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timents qu'on a pour elle, et savoir les siens là-dessus. Après on peut trouver facilement les moyens....

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HALI. Laissez-moi faire seulement. J'en essayerai tant de toutes les manières, que quelque chose enfin nous pourra réussir. Allons, le jour paraît; je vais chercher mes gens, et venir attendre, en ce lieu, que notre jaloux sorte.

SCÈNE VII.

DON PÈDRE, ISIDORE.

ISIDORE. — Je ne sais pas quel plaisir vous prenez à me réveiller si matin. Cela s'ajuste assez mal, ce me semble, au dessein que vous avez pris de me faire peindre aujourd'hui, et ce n'est guère pour avoir le teint frais et les yeux brillants que se lever ainsi dès la pointe du jour.

DON PEDRE.

qu'il est.

J'ai une affaire qui m'oblige à sortir à l'heure

ISIDORE. Mais l'affaire que vous avez eût bien pu se passer, je crois, de ma présence, et vous pouviez, sans vous incommoder, me laisser goûter les douceurs du sommeil du matin.

DON PEDRE. - Oui; mais je suis bien aise de vous voir toujours avec moi. Il n'est pas mal de s'assurer un peu contre les soins des surveillants, et, cette nuit encore, on est venu chanter sous nos fenêtres.

ISIDORE. Il est vrai. La musique en était admirable.

DON PEDRE. C'était pour vous que cela se faisait.

Isidore. Je le veux croire ainsi, puisque vous me le dites. DON PEDRE. Vous savez qui était celui qui donnait cette

sérénade?

ISIDORE. Non pas; mais, qui que ce puisse être, je lui suis obligée.

DON PEDRE. Obligée ?

ISIDORE.
DON PEDRE.

Sans doute, puisqu'il cherche à me divertir.

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Vous trouvez donc bon qu'il vous aime? ISIDORE. Fort bon. Cela n'est jamais qu'obligeant.

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DON PEDRE. Et vous voulez du bien à tous ceux qui prennent ce soin?

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DON PEDRE. C'est dire fort net ses pensées.

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ISIDORE. A quoi bon de dissimuler? Quelque mine qu'on

fasse, on est toujours bien aise d'être aimée. Ces hommages à nos appas ne sont jamais pour nous déplaire. Quoi qu'on en puisse dire, la grande ambition des femmes est, croyezmoi, d'inspirer de l'amour. Tous les soins qu'elles prennent ne sont que pour cela, et l'on n'en voit point de si fière qui ne s'applaudisse en son cœur des conquêtes que font ses

yeux.

DON PEDRE. Mais, si vous prenez, vous, du plaisir à vous voir aimée, savez-vous bien, moi, qui vous aime, que je n'y en prends nullement ?

ISIDORE. - Je ne sais pas pourquoi cela, et, si j'aimais quelqu'un, je n'aurais point de plus grand plaisir que de le voir aimé de tout le monde. Y a-t-il rien qui marque davantage la beauté du choix que l'on fait? et n'est-ce pas pour s'applaudir que ce que nous aimons soit trouvé fort aimable? DON PEDRE. Chacun aime à sa guise, et ce n'est pas là ma méthode. Je serai fort ravi qu'on ne vous trouve point si belle, et vous m'obligerez de n'affecter point tant de le paraitre à d'autres yeux.

ISIDORE. Quoi! jaloux de ces choses-là?

DON PEDRE. Oui, jaloux de ces choses-là, mais jaloux comme un tigre, et, si vous voulez, comme un diable. Mon amour vous veut toute à moi. Sa délicatesse s'offense d'un souris, d'un regard qu'on vous peut arracher, et tous les soins qu'on me voit prendre ne sont que pour fermer tout accès aux galants et m'assurer la possession d'un cœur dont je ne puis souffrir qu'on me vole la moindre chose.

ISIDORE. Certes, voulez-vous que je dise? vous prenez un mauvais parti, et la possession d'un cœur est fort mal assurée lorsqu'on prétend le retenir par force. Pour moi, je vous l'avoue, si j'étais galant d'une femme qui fût au pouvoir de quelqu'un, je mettrais toute mon étude à rendre ce quelqu'un jaloux, et l'obliger à veiller nuit et jour celle que je voudrais gagner. C'est un admirable moyen d'avancer ses affaires, et l'on ne tarde guère à profiter du chagrin et de la colère que donnent à l'esprit d'une femme la contrainte et la servitude. DON PEDRE. Si bien donc que, si quelqu'un vous en contait, il vous trouverait disposée à recevoir ses vœux?

ISIDORE. Je ne vous dis rien là-dessus, mais les femmes, enfin, n'aiment pas qu'on les gêne, et c'est beaucoup risquer que de leur montrer des soupçons et de les tenir renfermées. DON PEDRE. Vous reconnaissez peu ce que vous me devez,

et il me semble qu'une esclave que l'on a affranchie et dont on veut faire sa femme....

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ISIDORE. Quelle obligation vous ai-je, si vous changez mon esclavage en un autre beaucoup plus rude, si vous ne me laissez jouir d'aucune liberté, et me fatiguez, comme on voit, d'une garde continuelle?

