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ses soins et tout son temps pour quelqu'un qu'on n'aime pas.

CLAIRE.

En vérité, madame, vous me persuaderez à la fin qu'il n'y a rien de plus malheureux que la faveur, et qu'il faut y renoncer pour vivre seule.

LA DAME.

On n'en est pas maîtresse ; quand on a été si élevée, la chose ne peut être que rude; vous êtes comme disgraciée, tout le monde vous insulte; cette faveur qui n'a pu vous satisfaire, a bien su vous gâter, et vous ne trouvez plus que des contradictions et même des persécutions, d'autant plus sensibles, que vous avez été accoutumée à des flatteries et à des complaisances, dont la privation se fait plus sentir que · la jouissance.

CLÉMENCE.

Pourquoi des persécutions?

LA DAME.

C'est que vous avez attiré l'envie en vous élevant au-dessus des autres, et ils veulent s'en venger quand ils n'ont plus rien à espérer de vous.

CLAIRE.

Quel remède donc à un état si triste?

LA DAME.

Le remède unique et général c'est la piété.

CONVERSATION XLIX'.

SUR L'HABITUDE.

MARIE.

On nous dit tous les jours que la coutume rend tout facile; d'où vient donc que nous avons tant de peine à faire ce que nous devons?

ÉLÉONORE.

C'est que nous ne le faisons pas tous les jours.

BLANCHE.

Nous faisons pourtant tous les jours la même chose.

EUPHROSINE.

Et l'on nous dit aussi tous les jours la même chose.

BLANDINE.

Mais on ne nous diroit pas tous les jours la même chose si nous voulions faire ce qu'on nous dit.

ATHÉNAÏS.

Et pourquoi ne le faisons-nous pas ?

ÉLÉONORE.

C'est que nous l'oublions trop facilement.

1 Cette Conversation et les deux suivantes n'étaient destinées qu'aux enfants de la classe rougc.

ments, une pleine innocence dans notre vie, et aucune peine dans nos esprits.

AUGUSTINE.

Vous pouvez dire encore que nous servons Dieu, qui est le vrai bonheur.

ANASTASIE.

Je n'ai pas voulu, mademoiselle, mêler le nom de Dieu dans une conversation que nous ne faisons que pour nous divertir; mais c'est lui qui fait que nous jouissons en paix du bonheur que nous possédons ici.

HENRIETTE.

Nous en sommes aussi persuadées que vous, mademoiselle, mais nous avons voulu vous faire parler, ce qui nous a fait un grand plaisir.

CONVERSATION LI.

SUR LES CONVERSATIONS.

AGLAÉ.

On ne parle que de conversations; il y en a dans toutes les classes; n'en aurons-nous pas dans la nôtre?

THÉRÈSE.

et

Et comment en aurions-nous, mademoiselle? Nos beaux esprits sont tout occupés du catéchisme, nous ne sommes pas capables d'en composer.

monde qui fût capable de me le faire faire, et l'on ne me verra jamais seule avec un homme.

MARGUERITE.

Vous avez besoin d'une grande force pour résister à tout ce que vous trouverez, et on ne pourra vous souffrir si on voit que vous blâmez tout.

ANNE.

Nous ne voulons rien blâmer, mais éviter seulement ce que nous croyons mal.

MARGUERITE.

Où est le mal de boire du vin, de prendre du tabac, du thé, du café, du chocolat ?

ANNE.

Tout cela n'est mal que dans l'excès, selon la compagnie où l'on est, et dans l'assujettissement où l'on se met en prenant de telles habitudes; on ne peut plus s'en passer, et j'ai vu des personnes sécher effectivement d'avoir voulu renoncer au tabac. Ne vaut-il pas mieux ne pas entamer des choses qui doivent nous devenir un sujet de peine et n'en avons-nous point assez d'ailleurs?

FÉLICITÉ.

Il est impossible de résister à vos raisons, mais le torrent vous entraînera plus tôt que vous ne l'arrêterez.

MADELEINE.

J'en suis bien persuadée, et c'est par là que je crains tant de sortir d'ici, et que je n'oublierai rien pour me renfermer dans ma vie cachée, pour vivre en sûreté avec ma famille.

MARIE.

Croyez-vous que nous eussions moins de peine si nous prenions de bonnes habitudes ?

ÉLÉONORE.

On le dit, et même que nous n'en aurions plus du

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Et moi à regarder si vous tiendrez toutes vos résolutions.

CONVERSATION L.

SUR L'ESPRIT DU MONDE.

ANASTASIE.

Je suis ravie de vous voir, mesdemoiselles, et je vous assure que j'avois beaucoup d'impatience d'être avec vous.

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