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Mais plûtôt fans ce nom, dont la vive lumiere Donne un luftre éclatant à leur veine groffiere, Ils verroient leurs Ecrits, honte de l'Univers, Pourrir dans la pouffière à la merci des vers. 45 A l'ombre de ton nom ils trouvent leur afile; Comme on voit dans les champs un arbriffeau débile Qui, fans l'heureux appui qui le tient attaché, Languiroit triftement fur la terre couché.

Ce n'eft pas que ma plume, injuste & téméraire, 30 Veuille blâmer en eux le deffein de Të plaire: Et parmi tant d'Auteurs, je veux bien l'avouer, Apollon en connoit qui Te peuvent louër.

Oui, je fai qu'entre ceux qui t'adreffent leurs veilles,
Parmi les Pelletiers on compte des Corneilles.
55 Mais je ne puis fouffrir, qu'un Esprit de travers,
Qui pour rimer des mots pense faire des vers,.
Se donne en Té louant une gêne inutile.

Pour chanter un Augufte, il faut être un Virgile.
Et j'approuve les foins du Monarque guerrier,

Ibid.

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Qui

On compte des Corneilles.] PIERRE CORNEILLE, un de nos plus grands Poëtes, eft mis en oppofition avec Pelletier. Quoique le grand Corneille doive principalement fa réputation aux excellentes Tragédies qu'il a faites, il eft connu auffi par de très-beaux Poëmes qu'il a compofés à la louange du Roi: c'est à quoi on fait allufion en cet endroit.

Vers 59. Et j'approuve les foins du Monarque guerrier.] Aléxandre le Grand n'avoit permis qu'à APELLE de le peindre, à LYSIPPE de faire fon image en bronze,& à Ï ¥ R

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60 Qui ne pouvoit fouffrir qu'un Artisan groffier Entreprît de tracer, d'une main criminelle, Un portrait réservé pour le pinceau d'Apelle.

Moi donc, qui connois peu Phébus & fes douceurs, Qui fuis nouveau fevré fur le mont des neuf Sœurs: 65 Attendant que pour Toi l'âge ait mûri ma Muse, Sur de moindres fujets je l'exerce & l'amufe: Et tandis que ton bras, des peuples redouté, Va, la foudre à la main, rétablir l'équité,

Et retient les Méchans par la peur des fupplices: 70 Moi, la plume à la main, je gourmande les vices; Et gardant pour moi-même une jufte rigueur, Je confie au papier les fecrets de mon cœur.

REMARQUES.

Ainfi,

GOTELE de la graver fur des pierres précieuses: il étoit défendu à tout autre de faire le portrait ou l'effigie d'Alexandre. Plin. nat. Hift. VII. 38. L'Empereur Augufte fit avertir les Magiftrats de ne pas fouffrir que fon nom fût avili, en le faifant fervir de matière aux disputes pour les prix de profe & de vers. Suet. c. 89.

IMITATIONS. Vers 60. Qui ne pouvoit souffrir &c.] Hos. race II. Ep. I. vs. 239.

Edito vetuit, ne quis fe, præter Apellem,

Pingeret; aut alius Lyfippo duceret ara

Fortis Alexandri vultum fimulantia.

VERS 67. Et tandis que ton bras.... Va, la foudre à la main.] Le Bras eft employé ici pour la Perfonne même: la Partic pour le Tout. Ainfi, c'eft mal-à-propos que l'on a condamné cette expreffion. Mais il faut être Poëte, difoit l'Auteur, & fentir les beautés de la Poësie, pour justifier cette faute, qui n'en est pas une, I la juftifioit par ce beau vers de M,

Ra

Ainfi, dès qu'une fois ma verve se réveille,
Comme on voit au printems la diligente abeille,
75. Qui du butin des fleurs va composer son miel,.
Des fottifes du tems je compose mon fiel.

Je vais de toutes parts où me guide ma veine,.
Sans tenir en marchant une route certaine,

Et, fans gêner ma plume en ce libre métier, 80 Je la laiffe au hazard courir fur le papier.

Le mal eft, qu'en rimant, ma Mufe un peu légère Nomme tout par fon nom, & ne fauroit rien taire.C'est là ce qui fait peur aux Esprits de ce tems, Qui tout blancs au dehors, font tout noirs au dedans, 85 Ils tremblent qu'un Cenfeur, que fa verve encourage Ne

REMARQUES.

