Page images
PDF
EPUB

Son fujet eft conduit d'une belle manière,

Et chaque Acte en fa Pièce eft une Pièce entière : Je ne puis plus fouffrir ce que les autres font. 200 Il eft vrai que Quinaut eft un Esprit profond, A repris certain Fat, qu'à fa mine difcrete Et fon maintien jaloux j'ai reconnu Poëte : Mais il en eft pourtant qui le pourroient valoir. Ma foi, ce n'eft pas vous qui nous le ferez voir, 205 A dit mon Campagnard avec une voix claire, Et déja tout bouillant de vin & de colère. Peut-être, a dit l'Auteur pâliffant de courroux: Mais vous, pour en parler, vous y connoissez-vous? Mieux que vous mille fois, dit le Noble en furie.

REMARQUES,

Vous?

de la tendreffe par tout, & de cette tendreffe délicate qui eft toute particulière à Mr. Quinaut. L'Anneau Roïal fait le fujet de la Scène 3. & 4. de l'Acte troifième. Elife, hé ritière du Roïaume de Tyr, donne à Agenor fon parent, un Anneau, qui étoit la marque de la dignité Roïale, pour le remettre à Aftrate, qui eft aimé de la Reine, & qu'elle veut faire Roi en l'époufant. Mais Agénor, qui avoit été nommé par le pere de la Reine pour être fon époux, ne veut point fe deffaifir de l'Anneau Roial: & comme il veut fe fervir de l'autorité fouveraine que lui donne ce precieux Anneau, pour faire arrêter fon Rival, il eft lui-même mis en prifon par ordre de la Reine.

VERS 198. Et chaque Acte en fa Pièce eft une Pièce entiere.] Une des premières règles du Théatre, eft qu'il ne faut qu'une Action pour le fujet d'une Pièce Dramatique; & cette Action doit être non-feulement complette, mais Continuée jusqu'à la fin, fans aucune interruption. Or, notre Auteur prétend que dans l'Aftrate, l'Action théatraTe eft interrompue à la fin de chaque Acte: ce qui fait autant d'Actions, qu'il y a d'Atès dans la Pièce. Cette cri

210 Vous? Mon Dieu, mêlez-vous de boire, je vous prie,
A l'Auteur fur le champ aigrement reparti.
Je fuis donc un Sot? Moi? vous en avez menti:
Reprend le Campagnard, & fans plus de langage,
Lui jette, pour deffi, fon affiette au vifage.
215 L'autre esquive le coup, & l'affiette volant

S'en va frapper le mur, & revient en roulant.
A cet affront, l'Auteur fe levant de la table,
Lance à mon Campagnard un regard effroïable:
Et chacun vainement fe ruant entre-deux,

220 Nos Braves s'accrochant fe prennent aux cheveux,
Auffi-tôt fous leurs piez les tables renversées
Font voir un long débris de bouteilles caffées:

REMARQUES.

En

tique eft très-fine.,, J'ai relû l'Aftrate, m'a dit Mr. Des», préaux. J'ai été étonné que je n'en aie pas dit davanta "ge dans ma Satire; car il n'y a rien de plus ridicule, & », il femble que tout y ait été fait exprès en dépit du bon ,,fens. A la fin, on dit à Aftrate, que fa Maitreffe eft ,, empoifonnée: cela fe dit devant elle; & il répond pour toute chofe, Madame. Cela n'eft-il pas bien touchant? ,,Nous difions autrefois, qu'il valoit bien mieux mettre, Tredame.

[ocr errors]

VERS 201. A repris certain Fat.] Cet endroit ne défigne perfonne en particulier.

VERS 216. S'en va fraper le mur, & revient en roulant.] L'Auteur a cherché à imiter, par le fon des mots, le bruit que fait une affiette en roulant. Il y a d'ailleurs beaucoup de grace dans cette imitation de la Poëfie héroïque, abaiffée à un fujet plaifant. La beauté de la Foëfie confifte principalement dans les images, & dans les peintures fenfibles: & c'est en quoi Homère a furpaffé tous les autres

Poëtes.

CHANG.

225

En vain à lever tout les Valets font fort promts,
Et les ruifleaux de vin coulent aux environs.

Enfin, pour arrêter cette lutte barbare;

De nouveau l'on s'efforce, on crie, on les fépare;
Et leur premiere ardeur paffant en un moment,
On a parlé de paix & d'accommodement.

Mais, tandis qu'à l'envi tout le monde y confpire,
230 J'ai gagné doucement la porte fans rien dire,
Avec un bon ferment, que fi pour l'avenir,
En pareille cohuë on me,peut retenir,

Je confens de bon cœur, pour punir ma folie, Que tous les vins pour moi deviennent vins de Brie, 235 Qu'à Paris le gibier manque tous les hivers,

Et qu'à peine au mois d'Août l'on mange des pois vers.