DON PEDRE.-Mais tout cela ne part que d'un excès d'amour. ISIDORE. Si c'est votre façon d'aimer, je vous prie de me haïr.

DON PEDRE. Vous êtes aujourd'hui dans une humeur désobligeante, et je pardonne ces paroles au chagrin où vous pouvez être de vous être levée matin.

SCÈNE VIII.

DON PEDRE, ISIDORE, HALI, habillé en Ture, faisant

DON PEDRE.

plusieurs révérences à don Pèdre.

Trêve aux cérémonies. Que voulez-vous? HALI, se mettant entre don Pedre et Isidore.

(Il se tourne vers Isidore à chaque parole qu'il dit à don Pèdre, et lui fait des signes pour lui faire connaître le dessein de son maître. )

Signor (avec la permission de la signore), je vous dirai (avec la permission de la signore) que je viens vous trouver (avec la permission de la signore) pour vous prier (avec la permission de la signore) de vouloir bien (avec la permission de la signore)........

DON PEDRE. Avec la permission de la signore, passez un peu de cc côté.

HALI.

(Don Pèdre se met entre Hali et Isidore.)

Signor, je suis un virtuose.

DON PEDRE.

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HALI. Ce n'est pas ce que je demande; mais, comme je me mêle un peu de musique et de danse, j'ai instruit quelques esclaves qui voudraient bien trouver un maître qui se plût à ces choses; et, comme je sais que vous êtes une personne considérable, je voudrais vous prier de les voir et de les entendre, pour les acheter, s'ils vous plaisent, ou pour leur enseigner quelqu'un de vos amis qui voulût s'en accommoder.

ISIDORE. C'est une chose à voir, et cela nous divertira. Faites-les-nous venir.

HALI. Chala bala.... Voici une chanson nouvelle, qui est du temps. Écoutez bien. Chala bala.

SCÈNE IX.

DON PEDRE, ISIDORE, HALI, ESCLAVES TURCS.

UN ESCLAVE, chantant, à Isidore..

D'un cœur ardent, en tous lieux,

In amant suit une belle;

Mais d'un jaloux odieux

La vigilance éternelle

Fait qu'il ne peut, que des yeux

S'entretenir avec elle.

Est-il peine plus cruelle

Pour un cœur bien amoureux ?

(A don Pèdre. )

Chiribirida ouch alla,

Star bon Turca,

Non aver danara.

Ti voler comprara ?

Mi servir à ti,
Se pagar per mi.
Far bona cucina;

Mi levar matina;

Far boller caldara.

Parlara, parlara,

Ti voler comprara 1?

PREMIÈRE ENTRÉE DE BALLET.

(Danse des esclaves.)

L'ESCLAVE, à Isidore.

C'est un supplice, à tous coups,

Sous qui cet amant expire;
Mais, si, d'un œil un peu doux,
La belle voit son martyre,

Et consent qu'aux yeux de tous,
Pour ses attraits il soupire,
Il pourrait bientôt se rire
De tous les soins du jaloux.

(A don Pèdre )
Chiribirida ouch alla,

Star bon Turca,

4. Voici le sens de ce couplet : « Je suis bon Turc, je n'ai point d'argent. Vou<lez-vous m'acheter? je vous servirai, si vous payez pour moi. Je ferai une bonne cuisine, je me lèverai matin; je ferai bouillir la marmite. Parlez, parlez, vou

lez-vous m'acheter? »

Non aver danara.

Ti voler comprara?
Mi servir à ti,
Se pagar per mi.
Far bona cucina;
Mi levar matina;
Far boller caldara.
Parlara, parlara,

Ti voler comprara?

DEUXIÈME ENTRÉE DE BALLET.

(Les esclaves recommencent leur danse.)

DON PEDRE chante.

Savez-vous, mes drôles,
Que cette chanson
Sent, pour vos épaules,
Les coups de bâton?
Chiribirida ouch alla,
Mi ti non comprara,
Ma ti bastonara,
Si ti non andara.
Andara, andara,

O ti bastonara '.

Oh! oh! quels égrillards! (A Isidore.) Allons, rentrons ici j'ai changé de pensée; et puis le temps se couvre un peu. (A Hali qui paraît encore.) Ah! fourbe, que je vous y trouve !

HALI.

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Eh bien! oui, mon maître l'adore. Il n'a point de plus grand désir que de lui montrer son amour; et si elle y consent, il la prendra pour femme.

DON PEDRE. Oui, oui, je la lui garde.

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HALI. Nous l'aurons malgré vous.

DON PEDRE. Comment! coquin....

HALI. Nous l'aurons, dis-je, en dépit de vos dents.
DON PEDRE. Si je prends....

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sera à nous.

Vous avez beau faire la garde, j'en ai juré, elle

DON PEDRE.

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Laisse-moi faire, je t'attraperai sans courir. HALI. C'est nous qui vous attraperons. Elle sera notre femme, la chose est résolue. (Seul.) Il faut que j'y périsse, ou que j'en vienne à bout.

1. Ce couplet signifie « Je ne t'achèterai pas, mais je te bâtonnerai, si tu re 'en vas pas. Va-t'en, va-t'en, ou je te bâtonnerai. »

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