Racine, dans la dernière Scène de Mithridate:

Et mes derniers regards ont vû fuir les Romains.

Mes regards ont vu, eft la même chofe que, le bras qui va là: foudre à la main,

IMITATIONS. Vers 72. Je confie au papier &c.] Horace,› parlant du Poëte Lucilius:

Ille, velut fidis arcana fodalibus, olim 4
Credebat libris. L. II. Sat. I. vf. 30.

CHANGEMENT. Vers 75. Qui du butin des fleurs va compofer fon miel.] C'eft ainfi que l'Auteur a corrigé dans l'édition de 1674. Dans les précedentes éditions on lifoit: Qui des fleurs qu'elle pille en compose son miel.

VERS 82. Nomme tout par fon nom.] L'Auteur fait allufion à cet endroit de la Satire 1.

Je ne puis rien nommer fi ce n'est par fon nom.

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Apis matina

VERS

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Grate carpant

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Ne vienne en fes Ecrits démasquer leur visage,
Et fouillant dans leurs mœurs en toute liberté,
N'aille du fond du Puits tirer la Vérité.

Tous ces gens éperdus, au feul nom de Satire,
90 Font d'abord le procès à quiconque ofe rire.
Ce font eux que l'on voit, d'un discours insensé,
Publier dans Paris que tout eft renverfé,

Au moindre bruit qui court, qu'un Auteur les menace
De jouer des Bigots la trompeufe grimace.

95 Pour eux un tel ouvrage eft un monftre odieux;

C'eft offenfer les Loix, c'eft s'attaquer aux Cieux.
Mais bien que d'un faux zele ils masquent leur foibleffe,
Chacun voit qu'en effet la Vérité les bleffe.

En vain d'un lâche orgueil leur esprit revétu 100 Se couvre du manteau d'une auftere vertu:

Leur cœur qui fe connoit, & qui fuit la lumiere,
S'il fe moque de Dieu, craint Tartuffe & Moliere.

Mais pourquoi fur ce point fans raison m'écarter?GRAND ROI, c'eft mon défaut, je ne faurois flatters 105 Je ne fai point au Ciel placer un Ridicule,

REMARQUES.

D'un

VERS 88. N'aille du fond du Puits tirer la Vérité.] Démocrite disoit que la Vérité étoit au fond d'un. Puits, & qua perfonne ne l'en avoit encore pû tirer.

VERS 93.

Qu'un Auteur les menace, &c.] En 1664. MOLIERE Compofa fon Tartufe; mais la Cabale des faux Devots porta le Roi à défendre la repréfentation de cette Comédie: & cette défense subsista jusqu'en l'année 1669. VERS 121. Fenler aux pieds l'orgueil & du Tage & du Tibre.]

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D'un Nain faire un Atlas, ou d'un Lâche un Hercule, Et fans ceffe en esclave à la fuite des Grands, A des Dieux fans vertu prodiguer mon encens. On ne me verra point d'une veine forcée, H0 Même pour Te louër, déguiser ma pensée:

Et quelque grand que foit ton pouvoir fouverain, Si mon cœur en ces vers ne parloit par ma main, Il n'eft espoir de biens, ni raifon, ni maxime, Qui pût en ta faveur m'arracher une rime. 115 Mais lorsque je Te voi, d'une fi noble ardeur; T'appliquer fans relâche aux foins de ta grandeur, Faire honte à ces Rois que le travail étonne, Et qui font accablés du faix de leur Couronne... Quand je voi ta fageffe, en fes juftes projets,120 D'une heureuse abondance enrichir tes Sujets ;. Fouler aux pieds l'orgueil & du Tage & du Tibre; Nous faire de la mer une campagne libre; Et tes braves Guerriers fecondant ton grand cœur, Rendre à l'Aigle éperdu fa première vigueur: 125 La France fous tes Loix maîtriser la Fortune;

REMARQUES.

I

Le Roi fe fit faire fatisfaction des deux infultes faites à fes Ambaffadeurs: à Londres, par l'Ambaffadeur d'Espagne, en-1661. & à Rome, par des Corses de la Garde du Pape, en 1662...

VERS 122, Nous faire de la mer une campagne libre.] La mer fut purgée de Pirates par la victoire remportée en 1665. fur Jes Corfaires de Thunis & d'Alger, aux Côtes d'Afrique. VERS 124, Rendre à l'Aigle éperdu &c.] En 1664 les Trou

A. S

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