ISIDORE. Ce qu'ils en font n'est que par jeu.

SCÈNE XV.

ZAIDE, DON PEDRE, ISIDORE.

ZAÏDE.Ah! seigneur cavalier, sauvez-moi, s'il vous plaît, des mains d'un mari furieux dont je suis poursuivie. Sa jalousie est incroyable, et passe, dans ses mouvements, tout ce qu'on peut imaginer. Il va jusqu'à vouloir que je sois toujours voilée; et, pour m'avoir trouvée le visage un peu découvert, il a mis l'épée à la main, et m'a réduite à me jeter chez vous pour vous demander votre appui contre son injustice. Mais je le vois paraître. De grâce, seigneur cavalier, sauvezmoi de sa fureur.

DON PEDRE, à Zaide, lui montrant Isidore. Entrez là dedans avec elle, et n'appréhendez rien.

SCÈNE XVI.

ADRASTE, DON PEDRE.

DON PEDRE. Hé quoi! seigneur, c'est vous? Tant de jalousie pour un Français! Je pensais qu'il n'y eût que nous qui en fussions capables.

ADRASTE. Les Français excellent toujours dans toutes les choses qu'ils font; et, quand nous nous mêlons d'être jaloux, nous le sommes vingt fois plus qu'un Sicilien. L'infâme croit avoir trouvé chez vous un assuré refuge; mais vous êtes trop raisonnable pour blåmer mon ressentiment. Laissez-moi, je vous prie, la traiter comme elle mérite.

--

DON PEDRE. Ah! de grâce, arrêtez. L'offense est trop petite pour un courroux si grand.

ADRASTE. La grandeur d'une telle offense n'est pas dans l'importance des choses que l'on fait. Elle est à transgresser les ordres qu'on nous donne; et, sur de pareilles matières, ce qui n'est qu'une bagatelle devient fort criminel lorsqu'il est défendu.

DON PEDRE. - De la façon qu'elle a parlé, tout ce qu'elle en a fait a été sans dessein; et je vous pric enfin de vous remettre bien ensemble.

ADRASTE.

Hé quoi! vous prenez son parti, vous qui êtes si délicat sur ces sortes de choses?

DON PEDRE. Oui, je prends son parti; et, si vous voulez m'obliger, vous oublierez votre colère, et vous vous réconcilierez tous deux. C'est une grâce que je vous demande; et je la recevrai comme un essai de l'amitié que je veux qui soit entre nous.

ADRASTE. Il ne m'est pas permis, à ces conditions, de vous rien refuser. Je ferai ce que vous voudrez.

SCÈNE XVII.

ZAIDE, DON PEDRE, ADRASTE, dans un coin du théâtre.

DON PEDRE, à Zaide. - Holà! venez. Vous n'avez qu'à me suivre, et j'ai fait votre paix. Vous ne pouviez jamais mieux tomber que chez moi.

ZAÏDE. Je vous suis obligée plus qu'on ne saurait croire; mais je m'en vais prendre mon voile; je n'ai garde, sans lui, de paraître à ses yeux.

SCÈNE XVIII.

DON PEDRE, ADRASTE.

DON PEDRE. La voici qui s'en va venir; et son âme, je vous assure, a paru toute réjouie lorsque je lui ai dit que j'avais raccommodé tout.

SCÈNE XIX.

ISIDORE, sous le voile de Zaïde, ADRASTE, DON PEDRE.

DON PEDRE, à Adraste. — Puisque vous m'avez bien voulu abandonner votre ressentiment, trouvez bon qu'en ce lieu je vous fasse toucher dans la main l'un de l'autre, et que tous deux je vous conjure de vivre, pour l'amour de moi, dans une parfaite union.

ADRASTE. Oui, je vous le promets que, pour l'amour de vous, je m'en vais avec elle vivre le mieux du monde.

DON PEDRE. Vous m'obligez sensiblement, et j'en garderai la mémoire.

ADRASTE. Je vous donne ma parole, seigneur don Pèdre,

qu'à votre considération, je m'en vais la traiter du mieux qu'il me sera possible.

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DON PEDRE. C'est trop de grâce que vous me faites. (Seul.) Il est bon de pacifier et d'adoucir toujours les choses. Holà! Isidore, venez.

DON PEDRE.

SCÈNE XX.

ZAIDE, DON PEDRE.

Comment! que veut dire cela?

ZAÏDE, sans voile. Ce que cela veut dire? qu'un jaloux est un monstre haï de tout le monde, et qu'il n'y a personne qui ne soit ravi de lui nuire, n'y eût-il point d'autre intérêt; que toutes les serrures et les verrous du monde ne retiennent point les personnes, et que c'est le cœur qu'il faut arrêter par la douceur et par la complaisance; qu'Isidore est entre les mains du cavalier qu'elle aime, et que vous êtes pris pour dupe.

DON PEDRE.

Don Pedre souffrira cette injure mortelle ! Non, non j'ai trop de cœur, et je vais demander l'appui de la justice pour pousser le perfide à bout. C'est ici le logis d'un sénateur. Holà!

SCÈNE XXI.

UN SENATEUR, DON PEDRE.

LE SENATEUR. Serviteur, seigneur don Pèdre. Que vous venez à propos!

DON PEDRE. qu'on m'a fait.

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Je viens me plaindre à vous d'un affront

LE SENATEUR. J'ai fait une mascarade la plus belle du monde.

DON PEDRE.

Un traître de Français m'a joué une piècc. LE SÉNATEUR. Vous n'avez, dans votre vie, jamais rien

vn de si beau.

-

DON PEDRE.Il m'a enlevé une fille que j'avais affranchie.
Ce sont gens vêtus en Maures, qui dansent

LE SÉNATEUR.

admirablement.

DON PEDRE. Vous voyez si c'est une injure qui se doive

souffrir.

LE SÉNATEUR.

près.

Les habits merveilleux et qui sont faits ex

DON PEDRE. Je vous demande l'appui de la justice contre cette action.

LE SÉNATEUR.

- Je veux que vous voyiez cela. On la va ré

péter pour en donner le divertissement au peuple. Comment! de quoi parlez-vous là?

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DON PEDRE.
LE SÉNATEUR.

DON PEDRE.

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LE SÉNATEUR. Je ne veux point, aujourd'hui, d'autres affaires que de plaisir. Allons, messieurs, venez. Voyons si cela ira bien.

DON PEDRE.

La peste soit du fou avec sa mascarade!

LE SÉNATEUR. Diantre soit le fâcheux avec son affaire!

SCÈNE XXII.

UN SENATEUR, TROUPE DE DANSEURS.

ENTRÉE DE BALLET.

(Plusieurs danseurs, vêtus en Maures, dausent devant le sénateur et finissent la comédie.)

FIN DU SICILIKN

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