REMARQUES.

CHANG. Vers 233. Je confens de bon cœur.] Il y avoit, d'un bon cœur, dans les éditions de 1674. & de 1675. mais c'étoit une faute. L'Auteur a toûjours mis, de bon cœur, dans les autres éditions.

VERS 234. Deviennent vins de Brit.] Les vins de la Province de Brie font fi mauvais qu'ils ont paffé en proverbe : Auffi a-t-on dit en chanfon:

Mais tout vin eft vin de Brie,
Quand on boit avec un Fat.

73

D

A M. L'ABBE' LE VAYER.

Où vient, cher LE VAYER, que l'Homme le
moins fage

Croit toûjours feul avoir la Sageffe en partage:
Et qu'il n'eft point de Fou, qui par belles raisons
Ne loge fon voifin aux Petites-Maifons?

REMARQUES.

Un

LA Satire IV. a été faite en l'année 1664. immédiatement après la feconde Satire, & avant le Discours au

Roi.

Mr. l'Abbé LE VAYER, à qui elle eft adreffée, étoit fils unique de LA MOTHE LE VAYER, Confeiller d'Etat, Précepteur de MONSIEUR Philippe de France, Frere unique du Roi. En 1656. l'Abbé le Vayer publia une Traduction Françoise de Florus, qu'il dit avoir été faite par ce jeune Prince, & il accompagna cette Verfion d'un Commentaire favant & curieux. On croit qu'il a auffi compofé le Roman de Tarfis & Zelie qui eft fort bien écrit.

Cet Abbé avoit un attachement fingulier pour Moliere, dont il étoit le Partifan & l'admirateur. Il mourut âgé d'environ 35. ans, au mois de Septembre 1664. peu de tems après que cette Satire eut été compofée. Mr. Despréaux en conçut l'idée dans une converfation qu'il eut avec l'Abbé le Vayer & Moliere, dans laquelle on prouva par divers exemples que tous les hommes font fous, b que chacun croit néanmoins être fage tout seul. Cette propofition fait le fujet de cette Satire. Moliere avoit réfolu de faire une Comédie fur le même fujet. Il trouvoit que Desmarais n'avoit pas bien rempli ce deffein dans la Comédie des Visionnaires.

VERS 4.

Aux Petites-Maifons.] Hôpital de Paris, où l'on enferme les Fous dans de petites chambres. Autrefois on l'appeloit l'Hôpital de Saint Germain des Tom. 1.

D

Prez,

5 Un Pédant enivré de sa vaine science, Tout hériffé de Grec, tout bouffi d'arrogance, Et qui de mille Auteurs retenus mot pour mot, Dans fa tête entaffez, n'a fouvent fait qu'un Sot, Croit qu'un Livre fait tout, & que fans Aristote 10 La Raison ne voit goute, & le Bon Sens radote. D'autre part un Galant, de qui tout le métier Eft de courir le jour de quartier en quartier, Et d'aller, à l'abri d'une perruque blonde, De fes froides douceurs fatiguer tout le monde, 15 Condamne la Science, & blâmant tout Ecrit, Croit qu'en lui l'Ignorance est un titre d'esprit : Que c'est des gens de Cour le plus beau privilège, Et renvoie un Savant dans le fond d'un Collège.

REMARQUES.

Un

Prez, parce qu'il dépendoit de l'Abbaïe de St. Germain; & c'étoit une Maladerie destinée à retirer les Ladres qui y alloient coucher. Mais en 1544. cet Hôpital n'aïant point de revenus, la Cour de Parlement le fit démolir, & le Cardinal de Tournon, Abbé de Saint Germain, en vendit la place en 1557. aux Echevins de Paris, qui y firent bâtir l'Hôpital des Petites-Maisons.

VERS 5. Un Pédant enivré.] L'Auteur fait ici les caractères d'un Pédant, d'un Galant, d'un faux Dévot, & d'un Libertin. Ce font des caractères géneraux qui n'ont point d'objet particulier. Pradon a voulu infinuer que le portrait du Pédant étoit fait fur Mr. Charpentier de l'Académie Françoife; mais fa conjecture étoit lans fondement. PRADON, Préf. des nouvelles Rem. fur les Ouvrages de Mr. Despréaux. VERS IO La Raifon ne voit goute. ] L'Auteur auroit pu mettre: La Raifon est aveugle; & ce changement ne lui déplaifoit pas.

VERS 22, Damne tous les Humains, de sa pleine puissance. ]

Mo

« PreviousContinue »